La Turquie a envoyé en direction des eaux grecques un navire de recherche escorté par des vaisseaux militaires. 3:18
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Europe 1 , modifié à
Pour la journaliste Ariane Bonzon, spécialiste de la Turquie, Emmanuel Macron est déterminé à freiner les visées expansionnistes de Recep Tayyip Erdogan en Méditerranée orientale. Mais pour l'heure, la France ne dispose pas encore d'un soutien clair de la part de l'Union européenne et de l'Otan face à Ankara.
INTERVIEW

La situation diplomatique se tend en Méditerranée orientale. La Turquie, qui conteste les frontières maritimes de la Grèce, a envoyé un navire de recherche dans des eaux officiellement sous le contrôle d’Athènes. En soutien à la Grèce, la France a renforcé sa présence militaire dans la zone. Un geste vivement dénoncé par la Turquie. Pour Ariane Bonzon, journaliste et essayiste spécialiste de la Turquie, un rapport de force se met en place, dont l'enjeu pourrait être le contrôle des ressources en hydrocarbure de la Méditerranée. 

Pour quelles raisons la Turquie risque-t-elle de raviver un contentieux maritime avec la Grèce ?

"Ce déploiement naval s’inscrit dans une stratégie turque globale, celle de projeter la Turquie à l’extérieur de son territoire : en Afrique ou en Asie centrale", explique Ariane Bonzon au micro d’Europe 1. Désormais, ce désir de rayonnement va bien au-delà du soft power, avec des faits sur le terrain et la mise en place de coopérations militaires. "En Méditerranée, la Turquie cherche à imposer un rapport de force à son profit. Ce qui est en jeu c’est l’exploitation de pétrole ou de gaz dans cette zone. La Turquie, qui n’a pas de ressource énergétique et qui dépend des importations russes et iraniennes, veut sa part des hydrocarbures que l’on pourrait extraire de la Méditerranée orientale."

La classe politique turque soutient-elle les volontés expansionnistes de Recep Tayyip Erdogan ?

En procèdent à d’éventuels forages sauvages, Ankara espère contrebalancer la domination grecque sur les ressources de la mer Égée. Cette stratégie est largement soutenue par les alliés politiques d’Erdogan. "Le président Erdogan a conclu une alliance avec l’establishment ultra-nationaliste, anti-occident, anti-Otan, qui est plus proche de la Russie, de l’Asie", souligne Ariane Bonzon.

Pourquoi la France a-t-elle aussitôt réagi ?

"Le président Emmanuel Macron ne veut pas laisser faire la Turquie, comme la communauté internationale a pu la laisser faire en Syrie en 2019", indique Ariane Bonzon. "Il considère qu’il ne faut pas laisser le champ libre aux visées expansionnistes turques, tout en disant qu’il faut négocier." La réponse de la France est symétrique à l’attitude de la Turquie : elle déploie des navires militaires sur le terrain, cherche à installer un rapport de force avant de négocier. "C’est une technique classique en diplomatie", relève Ariane Bonzon. "Le problème, c’est que si la Grèce applaudit la France, celle-ci n’est pas vraiment épaulée par l’Union européenne et l’Otan."