Christophe Hondelatte Europe 1 3:45
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Séverine Mermilliod , modifié à
Alors que l'été 2020 a été marqué par le succès fou des deux numéros de Society consacrés à Xavier Dupont de Ligonnès, mais aussi par celui du documentaire sur l'affaire Grégory, le journaliste Christophe Hondelatte est revenu sur Europe 1 sur ce qui fait, selon lui, un bon fait divers.
INTERVIEW

Le carton de l'été, ce n'est pas un film, pas un tube, mais un magazine : les deux exemplaires de Society consacrés à l'affaire Dupont de Ligonnès se sont écoulés respectivement à 130.000 et 150.000 exemplaires, sont en rupture de stock partout, presque plus difficiles à trouver que l'homme auquel ils s'intéressent. Un succès dû à la passion des Français pour les faits divers, comme le montre aussi le succès du documentaire Netflix sur le petit Grégory, mais qui étonne Christophe Hondelatte, invité de Culture Médias sur Europe 1. Car selon lui la presse écrite s'est désintéressée du fait divers sur le long cours, qui pourtant, grâce aux "petits détails", racontent toute "l'ambiguïté de l'homme." 

Raconter le "tout petit détail"

"Si la presse écrite avait senti depuis 20 ans que le fait divers était porteur, elle en aurait fait beaucoup plus", estime Christophe Hondelatte. Selon lui depuis la mort de France Soir, qui traitait encore ce genre de sujet sur le long cours, elle n'en fait plus. "Le Parisien ne suit pas : ils vont faire un papier, parfois un deuxième, mais on n'a pas la fin de l'histoire. Aujourd'hui dans le fait divers, on n'a pas la fin. Moi, pour raconter mes histoires, je ne peux pas compter sur la presse écrite", en tout cas pas celle qui vient après les années 80, estime le journaliste.

L'intelligence de Society dans cette affaire, considère donc Christophe Hondelatte, "c’est de nous avoir donné des détails." En effet pour lui, "ce qui est intéressant dans le fait divers - cela fait longtemps que je le plaide et ceux qui écoutent Hondelatte raconte le savent -, c’est le détail, le tout petit détail." Les deux numéros du magazine lui ont même appris des choses "sur le processus de mise à mort, sur l'enchaînement des morts… Ce qu'on savait en grand, on le sait en détail, et comme c’est ça qui fait le sel d’une affaire criminelle, c'est intelligent de la part de Society d'avoir, en fait, au moins en ce qui concerne le premier numéro, publié le dossier d'instruction."

L'autre raison du succès selon le journaliste est inhérente à l'affaire. "Il y a quelque chose de très particulier autour de Dupont de Ligonnès. La dualité de l'homme poussée à son extrême. On a tout : l'aristocratie, le catholicisme, la famille d'apparence parfaite, et le dessous de tout cela."

Enquête et identification

Lui qui ne raconte que les affaires criminelles qui trouvent une solution, trouve malgré tout que cette affaire qui "renvoie à l'affaire Romand, à des vies bâties sur un mensonge" a quelque chose de "toujours passionnant parce que le processus d'identification, qui est ce qui fait que les gens s'intéressent aux affaires criminelles, fonctionne à fond". 

Christophe Hondelatte estime que ce qui est intéressant dans le fait divers, c'est "l’ambiguïté de l'homme", pas la souffrance des victimes. C'est "le récit d'une enquête criminelle. Dans Faites entrer l’accusé, quand on cherchait les bons ingrédients, on disait 'du sperme, du sang et des larmes'. C’est toujours bien quand une affaire se déroule dans le contexte d'une relation, et le crime de sang rend compte d’un moment. Enfin les larmes, parce qu’il faut qu’on soit triste pour la victime et les gens qui l’aimaient."

Le journaliste prépare actuellement un livre sur l’affaire des frères Jourdain, autour de la question de l'humanité des tueurs. Car un fait divers "n'est intéressant que si les criminels sont des humains, s'ils nous ressemblent beaucoup plus qu'on ne le pense", conclut-il.