Qui est Miguel Diaz-Canel, le nouveau président de Cuba ?

Miguel Diaz-Canel a été désigné jeudi pour succéder à Raul Castro à la tête de Cuba.
Miguel Diaz-Canel a été désigné jeudi pour succéder à Raul Castro à la tête de Cuba. © ADALBERTO ROQUE / AFP
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avec Sébastien Krebs, envoyé spécial à Cuba, et AFP , modifié à
Miguel Diaz-Canel, un civil de 57 ans qui n'a pas connu la révolution de 1959, a été désigné jeudi pour succéder à Raul Castro à la tête de Cuba. Cette rupture n'en est pourtant pas vraiment une.

Une page se tourne à Cuba, mais le livre ne se referme pas tout à fait. Après six décennies de pouvoir exclusif des frères Castro, Miguel Diaz-Canel a été désigné jeudi pour prendre la succession de Raul Castro, 86 ans, à la tête de l'île caribéenne. "Le mandat donné par le peuple à cette législature est de poursuivre la révolution cubaine dans un moment historique crucial (...) dans le cadre de l'actualisation du modèle économique", a déclaré Miguel Diaz-Canel dans son premier discours en tant que président du Conseil d'État. Discret, ce civil de 57 ans, aux faux airs de Richard Gere, appartient à une nouvelle génération de dirigeants communistes nés après la révolution de 1959. Mais c'est aussi un apparatchik du parti qui ne devrait pas radicalement changer la donne sur le plan politique.

"Il va suivre la ligne de la Révolution"

Certes, Miguel Diaz-Canel ne portera pas l'uniforme vert olive et ne dirigera pas le puissant Parti communiste cubain. Mais que la vieille garde se rassure : l'heure est à la continuité. D'autant que Raul Castro doit garder la tête du parti jusqu'en 2021. "Je crois que c'est quelqu'un qui dirigera comme les Castro. C'est un cadre, il a l'air bien préparé. C'est un révolutionnaire. Je pense que les Cubains lui font autant confiance qu'à Raul", lance notamment au micro d'Europe 1 Massimo, qui arbore fièrement, à près de 80 ans, ses médailles d'ancien combattant de la Baie des Cochons. "Je suis très tranquille, il va suivre la ligne de la Révolution : l'éducation et la santé gratuites, la culture pour tous… Ça, personne ne veut le perdre. Ces principes sont inamovibles", souligne aussi Cecilia, qui préside depuis 20 ans le conseil de défense de la Révolution de son quartier havanais, entre travail social et surveillance politique.

Le protégé de Raul Castro

Fils d’une institutrice et d’un mécanicien, ingénieur en électronique de formation, Miguel Diaz-Canel a su gravir les échelons du pouvoir les uns après les autres. Discrètement, mais subtilement. Après des années à asseoir son pouvoir en province, c’est sur ordre de Raul Castro, encore ministre des Forces armées révolutionnaires (FAR), qu'il entre au bureau politique du parti, en 2003. C'est encore le frère cadet de Fidel qui le nomme, six ans plus tard, ministre de l’Éducation supérieure. Puis Miguel Diaz-Canel d'accéder à l'une des huit vice-présidences du Conseil des ministres. Ne manquait alors que sa présence au sein du Conseil d'État, où il entre spectaculairement en 2013, accédant directement au poste de premier vice-président, soit numéro deux de facto du régime, reléguant au rang de simple vice-président son prédécesseur, le vieux compagnon de route des Castro, José Ramon Machado Ventura, 87 ans.

"Ce n'est ni un parvenu ni un intrus", dit de lui le président sortant, vantant ses trois décennies de loyaux services et sa "solide fermeté idéologique". Une solidité et une inflexibilité qui lui ont indirectement valu le surnom de "Diaz y Noche" ("Jour et nuit"), un jeu de mot sur son nom glané au rythme des inspections surprises menées dans certaines entreprises afin de lutter contre la corruption. L'an dernier, dans une vidéo que la dissidence a fait fuiter sur Internet, on le voit aussi prôner devant des cadres du parti l'intransigeance contre les portails Internet d'information indépendants, une poignée d'ambassades et bien sûr l'opposition, illégale à Cuba... De quoi trancher avec son image de jeune cadre cool étrennée par le passé - il portait des jeans, avait les cheveux longs, se disait fan des Beatles et se déplaçait à vélo. 

"Monsieur Personne" ?

Une chose n'a pas changé : Miguel Diaz-Canel, qui représente souvent Raul Castro lors de missions à Cuba et à l'étranger - comme à la conférence de Paris de 2015 sur le climat, par exemple - n'est pas du genre à s'épancher dans la presse, prenant soin d'éviter toute polémique. À tel point que ses véritables opinions politiques sont une énigme pour certains. L'opposant Hildebrando Chaviano l'a ainsi qualifié de "Monsieur Personne".

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Miguel Diaz-Canel avec François Hollande, en novembre 2015, à l'occasion de la COP21© GUILLAUME HORCAJUELO / POOL / AFP

Surtout attendu sur le terrain économique

Propulsé à la tête du pays, Diaz-Canel devra maintenant tenir compte des "lignes directrices" ("lineamientos") votées par le parti unique et le Parlement, qui dessinent les orientations politiques et économiques à mener d'ici 2030. Continuité du système oblige. De l'avis des experts, le nouveau président sera surtout attendu sur le terrain économique, et sur son aptitude à mener les réformes nécessaires pour redresser une économie stagnante (1,6% en 2017) et fortement dépendante des importations et de l'aide de son allié vénézuélien aujourd'hui affaibli.

Deux mandats de cinq ans au maximum

"Il sera intéressant d'observer s'il est capable de résister à la pression de cette charge", glisse auprès de l'AFP Paul Webster Hare, professeur de relations internationales à Boston, aux États-Unis, et ex-ambassadeur britannique à Cuba. "Fidel et Raul (...) n'ont jamais eu à justifier leurs positions. Ils avaient mené la révolution et personne ne remettait en cause leur 'droit' d'être dirigeants. (Mais) ils n'ont pas créé de modèle démocratique permettant de conduire un changement, c'est une des principales raisons pour lesquelles Diaz-Canel fait face à une tâche ardue", poursuit-il. Raul Castro, 86 ans, ne sera pas forcément à ses côtés éternellement : selon la nouvelle législation, le nouveau président de Cuba disposera de deux mandats de cinq ans à la tête du pays.