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A.H.
Pour Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche stratégique, la rencontre entre les dirigeants des deux Corées vendredi ne doit pas faire oublier les craintes et les doutes.
INTERVIEW

Un sommet "historique". Un premier pas vers "une nouvelle ère". Au lendemain de la rencontre entre Kim Jong Un, le leader nord-coréen, et Moon Jae-in, le président sud-coréen, la tentation est grande d'imaginer dans un futur proche une péninsule complètement apaisée. Mais méfiance, selon Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche stratégique, invité de C'est arrivé cette semaine sur Europe 1, samedi matin. 

Des précédents à garder en mémoire. Selon le spécialiste, si l'on peut se réjouir de cette rencontre, "il ne faut surtout pas être dupe". "N’oubliez pas qu’il y a déjà eu deux sommets entre les dirigeants nord-coréens et sud-coréens", en juin 2000 et octobre 2007, rappelle Bruno Tertrais. "Ce qui est nouveau, c'est que symboliquement, le dirigeant nord-coréen a foulé du pied la Corée du Sud, de quelques mètres. Même si ça conduit à diminuer les tensions, et peut-être à commencer à bâtir à quelque chose qui ressemblerait à un traité de paix entre les deux Corées, ce n’est pas là l’essentiel", nuance l'expert, qui estime que "les déclarations nord-coréennes ne nous apprennent rien". 

Une "pièce de théâtre". Vendredi, après s'être donné l'accolade, les dirigeants des deux Corées ont signé un communiqué proclamant "qu'il n'y aura plus de guerre sur la péninsule coréenne". Ils ont également affirmé être engagés en faveur de la dénucléarisation de la péninsule. Sur ce dernier point, Bruno Tertrais est particulièrement sceptique. "Cette pièce de théâtre-là, on l’a déjà vue trois ou quatre fois depuis 25 ans. S'il y a bien une chose à laquelle on ne peut pas croire, c’est la dénucléarisation", avance-t-il, rappelant qu'il ne s'agirait là que d'une suspension, et qu'elle ne serait, par définition, pas pérenne.

La Corée du Nord se sent plus forte. Mais alors pourquoi ce rapprochement, et pourquoi à ce moment précis ? Il y a quelques mois seulement, les tensions avaient atteint leur paroxysme, notamment entre la Corée du Nord et les Etats-Unis, présidés par Donald Trump et ses provocations sur Twitter. "À Washington, l’administration Trump est absolument persuadée que c’est grâce à elle. Je ne le crois pas. Ce n’est pas la première fois qu’on avait une attitude un peu dure vis-à-vis de la Corée du Nord", juge Bruno Tertrais. Selon l'expert, si Kim Jong Un s'est décidé à faire un pas vers les Occidentaux, c'est d'abord parce qu'il s'est senti suffisamment fort. "La Corée du Nord se sent beaucoup plus à l’aise internationalement grâce à sa nouvelle capacité nucléaire et balistique", analyse-t-il.

Le directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche stratégique considère même que cette exposition médiatique est "une victoire fantastique" pour le dictateur nord-coréen, qui a ainsi pu se présenter "comme l’équivalent de la première puissance militaire mondiale". "Un but qui était depuis longtemps dans la tête des Nord-coréens".