Renforcer le contrôle de l'Arcom sur CNews : «Une mauvaise nouvelle pour la liberté de la presse», pour Robert Ménard

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avec AFP / Crédits photo : Ludovic MARIN / AFP , modifié à
Le Conseil d'État a demandé mardi à l'Arcom, à la suite d'un recours de Reporters sans frontières (RSF), de renforcer son contrôle sur la chaîne d'information CNews. Pour Robert Ménard, maire de Béziers et cofondateur de RSF, c'est "un vrai problème pour le pluralisme, un mauvais coup à la liberté de la presse".

Le Conseil d'État a demandé mardi à l'Arcom, le régulateur des médias, de renforcer son contrôle sur la chaîne d'information CNews. La plus haute juridiction administrative a "enjoint à l'Arcom de réexaminer dans un délai de six mois le respect par la chaîne CNews de ses obligations en matière de pluralisme et d'indépendance de l'information". La décision fait suite à un recours de l'ONG Reporters sans frontières (RSF), qui considère que CNews "est devenue un média d'opinion", ce que l'intéressée conteste.

"Un vrai problème pour le pluralisme"

Le secrétaire général de l'ONG de défense de la liberté de la presse, Christophe Deloire, a salué une "décision historique du Conseil d'État" pour "la démocratie et le journalisme". "L'Arcom ne s'est pas montrée à la hauteur" jusqu'alors, a-t-il jugé lors d'une conférence de presse, insistant sur son "rôle dans ce moment crucial" où désinformation et instrumentalisation peuvent sévir. Pour Robert Ménard, maire de Béziers et cofondateur de RSF, invité d'Europe 1 Matin, il s'agit "d'une mauvaise nouvelle pour la liberté de la presse".

"Vous imaginez ? Vous allez devoir demander une espèce de carte d'identité politique. Vous allez demander à chacun de vos invités pour qui ils votent, où ils se situent, à droite, à gauche, au milieu... Et puis des fois, c'est plus compliqué que ça, il y a des gens qui ont des opinions divergentes sur différents sujets. Je pense que c'est un vrai problème pour le pluralisme", a-t-il lancé au micro de Dimitri Pavlenko se réjouissant au contraire "d'entendre des gens" avec des pensées différentes.

L'Arcom devra tenir compte des interventions de l'ensemble des participants aux programmes diffusés 

RSF avait saisi le Conseil d'État en avril 2022, après avoir en vain appelé l'Arcom à mettre en demeure CNews de respecter ses obligations légales, à savoir "honnêteté, indépendance et pluralisme de l'information". Lors de l'audience devant le Conseil d'Etat le 19 janvier, le rapporteur public, qui dit le droit, avait partiellement donné raison à RSF. Ses conclusions ont été largement suivies.

Tout d'abord, l'Arcom ne doit pas se limiter au décompte des temps de parole des personnalités politiques pour veiller au respect du pluralisme. Elle devra tenir compte des interventions de l'ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris chroniqueurs, animateurs et invités, a exigé la juridiction. Concernant l'indépendance de l'information, celle-ci doit s'apprécier "non seulement au regard d'un programme donné" mais aussi, pour une chaîne, "de l'ensemble de ses conditions de fonctionnement et des caractéristiques de sa programmation", a ajouté le Conseil d'État dans sa décision publique.

"C'est une offensive politique"

D'après Robert Ménard, certaines idées n'ont pas le droit d'être citées. "Je connais assez bien Reporters sans frontières, est-ce qu'ils auraient fait la même chose avec un média marqué à gauche ? Bien sûr que non ! Si vous défendez des idées qui ne sont pas de gauche, c'est un peu suspect. C'est une offensive politique", a-t-il affirmé.

"La position de Reporters sans frontières est une trahison"

Reporters sans frontières a été fondée en 1985 par quatre journalistes : Robert Ménard, Rémy Loury, Jacques Molénat et Émilien Jubineau, avec comme devise "Sans une presse libre, aucun combat ne peut être entendu". Une ONG faite "pour défendre le pluralisme", comme l'indique le maire de Béziers au micro d'Europe 1. "J'ai passé ma vie à sortir de prison des otages, à me battre pour des otages, je ne pensais rien comme eux, j'aurais même combattu leurs idées mais on se faisait un honneur de dire 'on n'a pas leur opinion, mais on se bat pour qu'elles puissent s'exprimer' ! Aujourd'hui, la position de Reporters sans frontières, c'est plus qu'un reniement, c'est une trahison", s'est-il insurgé, se disant sidéré par cette annonce.

Dans un communiqué, l'Arcom a fait valoir qu'"avec cette interprétation renouvelée de la loi de 1986 (sur la liberté de communication, ndlr), le Conseil d'État renforce la capacité de contrôle par le régulateur". Et ce, concernant l'ensemble des médias audiovisuels. Il y a un an, Roch-Olivier Maistre, président de l'Arcom, avait estimé que CNews "respect(ait) strictement le pluralisme politique" de façon globale, tout en jugeant qu'elle "se rapproche d'une chaîne d'opinion" à la manière de la télé conservatrice américaine Fox News.