Guerre en Ukraine : ce qu'il faut retenir du 322e jour de l'invasion russe

Plusieurs bombardements ont eu lieu à Kharkiv ce mardi.
Plusieurs bombardements ont eu lieu à Kharkiv ce mardi. © SPENCER PLATT / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP
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avec AFP , modifié à
Au 322e jour du conflit ukrainien, des bombardements russes ont frappé Kharkiv mardi soir, quelques heures après la visite surprise dans cette ville du nord-est de l'Ukraine de la cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock. De son côté, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé avoir révoqué la citoyenneté ukrainienne du riche homme d'affaires Viktor Medvedtchouk, un proche de Vladimir Poutine.
L'ESSENTIEL

Des bombardements russes ont frappé Kharkiv mardi soir, quelques heures après la visite surprise dans cette ville du nord-est de l'Ukraine de la cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, avec son homologue ukrainien qui a pressé l'Allemagne de fournir des blindés lourds. "Plus une telle décision tarde, plus il y aura de victimes, plus il y aura de morts parmi les civils", a martelé le ministre ukrainien Dmytro Kouleba.

Un journaliste de l'AFP a entendu par la suite plusieurs explosions dans la ville, relativement épargnée ces derniers temps par les frappes russes. "Restez dans les abris. Les occupants bombardent une nouvelle fois!", a averti sur la messagerie Telegram le gouverneur régional Oleg Synegoubov. Il était impossible dans l'immédiat de déterminer si ces frappes avaient fait des dégâts et des victimes.

Les principales informations :

  • Des bombardement ont eu lieu mardi soir à Kharkiv
  • Soledar est en proie à de "violents combats", Wagner revendique le contrôle de la ville malgré les démentis de Kiev
  • L'Ukraine appelle l'Allemagne et les Occidentaux à livrer des armes, la Pologne se dit "prête" à livrer des chars
  • Le Canada va donner un système antiaérien américain à l'Ukraine
  • Le chef d'état-major russe Valéri Guerassimov a été nommé commandant de l'offensive en Ukraine

Plus tôt mardi, Annalena Baerbock était venue dans cette ville proche de la frontière russe et très éprouvée par la guerre. Invitée par son homologue Dmytro Kouleba, elle a assuré que l'Ukraine pouvait compter sur la "solidarité" et le "soutien" de l'Allemagne.

La ministre a dit avoir apporté "un nouveau paquet" d'aides comprenant 20 millions d'euros pour le déminage et autant pour développer le réseau d'accès à internet Starlink. Elle a aussi annoncé de nouvelles livraisons de générateurs pour les infrastructures énergétiques ukrainiennes bombardées systématiquement par la Russie. Mais l'Ukraine réclame surtout la livraison de chars de combat occidentaux, et Berlin n'a toujours pas répondu favorablement à sa demande de lui livrer des blindés "Leopard 2", du matériel lourd à la technologie reconnue.

Le groupe Wagner revendique le contrôle de Soledar

De "violents combats" entre forces ukrainiennes et russes étaient toujours en cours à Soledar mercredi selon Kiev et Moscou, alors que le groupe de mercenaires Wagner avait revendiqué plus tôt le contrôle de cette petite ville de l'Est de l'Ukraine. "Tout ce qui se passe aujourd'hui en direction de Bakhmout ou de Soledar est le scénario le plus sanglant de cette guerre", a déclaré à l'AFP Mykhaïlo Podoliak, conseiller à la présidence ukrainienne, lors d'un entretien mercredi.

Soledar, autrefois connue pour ses mines de sel, est située près de la ville plus importante de Bakhmout que les Ukrainiens défendent avec acharnement depuis plusieurs mois, face à des vagues d'assauts des forces russes. Sa prise permettrait à Moscou de brandir enfin une victoire militaire, après plusieurs revers humiliants depuis septembre, et au chef du groupe Wagner, Evguéni Prigojine, de renforcer son influence croissante sur la scène politique russe.

"De violents combats se poursuivent à Soledar", a affirmé sur le réseau social Telegram la vice-ministre ukrainienne de la Défense, Ganna Maliar. Selon elle, les Russes "ont tenté de percer la défense" ukrainienne et "capturer complètement la ville, mais sans succès". "Des forces d'assaut se battent dans la ville", a de son côté indiqué le ministère russe de la Défense dans un communiqué, précisant que "des unités aéroportées ont bloqué les parties nord et sud" de la ville. "Les forces aérospatiales russes frappent les bastions ennemis", a-t-il ajouté.

Plus tôt, le Kremlin s'était montré prudent quant à la situation sur le terrain. "Il ne faut pas se presser. Attendons des déclarations officielles", avait déclaré à la presse le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, tout en estimant qu'il y avait "une dynamique positive dans les avancées" des forces russes. 

