Procès Hirak au Maroc : Amnesty met en garde contre un "simulacre de justice"

En première instance, Nasser Zefsafi (ici en photo sur un panneau d'un manifestant) et plusieurs de ses camarades ont été condamnés à des peines allant jusqu'à 20 ans de prison. (Photo d'archives)
En première instance, Nasser Zefsafi (ici en photo sur un panneau d'un manifestant) et plusieurs de ses camarades ont été condamnés à des peines allant jusqu'à 20 ans de prison. (Photo d'archives) © FADEL SENNA / AFP
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avec AFP , modifié à
Le procès en appel de plusieurs militants du mouvement du Hirak a débuté au Maroc le 14 novembre dernier.

Amnesty International a appelé à un "procès équitable" en appel pour les militants du mouvement du Hirak, au Maroc, en dénonçant des condamnations en première instance "fondées sur des 'aveux' extorqués sous la torture" et des conditions inhumaines" de détention des accusés.

Non à "un nouveau simulacre de justice". "Les autorités judiciaires du Maroc doivent veiller à ce que le procès en appel ne se résume pas à un nouveau simulacre de justice émaillé de plaintes pour torture et autres violations du droit", déclare l'organisation dans un rapport. Le procès en appel du chef de file du Hirak, Nasser Zefzafi, et de ses compagnons du mouvement de protestation dans la région du Rif a débuté le 14 novembre à Casablanca, cinq mois après leur condamnation en première instance à des peines allant jusqu'à 20 ans de prison.

"Le gouvernement marocain a utilisé (une) procédure légale entachée d'irrégularités pour sanctionner et réduire au silence d'éminents manifestants pacifiques (…) et pour dissuader les citoyens de s'exprimer", a déclaré Heba Morayef, la directrice régionale d'Amnesty dans un communiqué, dénonçant une "erreur judiciaire flagrante".

Des rapports médicaux qui font état de torture. L'organisation Human Rights Watch (HRW) a déjà appelé la justice marocaine à tenir compte de rapports médicaux faisant état de tortures pendant la procédure. Toutes les accusations de violences policières ont jusqu'à présent été systématiquement rejetées par les autorités marocaines.

Un condamné à l'isolement depuis plus de 470 jours. Nasser Zefzafi avait déclaré en audience que des policiers "l'ont frappé lors de son arrestation le 29 mai 2017 et ont menacé de violer sa mère âgée devant lui", rappelle Amnesty. Le journaliste Rabie Lablak, lui, assure que des policiers "l'ont asphyxié en lui fourrant un tissu imbibé d'un liquide nauséabond dans la bouche, lui ont ôté ses vêtements et ont fait venir des hommes masqués qui ont menacé de le violer collectivement, puis de le violer avec une bouteille, s'il ne signait pas des aveux", selon Amnesty.

Après son arrestation, Nasser Zefzafi "a été placé à l'isolement plus de quinze mois" pendant l'enquête "dans des conditions s'apparentant à de la torture", selon Amnesty. Un de ses camarades, Hamid El Mahdaoui, est "détenu à l'isolement depuis plus de 470 jours, une période si longue qu'elle constitue un acte de torture", poursuit l'ONG.

A l'origine, la mort d'un vendeur de poissons. Entre mai et juillet 2017, les forces de sécurité marocaines ont arrêté des centaines de manifestants du mouvement, dont des dizaines de mineurs. Depuis, la justice marocaine "continue de déclarer coupables des centaines de manifestants, journalistes et défenseurs des droits humains", selon Amnesty. La protestation populaire du Hirak a été déclenchée par la mort, en octobre 2016, d'un vendeur de poissons, broyé dans une benne à ordure en tentant de s'opposer à la saisie de sa marchandise, de l'espadon interdit à la pêche.