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Théo Maneval, édité par Anaïs Huet , modifié à
Les deux capitales européennes s'affrontent pour accueillir les entreprises et agences internationales installées à Londres et prêtes à déménager en cas de "no deal". Toutes deux déploient des trésors de communication et de logistique.
ENQUÊTE

À sept semaines du Brexit, tout se joue encore pour tenter d'attirer les emplois des entreprises qui se préparent à quitter Londres dans le cas d'un "no deal". Si Paris mène la bataille, une autre capitale européenne se démène pour tirer son épingle du jeu : Amsterdam.

Des gratte-ciels en construction partout. Le gouvernement néerlandais affirme être en contact avec 250 entreprises prêtes à s'implanter aux Pays-Bas. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il fait tout pour. Le quartier Zuidas, le centre d'affaires du sud d'Amsterdam, est en pleine expansion. De nouveaux gratte-ciels ne cessent de pousser pour accueillir toujours plus d'entreprises. Amsterdam revendique près de 150 nouvelles installations chaque année, et mène via des agences dédiées un lobbying très actif.

amsterdam

Alnylam, une entreprise américaine du médicament qui voulait se développer en Europe, est arrivée à Amsterdam il y a quelques mois. "C'est l'agence de la ville pour le commerce qui est venue nous chercher ! C'était incroyable, je me suis même demandé comment ils nous avaient trouvés. On était tout petits à l’époque, 8 ou 9 personnes…", s'étonne encore Anant Murphy, le directeur des opérations d'Alnylam pour le Benelux, au micro d'Europe 1. "C'était vraiment une surprise. Tous les efforts qu'ils ont déployés… Ils nous ont fait visiter des locaux, donné des infos sur comment transférer nos employés ici… C'était des contacts au plus haut niveau ! Le ministère de l'Economie, le bureau du maire…", raconte Anant Murphy.

portrait Anant Murphy

Les atouts d'Amsterdam. Le discours d'Amsterdam est bien rodé, et se base notamment sur des vidéos diffusées sur Internet. "On vous déroule le tapis orange", annonce le site Invest in Holland, avec un clin d’œil au Brexit : "Nous ne sommes pas une île", mais "un pays ouvert sur le marché européen et ses 500 millions de consommateurs." La ville revendique d'avoir le plus grand port d'Europe, le quatrième aéroport, et un quartier d'affaires extrêmement bien desservi, avec une gare juste au pied des tours.

portrait David Van Traa

C'est là-dessus qu'insiste le directeur du quartier d'affaires Zuidas, David Van Traa. "On est à six minutes en train de l'aéroport Schiphol, qui a des vols directs pour 300 destinations dans le monde ; à 10 minutes en métro de la gare centrale, qui dessert Paris, Berlin… Et puis Amsterdam a des travailleurs qualifiés, néerlandais ou étrangers. Tout le monde parle anglais (près de 80% de la population néerlandaise, ndlr) ou même d'autres langues…", défend-il.

Des entreprises déjà séduites. Quelques grands noms ont d'ores et déjà été convaincus, notamment la banque japonaise Mitsubishi. Sony a récemment transféré son siège européen à Amsterdam, même si ses employés restent basés en Angleterre. Surtout, les 900 employés de l'Agence européenne du médicament vont être transférés de Londres à la capitale néerlandaise à cause du Brexit.

Des ambitions différentes pour Paris. Du côté de Paris, quelle est la stratégie pour attirer les entreprises, une fois le divorce entre le Royaume-Uni et l'UE officiellement mis en œuvre ? La capitale française ne se bat pas sur le même terrain que sa consœur néerlandaise. Amsterdam mise surtout sur les entreprises de la santé, et Paris sur le secteur des banques. Côté français aussi, des délégations de ministres, de présidents de régions, de représentants de La Défense, se rendent très régulièrement à Londres.

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Les atouts français. Pour eux, l'argument-clé à faire valoir est la baisse de l'impôt sur les sociétés enclenchée par le gouvernement, ainsi que les exonérations pour les cadres qui viendraient s'installer en France. Et ce n'est pas tout. "L'accélération de la mise en place d'écoles internationales, c'est un sujet très important. Il faut être en mesure d'accueillir les enfants des cadres internationaux qui vont venir travailler en France. Il y a quelques semaines a été ouverte l'école de Courbevoie. Nous avions un retard, que nous sommes en train de combler, pour nous mettre en situation de compétitivité", explique Arnaud de Bresson, le directeur général d'Europlace, l'organisme de promotion de La Défense.

Pour l'heure, on sait que la France accueillera désormais l'Autorité de régulation bancaire de l'Union Européenne, ce qui représente une prise importante. Paris est la ville qui récupérerait le plus d'emplois des banques en provenance de Londres à cause du Brexit, selon le comptage du cabinet Sia Partners (plus de 2.300 postes, juste devant Francfort). Amsterdam, elle, figure en quatrième position.

Mais les arrivées vont se faire par vagues, sur des mois voire des années. En clair, on n'est pas partis pour un sprint, mais plutôt sur un marathon.