Les déclarations des armées russe et ukrainienne viennent toutefois contredire les propos du chef du groupe paramilitaire russe Wagner, M. Prigojine, lequel a affirmé tôt mercredi que ses unités "exclusivement" avaient "pris le contrôle du territoire entier de Soledar". Il avait néanmoins noté que des "batailles urbaines" se poursuivaient dans des poches de résistance du centre-ville, rendant incertaine l'étendue du contrôle du groupe russe sur cette petite ville d'un peu plus de 10.000 habitants avant guerre.

L'agence publique d'information russe RIA Novosti a diffusé une photographie de M. Prigojine avec des combattants armés, affirmant qu'elle avait été prise dans les mines de sel de Soledar. L'armée ukrainienne avait rapidement démenti ces affirmations, assurant que Soledar "était, est et sera toujours ukrainienne" et qu'il n'est "pas vrai" que M. Prigojine se trouve à l'intérieur des mines de sel de Soledar. "Personne n'a prévu de donner la ville", a insisté "Bober", un soldat blessé en attente de son évacuation, rencontré mercredi par l'AFP sur la route reliant Bakhmout à Sloviansk. Soledar "n'a pas été complètement prise" par les Russes, a-t-il affirmé.

Selon Mykhaïlo Podoliak, les pertes militaires russes y sont "énormes" et "l'armée ukrainienne perd également des hommes". "Certainement, c'est plus que ce qu'il y a eu ailleurs avant", a-t-il indiqué à l'AFP.

Le front "tient" à Soledar selon Zelensky

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé mercredi que les combats se poursuivaient à Soledar, une petite ville de l'est de l'Ukraine dont le groupe de mercenaires Wagner avait revendiqué la conquête, et que le front dans la région "tenait". "L'Etat terroriste et ses propagandistes essaient de prétendre" avoir obtenu des succès à Soledar, a déclaré M. Zelensky dans son allocution quotidienne, "mais les combats se poursuivent". "Nous faisons tout pour renforcer la défense ukrainienne sans aucune pause, même pour un jour" dans la région orientale de Donetsk, où, a-t-il dit, le front "tient".

Des missiles à longue portée pour gagner la guerre

Le conseiller à la présidence ukrainienne a de nouveau réitéré les appels de Kiev à recevoir "davantage" d'armes et d'équipements militaires occidentaux, de façon à finir la guerre dans les prochains mois. "Seuls les missiles d'une portée de plus de 100 kilomètres nous permettront d'accélérer de manière significative la désoccupation des territoires", ce qui conduira à la fin de la guerre "soit à la fin du printemps, soit au début de l'été, soit l'été, soit probablement à l'automne", a-t-il déclaré.

Il a toutefois promis que Kiev n'utiliserait pas ces armes pour attaquer des cibles sur le territoire russe. "Nous menons une guerre exclusivement défensive", a-t-il dit. "Nous voulons toujours obtenir 250 à 300 à 350 chars lourds", a encore rappelé le responsable, alors que les chancelleries occidentales tardent à répondre favorablement aux demandes de Kiev sur ce point. Sur le front diplomatique, une rare rencontre entre des responsables russes et ukrainiens s'est tenue mardi en Turquie entre les chargés des droits humains des deux pays, Dmytro Loubinets et Tatiana Moskalkova.

Les deux représentants "ont discuté d'un large éventail de problèmes humanitaires et de cas liés à la fourniture d'une assistance en matière de droits humains aux citoyens des deux pays", a indiqué mercredi M. Loubinets sur des réseaux sociaux. "L'aide humanitaire aux citoyens" ukrainiens et russes a bien été évoquée, a dit de son côté Mme Moskalkova. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, était mercredi à Lviv, notamment pour rendre hommage aux soldats morts au combat depuis février 2022 et enterrés dans un cimetière de cette grande ville de l'Ouest.

L'Ukraine appelle l'Allemagne à livrer des armes

Kharkiv a été la cible de multiples bombardements au début du conflit, mais les forces ukrainiennes ont été en mesure de la défendre. Le front des combats s'est depuis éloigné et se trouve actuellement à environ 130 km de la ville. "Kharkiv est désormais un symbole de contre-offensives ukrainiennes réussies qui prouvent que l'Ukraine peut gagner avec une aide suffisante de ses partenaires", a pointé Dmytro Kouleba.

Mme Baerbock a assuré que le pays pouvait compter sur la livraison d'armes dont il a besoin "pour libérer ses concitoyens qui souffrent encore de la terreur de l'occupation russe". Après de longs mois de tergiversations, l'Allemagne a récemment annoncé l'envoi de 40 blindés d'infanterie "Marder" d'ici le printemps. Mais au sein de la coalition d'Olaf Scholz, les Verts, le parti de Mme Baerbock, et les libéraux réclament la livraison de chars lourds de combat de type "Leopard".

"Je ne doute pas que l'Ukraine va recevoir des chars 'Leopard' allemands, car le gouvernement fédéral sait au plus profond de lui-même que c'est nécessaire", a dit Dmytro Kouleba.

