Gaza : Blinken veut le «oui» du Hamas à une trêve, dit «non» à une offensive d'Israël sur Rafah

© Evelyn Hockstein / POOL / AFP
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avec AFP
En visite au Proche-Orient, le secrétaire d'État américain Antony Blinken a exhorté le Hamas à accepter dès "maintenant" la nouvelle proposition de trêve dans la bande de Gaza. Ce dernier a également réaffirmé l'opposition de Washington à une grande offensive israélienne sur la ville de Rafah.

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken exhorte le Hamas à accepter dès "maintenant" la nouvelle proposition de trêve dans la bande de Gaza tout en réaffirmant l'opposition de Washington à une grande offensive israélienne sur la ville de Rafah. Antony Blinken, qui a effectué en Israël sa septième mission au Proche-Orient depuis le début de la guerre, le 7 octobre, s'est dit mercredi décidé à arracher "maintenant" un accord sur une trêve associée à une libération des otages retenus dans le territoire palestinien.

Israël propose 40 jours de trêve

"Il y a une très bonne proposition sur la table actuellement. Le Hamas doit dire oui", a déclaré Antony Blinken. "Si le Hamas prétend réellement se soucier des Palestiniens et désire voir immédiatement soulagées leurs souffrances, il devrait accepter l'accord", a-t-il ajouté. Les pays médiateurs - Qatar, États-Unis et Égypte - attendent la réponse du Hamas à une dernière proposition en date prévoyant une trêve de 40 jours ainsi que l'échange d'otages contre des Palestiniens détenus par Israël.

Le Hamas répondra "dans très peu de temps", a assuré mercredi à l'AFP un de ses dirigeants politiques, Souheil al-Hindi, tout en soulignant que le mouvement exigeait toujours un cessez-le-feu permanent et le retrait d'Israël de la bande de Gaza. Le Hamas est ouvert "à toutes les initiatives pour mettre fin à la guerre (...) mais sous réserve de conditions très claires auxquelles on ne peut renoncer", a-t-il dit.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, un haut responsable du Hamas, Oussama Hamdan, a indiqué à l'AFP que la position du mouvement sur la proposition de trêve était pour l'instant "négative" mais que des discussions étaient toujours en cours. "La situation est sensible", a ajouté Zaher Jabareen, membre de l'équipe de négociation du Hamas, suggérant qu'une décision finale n'avait pas été prise. Fin novembre, une trêve d'une semaine avait permis la libération de 105 otages, dont 80 Israéliens et binationaux échangés contre 240 Palestiniens détenus par Israël. Mais depuis, les tentatives de médiation sont restées vaines.

Le Hamas réclame un cessez-le-feu "permanent", ce qu'Israël refuse, se disant déterminé à poursuivre l'offensive jusqu'à la "victoire totale" sur le mouvement islamiste, qu'il considère comme une organisation terroriste de même que les États-Unis et l'Union européenne.

"Pas vu de plan"

Pour obtenir cette "victoire", Israël estime devoir mener une opération terrestre à Rafah, dernier grand bastion selon lui du Hamas, où s'entassent un million et demi de Palestiniens à la lisière sud du territoire palestinien. "Nous ne pouvons et ne soutiendrons pas une opération militaire majeure à Rafah sans un plan efficace pour garantir que les civils ne soient pas blessés. Et non, nous n'avons pas vu un tel plan (des Israéliens, ndlr)", a déclaré mercredi Antony Blinken, disant avoir suggéré à Israël "de meilleures solutions" qu'une "opération militaire d'ampleur" sur Rafah, pour "faire face" au Hamas.

Dans la nuit, le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin s'est entretenu avec le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant, soulignant "le besoin pour toute éventuelle opération militaire à Rafah d'inclure un plan crédible pour évacuer les civils palestiniens sur place et maintenir un flot d'aide humanitaire", selon le Pentagone. Ces tractations interviennent alors que la police est déployée sur plusieurs campus américains, théâtres d'une mobilisation étudiante en soutien à la population de Gaza. De son côté, la Colombie a annoncé la rupture de ses relations avec Israël en raison de la conduite de la guerre.

Le 7 octobre, des commandos du Hamas infiltrés depuis la bande de Gaza dans le sud d'Israël ont mené une attaque qui a entraîné la mort de 1.170 personnes, essentiellement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes. Plus de 250 personnes ont été enlevées et 129 restent captives à Gaza, dont 34 sont mortes selon des responsables israéliens. En représailles, Israël a juré d'anéantir le Hamas et lancé une offensive dans le territoire assiégé, qui a fait jusqu'à présent 34.568 morts, majoritairement des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.

La guerre a provoqué d'immenses destructions dans le petit territoire, où il y a aujourd'hui plus de débris et de gravats à déblayer qu'en Ukraine, a affirmé mercredi à Genève un responsable des opérations de déminage de l'ONU.

Réouverture d'Erez

Et c'est sans compter les craintes de famine généralisée, l'aide internationale, strictement contrôlée par Israël, arrivant au compte-gouttes principalement depuis l'Égypte via le point de passage de Rafah. Or Antony Blinken s'est félicité mercredi des progrès dans l'acheminement de l'aide mais a appelé Israël à faire davantage, après une visite à Kerem Shalom, un des deux points de passage depuis Israël. "Les progrès sont réels, mais vu les besoins immenses à Gaza, ils doivent être accélérés", a-t-il déclaré.

Israël a en outre ouvert, pour la première fois depuis le début de la guerre, le passage d'Erez, donnant accès au nord de la bande de Gaza. Selon l'armée, 30 camions chargés de nourriture et de fournitures médicales sont entrés mercredi dans le territoire via Erez, venant de Jordanie. Les États-Unis construisent par ailleurs un port flottant face au littoral de Gaza, qui servira prochainement au déchargement de cargaisons d'aide arrivant par bateau depuis Chypre et dont les travaux sont plus qu'à moitié achevés, selon le Pentagone.

Dans un atelier de Rafah, le mécanicien Youssef Harazi espère la fin des frappes et des combats : "La guerre nous a profondément marqués. Nous ne trouvons pas de répit physique ou mental (...) nos esprits sont fatigués au point où nous avons même du mal à faire preuve d'empathie envers nos enfants au milieu de cette guerre".