Malgré la tentative de soulèvement de Juan Guaido, l'armées est restée fidèle à Nicolas Maduro. 2:16
  • Copié
Matthieu Bock, envoyé spécial à Caracas, édité par Grégoire Duhourcau , modifié à
Juan Guaido n'a pas réussi à soulever l'armée vénézuélienne contre le président Nicolas Maduro. Ce dernier a réussi à garder la main sur ses hommes en les terrorisant, mais aussi en les cajolant.
ON DÉCRYPTE

Malgré la tentative du président autoproclamé Juan Guaido de la faire basculer la semaine dernière, l'armée vénézuélienne est restée fidèle à Nicolas Maduro. Malgré quelques défections çà et là, le jeune opposant ne parvient toujours pas à rallier l'armée à sa cause, et ce depuis trois mois.

Cela s'explique tout simplement parce que le président Maduro la tient d'une main de fer, tantôt en la cajolant, tantôt en la terrorisant. Si les officiers, largement corrompus, n'ont aucun intérêt à changer de camp, les soldats les plus jeunes, peut-être plus sensibles aux discours de Guaido, sont surveillés de près, explique le député Winston Florès, proche de Juan Guaido, à Europe 1 : "Ils terrorisent les plus jeunes. Ils les regroupent dans les baraquements, inspectent leurs portables. S'ils voient le moindre message, le moindre like sur Facebook, ou quoique ce soit en soutien à Guaido, ces soldats sont arrêtés et mis en prison. Ou pire."

"Tout le monde est promu pour une raison ou pour une autre"

En ce qui concerne "les officiers, c’est différent", poursuit ce député. "Le Venezuela a environ 3.000 généraux. C’est plus que les États-Unis, alors que l'on n'a que 200.000 soldats. Ça n’a aucun sens… La Chine, ils ont 4.000 généraux, alors qu’ils ont plusieurs millions de soldats ! On n’a pas besoin d’autant de généraux." D'après lui, c'est donc "comme ça que le pouvoir les tient : tout le monde est promu pour une raison ou pour une autre". "Si un officier tabasse un député, il est promu général. Si un soldat brûle l'un des petits papiers qu'on leur donne pour les convaincre de nous rejoindre, on lui donne une voiture", complète-t-il.

>> De 7h à 9h, c’est deux heures d’info avec Nikos Aliagas sur Europe 1. Retrouvez le replay ici

A entendre Winston Florès, il était donc assez prévisible que l'armée ne se retourne pas contre Maduro. Et c'est justement ce qui est reproché à Guaido : une part de naïveté en pensant qu’il parviendrait à faire basculer l’armée, sans comprendre que cette corruption était un système ancré, installé, quasiment incontournable.

Les États-Unis ont des leviers...

Les États-Unis ont donc pris la main. Il y a trois jours, Washington a levé les sanctions contre le puissant chef des services secrets, en échange de son passage dans le camp Guaido. C’est un message très clair envoyé à ces militaires corrompus qui se sont enrichis ces dernières années.

"Tout ce que veulent ces généraux, c’est profiter de la fortune qu’ils ont amassée, dépenser tout cet argent qui est sur des comptes à l’étranger et qui est bloqué à cause des sanctions américaines. C’est ça la réalité. C’est la seule raison pour laquelle ces généraux pourraient être obligés de négocier le départ de Maduro", analyse le journaliste d’investigation Javier Majorca.

...Maduro, un épouvantail

Et pour garder ses troupes dans le rang, Maduro agite régulièrement l'épouvantail Raúl Baduel. Ce compagnon de la première heure de Chavez croupit en prison depuis bientôt dix ans. Il a été général en chef des armées, ancien ministre de la Défense, et se trouve aujourd’hui dans une cellule surnommée "la tombe", à l'isolement, sans lumière naturelle, enfoui à 15 mètres sous terre. Le message est clair : personne n’est à l’abri.