Frappes israéliennes sur un camp de réfugiés à Gaza : pourquoi l'ONU évoque de possibles «crimes de guerre» ?

Jabalia bombardement Gaza camp réfugiés
De nombreuses personnes ont perdu la vie dans des bombardements sur le camp de réfugiés de Jabalia à Gaza. © Ali Jadallah / ANADOLU / Anadolu via AFP
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Ophélie Artaud / Crédit photo : Ali Jadallah / ANADOLU / Anadolu via AFP , modifié à
Les autorités israéliennes ont reconnu avoir bombardé le camp de réfugiés de Jabalia, dans la bande de Gaza, afin d'éliminer un responsable du Hamas. De nombreux civils sont morts, même si aucun décompte officiel n'a pour l'instant été confirmé. L'ONU a de son côté dénoncé de possibles "crimes de guerre". Mais comment ces actes sont-ils définis ?

Des "crimes de guerre" ont-ils eu lieu dans la bande de Gaza ? C'est ce que dénonce l'ONU après des frappes israéliennes successives sur le plus grand camp de réfugiés de Gaza, à Jabalia, pour "éliminer" un dirigeant du groupe terroriste Hamas, responsable des attaques du 7 octobre, selon l'armée de l'État Hébreu. Les bombardements auraient fait des "dizaines" de morts, selon le Hamas, même si cette information n'a pas encore été confirmée. Mais comment est défini un crime de guerre ?

Tout d'abord, les conflits armés reposent sur le droit international humanitaire (DIH). Celui-ci a pour objectif de limiter les effets de la guerre, notamment sur les populations civiles. Le DIH repose principalement sur les différentes Conventions de Genève, et notamment celle de 1949, érigée après la Seconde guerre mondiale.

Comment définir un crime de guerre ?

Concrètement, un crime de guerre repose sur la violation du DIH et peut être perpétré sur des populations civiles mais aussi sur des membres d'une armée. La définition retenue par l'ONU repose sur la Convention de Genève de 1949 et le Statut de Rome de 1998. Déjà, "les crimes de guerre ont toujours lieu lors d'un conflit armé, international ou non", peut-on lire sur le site de l'ONU. La définition va donc varier si le conflit est international ou pas, ce qui est le cas dans le conflit entre Israël et le Hamas.

Dans l'article 8 du Statut de Rome, sont considérés comme crimes de guerre l'homicide intentionnel, la torture, le fait de porter atteinte à l'intégrité physique ou la santé, la destruction et l'appropriation de biens, la prise d'otages, mais aussi le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile ou contre des biens civils, d'attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus et qui ne sont pas des objectifs militaires, ou encore le fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant qu'elle causera incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile...

C'est notamment ce dernier point qui est retenu par l'ONU, comme l'écrit l'organisation sur X (ex-Twitter) : "Compte tenu du nombre élevé de victimes civiles et de l’ampleur des destructions consécutives aux frappes aériennes israéliennes sur le camp de réfugiés de Jabalia, nous craignons sérieusement qu’il s’agisse d’attaques disproportionnées qui pourraient constituer des crimes de guerre".

Pour être qualifié comme tel, un crime de guerre doit comporter un élément contextuel, autrement dit, avoir lieu dans le cadre d'un conflit armé. Il doit également prendre en compte un élément psychologique, c'est-à-dire s'assurer de l'intention et de la connaissance de l'individu incriminé par rapport à son acte et au contexte.

Qui juge les crimes de guerre ?

Si de possibles crimes de guerre sont identifiés, des enquêtes peuvent être ouvertes par différentes institutions, nationales ou supranationales. Sur son site, l'ONU explique que "les tribunaux nationaux ont généralement le devoir de juger les auteurs de crimes de guerre", même si "cela peut se révéler impossible durant ou après le conflit".

Les tribunaux internationaux sont également compétents pour juger les crimes de guerre, notamment la Cour pénale internationale (CPI). Celle-ci peut être saisie par un de ses États membres, par l'un de ses procureurs (sous réserve d'autorisation d'une chambre préliminaire), ou par le Conseil de sécurité des Nations Unis. D'autres organismes, comme récemment l'ONG Reporters sans frontières, peuvent porter plainte auprès de la CPI, même si cette dernière n'a aucune obligation de s'en saisir.

Seule spécificité : les auteurs de crimes de guerre doivent absolument être jugés dans un autre pays que celui où les agissements ont été commis, comme le définit la Convention de Genève.

Pour le moment, des enquêtes ont été ouvertes par la CPI pour de possibles crimes de guerre commis en Israël lors des attaques du 7 octobre, mais aussi à Gaza et en Cisjordanie.

Quelle différence avec les crimes contre l'humanité ?

Contrairement aux crimes de guerre, les crimes contre l'humanité ne sont pas nécessairement liés à un conflit armé et peuvent aussi se produire en temps de paix. Il s'agit, selon la définition de l'article 7 du Statut de Rome, "d'actes commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile". Il peut s'agir de meurtre, extermination, esclavage, de déportation de population, torture, viol et violences sexuelles... Ces actes ne visent pas une population particulière, contrairement au génocide, et peuvent concerner toute une population civile.

Aussi, seuls certains États qui l'ont placé dans leur droit pénal et la CPI peuvent sanctionner les crimes contre l'humanité.