Affaire Weinstein : la presse américaine dénonce une "culture de facilitateurs"

De nombreux collaborateurs de Harvey Weinstein auraient été au courant de ses agissements mais auraient préféré se taire
De nombreux collaborateurs de Harvey Weinstein auraient été au courant de ses agissements mais auraient préféré se taire © Yann COATSALIOU / AFP
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M.R. , modifié à
À travers les accusations dont fait l'objet Harvey Weinstein, la presse américaine voit surtout le portrait d'un homme de pouvoir qui a profité de son influence pour abuser des femmes avec la complicité de ses collaborateurs.

Rose McGowan, Gwyneth Paltrow ou encore Léa Seydoux et Emma de Caunes... les témoignages ne cessent d'affluer quant à des agressions sexuelles commises par le producteur américain Harvey Weinstein sur des actrices. Selon la presse américaine, ce scandale révèle de nombreux aspects de la place de la parole de la femme quand il s'agit de porter de telles accusations mais aussi de l'abus de pouvoir que permettent l'influence et l'argent. 

Un schéma bien connu. Pour le Los Angeles Times, les témoignages montrent un schéma récurrent : la mise en scène qui conduit Weinstein à se retrouver seul avec ses victimes, l'agression puis l'intimidation et la victimisation. Le tout couvert par les membres de sa compagnie qui étaient au courant. "Ce genre de collusion de la part de collègues qui pensent avoir détecté une inconduite sexuelle, mais ne l'arrêtent pas et ne signalent pas, explique pourquoi le harcèlement sexuel et les agressions sont encore répandus dans le milieu de travail", poursuit le journal.

Un sentiment de honte de la part des victimes.Angie Han, du site Mashable, évoque également le sentiment de honte qui a fait taire les victimes. Un mécanisme par lequel la journaliste Lauren Sivan explique qu'elle n'ait pas dénoncé l'agression dont elle a été victime. Un sentiment venu de la culpabilité de ne pas s'être défendue. Plusieurs témoignages évoquent un choc tel que les victimes en sont restées sans voix, parfois pétrifiées. Par la suite, elles n'osent plus raconter ce qu'elles ont vécu par peur d'être jugées et de voir leur carrière en pâtir.

Prendre un risque pour sa carrière. Car le fait d'oser, souvent après plusieurs années, dénoncer les agissements d'Harvey Weinstein reste un grand risque parce que cela pourrait nuire à la carrière des actrices et mannequins qui ont pris la parole. Le Weekly Standard rappelle qu'Harvey Weinstein comptait sur la répugnance de ses victimes à porter ces histoires sur le devant de la scène, donnant alors l'image qu"'une partie de leur succès, de leur célébrité même, était fonction de leur incapacité à se protéger d'être humiliés par un homme."

Une question d'argent… Et si cette pression ne suffisait pas, Harvey Weinstein pouvait acheter leur silence. Il aurait d'ailleurs dépensé des millions de dollars pour étouffer ce type d'affaires et acheter le silence des avocats et de ses victimes, toujours selon le Weekly Standard. Il aurait également fait pression sur le New York Times, dont une ancienne journaliste avait fait émerger un témoignage sur le sujet dès 2004. La Weinstein Compagny étant annonceur dans ce titre, l'affaire avait été enterrée.

… et de pouvoir. Quant à toutes les personnes, qui étaient au courant des agissements du producteur, - et elles seraient nombreuses - elles se seraient également tues face à son influence auprès des médias et des grands partis politiques. Weinstein a ainsi financé pendant près de vingt ans le parti démocrate.

À la manière de Donald Trump qui est parvenu à être élu président des États-Unis alors même qu'une vidéo avait été diffusée pendant la campagne présidentielle dans laquelle il assurait qu'il était capable d'attraper les femmes par l'entrejambe. "Si Trump a prouvé quelque chose, c'est que les femmes seules ne peuvent faire tomber les hommes qui détiennent un pouvoir et une richesse considérable", conclut le HuffingtonPost.

Un soutien difficile à trouver. Tant et si bien que Bret Stephens du New York Times parle même d'une "culture de facilitateurs". Il évoque le fait que de nombreuses personnes d'Hollywood connaissaient le comportement de Weinstein et n'auraient rien fait pour protéger ses potentielles victimes voire lui auraient facilité la tâche. Il évoque ainsi "un directeur de studio italien grassement payé, dont le véritable travail consistait à 'prendre soin des besoins des femmes de Weinstein'". Le comportement de Weinstein vis-à-vis des femmes était même un sujet de plaisanterie à Hollywood. Une situation inextricable qui explique la difficulté pour les victimes de trouver une oreille attentive auprès de laquelle se confier.

Et les hommes ? Par ailleurs, le HuffingtonPost relève un grand absent dans ce scandale : les hommes. Si le réalisateur et écrivain Judd Apatow a pris la parole sur Twitter pour dénoncer le fait que Weinstein ait utilisé de l'argent pour faire taire ses victimes, peu d'hommes se sont exprimés. Une absence de réaction qui contraste avec les condamnations vis-à-vis de l'acteur Bill Cosby, accusé d'agressions sexuelles.

"Cela montre bien la mainmise de Weinstein sur les médias et Hollywood", note le HuffPost. Mais cela révèle également autre chose : "Quand les femmes parlent, nous [les hommes] ne serons pas toujours derrière elles." Alors le HuffingtonPost appelle les hommes à les soutenir et espère que si l'un d'entre eux prend la parole, cela déclenchera les prises de position des autres.