La Russie a affirmé mardi que des préparatifs étaient en cours pour transférer à l'armée les armes "lourdes" de Wagner. (Illustration) 2:19
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Nicolas Tonev avec AFP / Crédits photo : Gavriil GRIGOROV / SPUTNIK / AFP , modifié à
Le patron du groupe paramilitaire Wagner, Evguéni Prigojine, est arrivé en Biélorussie assure son président Alexandre Loukachenko, en marge du 488e jour de l'invasion russe de l'Ukraine. Le chef d'État de Russie Vladimir Poutine s'est réjoui d'avoir évité une "guerre civile". Europe 1 fait le point sur la situation.
L'ESSENTIEL

La Biélorussie a annoncé l'arrivée mardi du patron du groupe paramilitaire Wagner, Evguéni Prigojine, dans le cadre d'un accord ayant mis fin à sa rébellion en RussieVladimir Poutine s'est réjoui d'avoir évité une "guerre civile". Si l'onde de choc de la révolte conduite par les hommes de cet ex-allié de Vladimir Poutine reste à mesurer, le Kremlin a d'ores et déjà nié que le président russe sortait affaibli de cette crise, pourtant la pire en plus de deux décennies de règne.

Les informations à retenir :

- La patron de Wagner, Evguéni Prigojine, se trouve en Biélorussie selon le président Alexandre Loukachenko

- Les armes lourdes de Wagner pourraient être transférées à l'armée russe

- Loukachenko dit que les tensions entre Wagner et l'armée russe ont été mal gérées

- La Russie a commis un crime de guerre en exécutant sommairement 77 détenus civils, selon l'ONU

- Deux morts et 22 blessés après une frappe sur un restaurant à Kramatorsk

Une frappe sur un restaurant à Kramatorsk, deux morts et 22 blessés

Au moins trois personnes ont été tuées et 42 blessées mardi dans une frappe de roquette russe qui a touché un restaurant populaire dans le centre de Kramatorsk, dans l'est de l'Ukraine, ont indiqué les autorités. "Les corps de trois personnes décédées, dont un mineur né en 2008, ont été dégagés des décombres. Parmi les blessés se trouve un enfant né en 2022", a indiqué le ministère de l'Intérieur sur Telegram.

Le service ukrainien des situations d'urgence a rapporté sur Telegram que 42 personnes ont été blessées dans cette frappe qui a détruit le restaurant Ria Pizza, un établissement apprécié par les journalistes et les militaires. Selon la police ukrainienne, la Russie a tiré deux roquettes sol-air S-300 sur cette ville de 150.000 habitants avant la guerre, seule grande agglomération encore sous contrôle ukrainien dans l'est.

Prigojine arrivé en Biélorussie, selon le président Loukachenko

Selon le dirigeant biélorusse Alexandre Loukachenko, Evguéni Prigojine est arrivé ou est sur le point d'arriver en Biélorussie : "Prigojine est déjà en train de voyager en avion. Oui, en effet, il est en Biélorussie aujourd'hui", a-t-il dit dans une déclaration ambigüe rapportée par l'agence de presse officielle Belta. Des médias biélorusses ont rapporté qu'un jet privé appartenant à Evguéni Prigojine avait atterri à Minsk mardi matin.

Le tempétueux patron de Wagner s'était volatilisé depuis l'annonce de la fin de sa rébellion samedi soir, après 24 heures de chaos qui ont vu ses hommes s'emparer de bases militaires et marcher sur Moscou, avant de faire soudain volte-face.

Vladimir Poutine, qui cherche désormais à surmonter cette grave crise, a remercié mardi les militaires qui ont, selon lui, empêché une "guerre civile" de se produire. "Vous vous êtes opposés à ces troubles dont le résultat aurait inévitablement été le chaos", a salué Vladimir Poutine lors d'une cérémonie dans l'enceinte du Kremlin. La mine grave, la tête baissée, le président russe a ensuite fait observer une minute de silence en hommage à des pilotes de l'armée tués par les mutins alors qu'ils "accomplissaient leur devoir avec honneur".

