Un an après Charlottesville, nouveau rassemblement néo-nazi attendu à Washington

L'an dernier, les militants néo-nazis s'étaient regroupés à Charlottesville. Dimanche, ils seront devant la Maison-Blanche.
L'an dernier, les militants néo-nazis s'étaient regroupés à Charlottesville. Dimanche, ils seront devant la Maison-Blanche. © ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP
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Margaux Baralon avec Sonia Dridi et AFP , modifié à
Plusieurs centaines de sympathisants néo-nazis sont attendus dimanche, devant la Maison-Blanche, pour un rassemblement sous tension. Un an après les incidents de Charlottesville, l'ancrage de l'extrême droite américaine reste important.

Il y a un an jour pour jour, la municipalité américaine de Charlottesville, en Virginie, était le théâtre d'un rassemblement néo-nazi qui avait rapidement dégénéré, un sympathisant de l'extrême droite fonçant dans une foule de manifestants antiracistes et tuant une jeune femme. Un an plus tard, l'"alt-right" compte bel et bien de nouveau se faire entendre.

Devant la Maison-Blanche. Cette fois, pas question d'aller à Charlottesville. Les manifestations y ont été interdites et la commune a décrété l'état d'urgence. C'est donc à Washington, dans le square Lafayette devant la Maison-Blanche, que l'organisation informelle "Unite the Right", qui était déjà à l'origine du rassemblement l'année dernière, a reçu une autorisation pour réunir 400 personnes, à partir de 17h30 et pour deux heures seulement. Des contre-manifestants sont également attendus. Un important dispositif policier a été mis en place, principalement pour empêcher les deux groupes d'entrer en contact, avec plusieurs artères interdites à la circulation.

Eviter de nouveaux incidents. Les autorités veulent à tout prix éviter de nouveaux incidents, après le drame qui s'était produit l'année dernière. Alors que des néo-nazis s'étaient rassemblés pour protester contre le projet de la mairie de Charlottesville de déboulonner une statue du général confédéré Robert E. Lee, des heurts avaient éclaté entre suprématistes blancs et contre-manifestants. Un sympathisant néo-nazi avait alors foncé en voiture dans une foule de manifestants antiracistes, tuant une jeune femme de 32 ans, Heather Heyer, et faisant 19 blessés.

"Déverser la haine". Si la maire de Washington, Muriel Bowser, n'a pas voulu interdire totalement la manifestation de l'"alt-right" cette année, c'est au nom du premier amendement de la Constitution américaine, qui protège la liberté d'expression. Mais l'élue porte un jugement sévère sur le rassemblement. "Nous savons que dimanche, des gens vont venir dans notre ville dans le seul but de déverser leur haine", a-t-elle déclaré. 

"Je ne veux pas de néo-nazis". De son côté, l'organisateur du rally, Jason Kessler, a exprimé à la radio publique NPR le souhait que l’événement soit "apaisé" et pris publiquement ses distances avec la mouvance néo-nazie. "Je ne veux pas de néo-nazis à mon rassemblement", a-t-il assuré. "Ils ne sont pas les bienvenus. J'espère qu'après, je pourrai discuter ou débattre avec des représentants de Black Lives Matter (mouvement contre les violences faites aux Noirs) ou les antifa, parce que je crois que nous devons avoir ce dialogue."

" Même si les gens ne veulent pas de groupes d'extrême droite dans les rues en pantalon kaki, ils ont été plutôt à l'aise avec le racisme au quotidien qui ronge notre société. "

Trump critiqué. Donald Trump a quant à lui posté un tweet dans lequel il dit "condamner tous les types de racisme et actes de violence". Mais le président américain reste sous le feu des critiques, qui l'accusent précisément de mettre de l'huile sur le feu en favorisant, pendant sa campagne et depuis sa victoire électorale, l'émergence d'un discours extrémiste pro-blanc décomplexé. Selon des experts, les suprématistes blancs ont trouvé un nouveau souffle sous la présidence, certains se lançant même dans la course au Congrès. Et il y a un an, Donald Trump s'était contenté de renvoyer dos à dos néo-nazis et militants antiracistes, estimant que la violence venait "des deux côtés".

"Le problème, c'est le racisme au quotidien". Pour Nikuyah Walker, la maire afro-américaine de Charlottesville, élue en janvier dernier, on ne peut comprendre ce qui s'est passé à Charlottesville sans interroger le racisme dans sa globalité. "Le problème, ce n'était pas juste ces rassemblements ou la statue", a-t-elle expliqué dans les médias américains. "Le problème, c'est le profond racisme que nous avons ici. Et c'est ça le challenge. Car même si les gens ne veulent pas de groupes d'extrême droite, d'hommes blancs qui marchent dans les rues en pantalon kaki, ils ont jusqu'à présent été plutôt à l'aise avec le racisme au quotidien qui ronge notre société."

Charlottes ville se souvient. Dans sa commune, où la statue de Robert E. Lee trône toujours, le centre-ville a été cerné de grillages, de barrières en béton et de voitures officielles avec seulement deux points d'entrée pour les piétons. Samedi, quelques dizaines de militants "antifa", vêtus de noir, ont brièvement marché dans ce quartier piéton, encadré de très près par la police. L'un d'entre eux portait une banderole rouge siglée "Good Night White Pride" ("bonne nuit fierté blanche"). Dans les rues piétonnes, des personnes avaient accroché des pancartes "C-ville is love" et des rubans en hommage à Heather Heyer, dont une portion de rue de Charlottesville porte le nom depuis fin 2017. Des gerbes de fleurs s'entassaient à l'endroit où la jeune femme a été renversée, tandis que des dizaines de policiers patrouillaient dans les rues.