L'Arabie saoudite accueille des discussions «pas faciles» sur l'Ukraine

Arabie saoudite
A la fois proche de Moscou et de Washington, la richissime monarchie du Golfe s'est dite "disposée à exercer ses bons offices" sur le dossier ukrainien. © SPA / AFP
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avec AFP / Crédit photo : SPA / AFP
A la fois proche de Moscou et de Washington, l'Arabie saoudite accueille ce samedi une réunion sur l'Ukraine qui reconnaît "nombreux désaccords" et s'attend à des discussions "pas faciles". La réunion a démarré dans l'après-midi selon des diplomates et doit réunir près d'une quarantaine de pays, à l'exclusion de la Russie.

L'Arabie saoudite, en quête d'influence mondiale, accueille samedi une réunion sur l'Ukraine qui reconnaît "nombreux désaccords" et s'attend à des discussions "pas faciles", selon un représentant de Kiev, alors que Ryad a fait la part belle aux puissances émergentes proches de Moscou. La réunion a démarré dans l'après-midi selon des diplomates et doit réunir près d'une quarantaine de pays, à l'exclusion de la Russie, Kiev étant à l'origine de ces discussions qui se tiennent à Jeddah, au bord de la mer Rouge.

"Exercer ses bons offices"

A la fois proche de Moscou et de Washington, la richissime monarchie du Golfe s'est dite "disposée à exercer ses bons offices" sur le dossier ukrainien. "Les discussions ne seront pas faciles, mais la vérité est de notre côté", a reconnu Andriy Yermak, chef de l'administration présidentielle ukrainienne qui représente le pays à Jeddah. "Nous avons de nombreux désaccords et nous avons entendu de nombreux points de vue", a-t-il ajouté vendredi dans une interview télévisée, soulignant l'importance de faire valoir la position ukrainienne: "notre tâche est d'unir le monde entier autour de l'Ukraine".

Selon des diplomates, Ryad a particulièrement tenu à recevoir le Brésil, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud, puissances émergentes membres des Brics (avec la Russie) qui, contrairement aux Occidentaux, n'ont pas pris partie pour l'Ukraine sans toutefois soutenir l'invasion russe lancée en février 2022. Critiquée par les Occidentaux pour son refus de condamner la Russie, la Chine a envoyé à Jeddah son émissaire pour l'Ukraine, Li Hui, et s'est dite déterminée à contribuer à "un règlement politique de la crise ukrainienne". L'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud ont aussi fait état de leur participation.

"Stratégie multipolaire"

Côté occidental, la Maison Blanche a fait savoir que Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale du président Joe Biden, mènera la délégation américaine à Jeddah. Paris est représenté par Emmanuel Bonne, le conseiller diplomatique du président Emmanuel Macron, selon l'ambassade de France à Ryad. Selon le programme vu par l'AFP, la réunion doit comporter trois heures de discours des participants et deux heures de discussions à huit clos avant un diner officiel.

Vendredi, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, avait salué une réunion "très importante" en Arabie saoudite, premier exportateur mondial de pétrole brut. L'Ukraine, avec les Etats-Unis, a néanmoins reproché à Ryad de faire le jeu de la Russie, sous le coup de sanctions occidentales, en menant conjointement avec elle une politique pétrolière visant à doper les prix sur les marchés mondiaux.

Egalement à l'œuvre dans les pourparlers sur le Soudan, théâtre d'un conflit depuis la mi-avril, l'Arabie saoudite, après plusieurs années de politiques erratiques, se voit aujourd'hui en faiseur de paix. Le royaume a assaini ses relations avec ses propres rivaux, à commencer par le Qatar, la Turquie et même, cette année encore, l'Iran et la Syrie. La réunion de Jeddah "illustre parfaitement le succès de cette stratégie multipolaire", dit à l'AFP Ali Shihabi, un analyste saoudien proche du pouvoir.

"Faire oublier les échecs"

Mais si elle cherche à s'imposer en "puissance moyenne mondiale", l'Arabie saoudite espère aussi "faire oublier certains de ses échecs passés, comme son intervention au Yémen ou l'assassinat de Jamal Khashoggi", souligne à l'AFP Joost Hiltermann, responsable du Moyen-Orient à l'ONG spécialisée International Crisis Group. Ryad a lancé en 2015 une opération militaire au Yémen voisin pour y soutenir les forces gouvernementales combattant les rebelles Houthis, proches de l'Iran. Les accusations de crimes de guerre et la crise humanitaire, l'une des pires au monde, a terni l'image de l'Arabie saoudite.

Mais c'est la stupeur provoquée par l'assassinat en 2018 du journaliste critique saoudien Jamal Khashoggi par des agents saoudiens à Istanbul qui a plongé le royaume, jadis discret, dans sa plus grande tourmente diplomatique. La volatilité des marchés de l'énergie liée à la guerre en Ukraine a toutefois donné l'occasion à l'Arabie saoudite de se remettre en selle diplomatique. A l'ONU, l'Arabie saoudite a soutenu les résolutions dénonçant l'invasion russe ainsi que l'annexion proclammée de territoires dans l'est de l'Ukraine. En mai, le royaume avait aussi convié à un sommet de la Ligue arabe Volodymyr Zelensky qui en avait profité pour accuser certains dirigeants de la région de fermer les yeux sur l'invasion russe.