Le pape François et Benoit XVI s'opposent indirectement sur la réforme de l'Eglise. 2:12
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Antoine Cuny-Le Callet
L'écrivain et chroniqueur Henri Tincq était samedi l’invité de Patrick Cohen, sur Europe 1 pour parler de la cohabitation entre François et Benoit XVI au Vatican, qui devient de plus en plus problématique. Le premier tente de mener à bien ses réformes, quand le second multiplie les prises de position conservatrices. 
INTERVIEW

Le Vatican est pris dans la tourmente alors que le pape François voit réapparaître son encombrant prédécesseur, Benoît XVI. Les différends idéologiques entre les deux pensionnaires du palais du Vatican n’étaient un secret pour personne. Mais ils deviennent problématiques au moment où François cherche à mener à bien des réformes auxquelles "l'autre pape" n'est pas favorable. Invité d'Europe 1, dimanche, l'écrivain Henri Tincq, chroniqueur religieux pour le journal Le Monde pendant vingt ans, analyse cette délicate situation. 

Un sujet semble cristalliser les tensions : le célibat des prêtres. "C'est le sujet à venir aujourd'hui dans l'Eglise", assure Henri Tincq. L’auteur de Vatican : la Fin d’un monde (éditions du Cerf) explique que la volonté de François de rompre avec le dogme se heurte à la levée de bouclier des religieux les plus conservateurs.

Un livre co-signé par Benoit XVI

Sorti il y a quelques jours, un livre co-écrit par Benoit XVI, Des profondeurs de nos cœurs, défend le maintien du célibat des prêtres. Quelques jours plus tard, Benoît XVI a fait savoir qu’il demandait que sa signature soit retirée de l'ouvrage. Pour Henri Tincq, il s'agit avant tout d'une manipulation : "Qu’il ait été instrumentalisé par des courants conservateurs et des milieux éditoriaux liés aux conservateurs, cela ne fait aucun doute." Mais manipulation ou pas, le malaise est palpable : ce n’est pas la première fois que Benoit XVI fait part de ses différents avec le pape François, alors qu’il avait assurer vouloir se retirer totalement au moment de sa renonciation. "Ce qu’il n’a pas pu maîtriser, et c’est sans doute un peu son tort, c’est l’exploitation éditoriale de ses opinions."

Cet épisode met surtout en lumière l’influence des conservateurs, minoritaires au sein de l’Eglise mais toujours très influents. "Ils gênent le pape François. Il n’a plus la liberté de son action de réforme dont il sent l’urgente nécessité."

Crise de gouvernance

La réapparition sur la scène médiatique du pape renonciateur annonce-t-elle un schisme au sein de l’Eglise ? "La question est de savoir si, à la tête de l’Eglise, on peut continuer à avoir deux papes, deux opinions", affirme Henri Tincq. La signature de ce livre, puis son désengagement soudain, sont en tout cas de nature à brouiller un peu plus les cartes.

La Vatican, déjà pris dans une crise doctrinale et morale - avec les affaires de pédophilie - est peut-être sur le point de basculer dans une crise de gouvernance.