Le prix Nobel de la paix a été décerné ce vendredi à la militante iranienne Narges Mohammadi. 1:14
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avec AFP , modifié à
Le prix Nobel de la Paix 2023 a été attribué à l'Iranienne Narges Mohammadi, a annoncé ce vendredi le comité Nobel depuis Stockholm, en Suède, "pour son combat contre l'oppression des femmes en Iran et sa lutte pour promouvoir les droits humains et la liberté pour tous".

Le Nobel de la paix a couronné vendredi la militante iranienne des droits humains Narges Mohammadi, actuellement dans une geôle de la République islamique où des femmes, tête nue, font souffler un vent d'émancipation malgré la répression.

La militante et journaliste de 51 ans est récompensée "pour son combat contre l'oppression des femmes en Iran et sa lutte pour la promotion des droits humains et la liberté pour tous", a déclaré la présidente du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen, à Oslo.

Arrêtée et détenue à plusieurs reprises depuis 25 ans

Vice-présidente du Centre des défenseurs des droits de l'Homme fondé par Shirin Ebadi, elle aussi prix Nobel en 2003, Narges Mohammadi a été maintes fois condamnée et emprisonnée depuis 25 ans pour son engagement contre le voile obligatoire pour les femmes, et la peine de mort.

Elle est récompensée alors que l'Iran a été traversé l'an dernier par un vaste mouvement de contestation déclenché par la mort d'une Kurde iranienne de 22 ans, Mahsa Amini, après son arrestation à Téhéran pour non respect du strict code vestimentaire islamique. "Le mouvement a accéléré le processus de démocratie, de liberté et d'égalité", désormais "irréversible", écrivait le mois dernier à l'AFP Narges Mohammadi depuis sa cellule. Elle-même et trois codétenues ont brûlé leur voile dans la cour de la prison d'Evin à Téhéran pour marquer l'anniversaire de la mort de Mahsa Amini le 16 septembre.

L'Iran se situe à la 143e place --sur 146 pays-- du classement du Forum économique mondial (WEF) sur l'égalité des sexes. Le soulèvement "Femme, Vie, Liberté" --un slogan avec lequel Mme Reiss-Andersen a entamé son annonce vendredi, y a été violemment réprimé : 551 manifestants, dont 68 enfants et 49 femmes, ont été tués par les forces de sécurité, selon l'ONG Iran Human Rights (IHR), et des milliers d'autres arrêtés.

"Aucune perspective de liberté"

Si la contestation est désormais plus diffuse, elle se poursuit sous différentes formes, posant aux autorités iraniennes l'un des plus grands défis depuis la révolution de 1979. Scènes encore inimaginables il y a un an, des femmes sortent aujourd'hui dévoilées dans les lieux publics malgré les risques.

En septembre, le Parlement iranien, majoritairement conservateur, a durci les sanctions visant les femmes qui refusent le voile. "Le prix de la paix de cette année récompense également les centaines de milliers de personnes qui, au cours de l'année écoulée, ont manifesté contre les politiques des régimes théocratiques en matière de discrimination et d'oppression contre des femmes", a dit Mme Reiss-Andersen.

Narges Mohammadi n'a pas vu ses enfants depuis huit ans

De nouveau arrêtée en 2021, Narges Mohammadi, elle, n'a pas vu ses enfants --qui vivent en France avec son mari-- depuis huit ans. Considérée comme une "détenue d'opinion" par Amnesty International, elle disait dans sa correspondance avec l'AFP n'avoir "presque aucune perspective de liberté". Mme Reiss-Andersen a dit vendredi "espérer" sa libération par les autorités iraniennes.

Il y a 20 ans, le Nobel avait déjà été attribué à une Iranienne, l'avocate Shirin Ebadi, récompensée "pour ses efforts en faveur de la démocratie et des droits de l'Homme", et plus particulièrement ceux des femmes et des enfants dans son pays. En 2003, Mme Ebadi avait défié les conservateurs iraniens en recevant son Nobel à Oslo sans porter de hijab.

Si elle reste derrière les barreaux, Narges Mohammadi ne pourra pas se rendre dans la capitale norvégienne pour recevoir son Nobel --un diplôme et une médaille d'or assortis de 11 millions de couronnes (près de 980.000 euros)-- le 10 décembre.

Le prix de la paix a récompensé à plusieurs reprises des militants emprisonnés, dont le Bélarusse Ales Beliatski l'an dernier, représenté par son épouse à la cérémonie Nobel, et le Chinois Liu Xiaobo dont le fauteuil était resté symboliquement vide en 2010.