Tunisie 1:22
  • Copié
Manon Fossat avec AFP , modifié à
Des milliers de Tunisiens ont manifesté dimanche contre leurs dirigeants, notamment contre le principal parti parlementaire Ennahdha, alors que le pays est pris en étau entre un pic épidémique meurtrier et des luttes de pouvoir au sommet de l'Etat. Ces protestations ont entraîné des réactions en cascade.
DÉCRYPTAGE

La Tunisie est en proie à une crise politique en pleine pandémie de coronavirus. Si la révolution de 2011 a chassé du pouvoir l'autocrate Zine el Abidine Ben Ali, mettant le pays sur la voie d'une démocratisation, l'arrivée au pouvoir en 2019 d'une Assemblée fragmentée et d'un président farouchement indépendant des partis l'a fait s'enfoncer dans des crises politiques particulièrement insolubles. Décryptage.

Des Tunisiens en colère dans la rue

Plusieurs milliers de Tunisiens ont manifesté dimanche contre leurs dirigeants, notamment contre le principal parti parlementaire Ennahdha, alors que le pays est pris en étau entre un pic épidémique meurtrier et des luttes de pouvoir au sommet de l'Etat. L'opinion publique est en effet exaspérée par les oppositions entre partis au Parlement, et par le bras de fer entre le chef du Parlement Rached Ghannouchi, aussi chef de file d'Ennahdha, et le président Kaïs Saied, qui paralyse les décisions. Elle dénonce aussi le manque d'anticipation du gouvernement face à la crise sanitaire, laissant la Tunisie à court d'oxygène. Avec ses quasi 18.000 morts pour 12 millions d'habitants, le pays a l'un des pires taux de mortalité au monde. 

Le président Kaïs Saied réagit et gèle les activités du Parlement

Après cette journée de manifestations, le président tunisien Kais Saied a annoncé dimanche soir qu'il gelait les activités du Parlement pour 30 jours, et démettait de ses fonctions le chef du gouvernement Hichem Mechichi. "La Constitution ne permet pas la dissolution du Parlement mais elle permet la gel de ses activités", a-t-il déclaré, s'appuyant sur l'article 80 qui permet ce type de mesure en cas de "péril imminent". Kaïs Saied a annoncé qu'il se chargeait du pouvoir exécutif, avec "l'aide du gouvernement" qui sera dirigé par un nouveau chef désigné par le président de la République.

Ennahdha condamne un "coup d'Etat contre la révolution"

Le principal parti au pouvoir en Tunisie, la formation islamiste Ennahdha, a condamné dans la foulée dimanche soir un "coup d'Etat contre la révolution", après la décision du président. "Ce qu'a fait Kais Saied est un coup d'Etat contre la révolution et contre la Constitution, et les partisans de Ennahdha ainsi que le peuple tunisien défendront la révolution", a estimé Ennahdha dans un communiqué publié sur sa page Facebook.

Son chef Rached Ghannouchi, aussi président du Parlement, accompagné de plusieurs députés, s'est retrouvé bloqué devant le siège de la chambre, fermé par des soldats, selon une vidéo publiée par le compte Facebook d'Ennahdha."L'armée doit protéger le pays et la religion", a-t-il plaidé en demandant l'ouverture de l'immense grille d'entrée fermée à l'aide de chaînes. "Nous sommes des militaires, nous appliquons les instructions. On nous a demandé de fermer le Parlement", a répondu un militaire. "Soldats, officiers, nous vous demandons d'être aux côtés du peuple", a exhorté Rached Ghannouchi. 

Des heurts devant le Parlement

Des heurts ont ensuite éclaté ce lundi. Plusieurs centaines de partisans du président Saied et d'Ennahdha ont échangé des jets de bouteilles et de pierres devant le Parlement barricadé par l'armée, qui a aussi encerclé à Tunis le siège de la présidence du gouvernement, empêchant le personnel d'y accéder. Ce coup de théâtre fragilise la jeune démocratie tunisienne et intervient après un bras de fer depuis six mois entre Rached Ghannouchi et le président Saied, qui désorganise les pouvoirs publics du pays.

Le ministre de la Défense et la ministre de la Justice limogés

Enfin, dernier épisode en date, le limogeage lundi après-midi de deux nouveaux ministres. La présidence de la République a en effet annoncé dans un communiqué lapidaire le limogeage du ministre de la Défense Ibrahim Bartaji, et celui de la porte-parole du gouvernement Hasna Ben Slimane, qui est également ministre de la Fonction publique, et de la Justice par intérim.