La Pologne prête à livrer des chars en Ukraine

La Pologne est prête à livrer à l'Ukraine une compagnie de chars Leopard réclamés par Kiev, dans le cadre d'une coalition internationale, a déclaré mercredi le président polonais. "Une compagnie de chars d'assaut Leopard (14 blindés, ndlr) y sera transmise dans le cadre d'une coalition qui est en train de se bâtir", a déclaré Andrzej Duda, au cours d'une conférence de presse commune avec ses homologues ukrainien et lituanien, à Lviv dans l'ouest de l'Ukraine.

"Comme vous le savez, il faut remplir toute une série d'exigences formelles, (obtenir) des accords, etc., a dit le président polonais, Nous voulons avant tout que ce soit une coalition internationale". Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a jugé l'annonce polonaise "très positive" et souligné que son pays attendait "une décision commune" de plusieurs pays concernant les chars Leopard, de production allemande.

"Un État seul ne peut pas nous aider, car nous nous battons contre des milliers de chars russes", a-t-il insisté. "Je pense qu'aujourd'hui il y aura une (décision) positive d'un autre État pour nous fournir des chars modernes de style occidental", a-t-il ajouté sans désigner ce pays.

Le président lituanien Gitanas Nauseda a quant à lui annoncé la livraison à l'Ukraine de systèmes antiaériens Zenit et des munitions nécessaires. Mardi, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a réclamé à l'Allemagne la livraison des Leopard, à l'occasion de la visite de son homologue allemande Annalena Baerbock à Kharkiv. "Plus une telle décision tarde, plus il y aura de victimes, plus il y aura de morts parmi les civils", a regretté alors M. Kouleba.

Un proche de Poutine déchu de sa nationalité

La cheffe de la diplomatie allemande a indiqué par ailleurs vouloir évoquer le processus d'adhésion à l'Union européenne à laquelle aspire le pays. L'Ukraine, ainsi que la Moldavie, s'étaient vu attribuer en juin le statut de candidat à l'UE. Mais plusieurs représentants des États membres les avaient d'ores et déjà averti de ne pas se "se faire d'illusions" sur une adhésion rapide. "Il est important pour moi que nous ne perdions pas de vue la place de l'Ukraine dans notre famille européenne, même en cet hiver de guerre", a estimé Mme Baerbock. 

C'est la troisième fois qu'Annalena Baerbock se rend en Ukraine depuis le début de l'invasion russe, après des déplacements à Kiev et à Boutcha, bourgade proche de la capitale ukrainienne où les troupes russes sont accusées d'avoir commis des crimes de guerre. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a de son côté annoncé dans la soirée avoir révoqué la citoyenneté ukrainienne du riche homme d'affaires Viktor Medvedtchouk, un proche de Vladimir Poutine, accusé par Kiev de haute trahison en faveur de la Russie.

Cet ancien député de 68 ans, né en Sibérie et considéré comme l'homme du président russe en Ukraine, avait été livré à la Russie dans un échange de prisonniers entre Kiev et Moscou fin septembre 2022 après avoir été emprisonné plus de cinq mois en Ukraine.

"Si les députés du peuple choisissent de servir non pas le peuple ukrainien, mais les meurtriers qui sont venus en Ukraine, alors nos actions seront appropriées", s'est défendu mardi soir Volodymyr Zelensky dans son allocution quotidienne. Il n'a toutefois pas évoqué dans son message la citoyenneté russe présumée des personnes visées.

Le Canada va donner un système antiaérien américain à l'Ukraine

Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a annoncé mardi l'achat auprès des Etats-Unis d'un système de défense antiaérienne en vue de le donner à l'Ukraine. Il s'agit du premier système antiaérien NASAMS que le Canada offre à l'Ukraine, a indiqué Ottawa, qui évalue la valeur de ce don à 406 millions de dollars canadiens (282 millions d'euros). L'annonce a été faite après une rencontre bilatérale entre Justin Trudeau et le président américain Joe Biden à Mexico.

Ce système de défense est destiné à contrer les bombardements massifs de la Russie visant les infrastructures critiques ukrainiennes. "C'est la priorité numéro un. C'est pourquoi le Canada achète un système avancé de missiles sol-air des États-Unis pour en faire don à l'Ukraine", a expliqué Anita Anand, la ministre canadienne de la Défense, après avoir échangé avec son homologue ukrainien.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a salué le geste dans la foulée. "Merci de nous aider à protéger notre ciel. Le NASAMS que le Canada s'est procuré pour nous sera un bouclier solide pour nos villes et nos citoyens", a-t-il assuré sur Twitter.

Le chef d'état-major russe nommé commandant de l'offensive en Ukraine

La Russie a de nouveau remplacé mercredi le commandant de son offensive en Ukraine en nommant cette fois le général Valéri Guerassimov, le chef d'état-major des armées, a annoncé le ministère de la Défense. Dans un communiqué, le ministère a déclaré que Valéri Guerassimov était nommé "commandant du groupement combiné de troupes" déployées en Ukraine en remplacement de Sergueï Sourovikine arrivé à ce poste en novembre à peine. Selon le ministère, ce changement s'explique par un "élargissement des missions" à remplir et la "nécessité" d'une "interaction plus étroite" entre les composantes de l'armée.