Un futur transfert des armes lourdes de Wagner vers l'armée russe ?

Plus tôt, le ministère russe de la Défense, bête noire du groupe Wagner, avait annoncé que "des préparatifs (étaient) en cours pour le transfert des équipements militaires lourds de Wagner aux unités actives des forces armées" régulières. Une telle mesure semble destinée à neutraliser le groupe Wagner, une organisation paramilitaire qui était jusque-là chargée d'accomplir les basses œuvres du Kremlin en Ukraine, en Syrie et dans plusieurs pays d'Afrique.

Alors que les autorités russes niaient autrefois tout lien avec Wagner, Vladimir Poutine a indiqué mardi que l'Etat avait "complètement financé" cette armée privée, lui versant près d'un milliard d'euros au cours de l'année écoulée.

Loukachenko estime que la rébellion de Wagner résulte d'une mauvaise gestion des rivalités

Lundi soir, le président russe avait dénoncé avec colère une "trahison" de Evguéni Prigojine, tout en assurant que les membres de Wagner pouvaient intégrer l'armée régulière ou se rendre en Biélorussie, dont le dirigeant a servi de médiateur pour stopper la crise. Critiquant implicitement Vladimir Poutine, Alexandre Loukachenko a estimé que la rébellion était le résultat d'une mauvaise gestion des rivalités entre Wagner et l'armée russe qui n'ont cessé de croître depuis le début du conflit en Ukraine. "La situation nous a échappé", a-t-il constaté.

Le dirigeant biélorusse a aussi assuré avoir déconseillé à Vladimir Poutine de "buter" Evguéni Prigojine, et estimé que la Biélorussie pourrait profiter de l'"expérience" des combattants de Wagner qui viendront s'y réfugier.

Vladimir Poutine affaibli ?

Plusieurs dirigeants occidentaux et analystes estiment que Vladimir Poutine sort grandement affaibli de cette crise. Avec son offensive contre l'Ukraine, "Poutine met également en danger la sécurité de son propre pays", a estimé mardi la cheffe de la diplomatie allemande Annalena Baerbock. La rébellion a au contraire conduit la société à "se consolider autour du président", a assuré le Kremlin. "L'armée et le peuple n'étaient pas (du) côté" des mutins, a renchéri Vladimir Poutine.

Dans un message audio diffusé lundi, Evguéni Prigojine s'est défendu d'avoir tenté de "renverser le pouvoir", affirmant seulement vouloir "sauver" son groupe qui était menacé d'être absorbé par l'armée régulière.

Les poursuites abandonnées contre Wagner

Signe en tout cas qu'un accord semble bien avoir été trouvé entre Evguéni Prigojine et le Kremlin, les services de sécurité (FSB) ont annoncé mardi l'abandon des poursuites contre Wagner pour "mutinerie armée". Cette mansuétude, malgré la mort d'un nombre inconnu de pilotes de l'armée admise par Vladimir Poutine, contraste avec l'implacable répression visant opposants et anonymes dénonçant l'offensive militaire en Ukraine.

Pour nombre d'analystes, la rébellion avortée du groupe Wagner a mis en lumière des faiblesses du régime de Vladimir Poutine et de son état-major face à des hommes lourdement armés. Tirant les enseignements, le dirigeant de la Garde nationale russe, l'une des formations chargées de la sécurité de l'Etat, a annoncé mardi que celle-ci allait s'équiper de chars.

Certains analystes estiment aussi que cette crise pourrait affaiblir les forces russes en Ukraine et profiter à Kiev dans sa contre-offensive. Mardi, Vladimir Poutine a affirmé qu'il n'avait "pas eu à retirer les unités de combat de la zone de l''opération militaire spéciale' pour les redéployer en Russie pendant la mutinerie. Par ailleurs, alors que le conflit se poursuit, l'envoyé du pape François pour la paix en Ukraine, le cardinal italien Matteo Zuppi, doit se rendre mercredi et jeudi à Moscou, selon le Vatican.