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Destitution du président, manifestations historiques, confrontation des pouvoirs... Que se passe-t-il en Corée du Sud ?

Maud Baheng Daizey . 4 min
A Séoul, des manifestations historiques pour la destitution du président Yoon Suk Yeol
A Séoul, des manifestations historiques pour la destitution du président Yoon Suk Yeol Anadolu via AFP / © Daniel Ceng / ANADOLU / Anadolu via AFP

Le 3 décembre 2024, le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a déclaré la loi martiale dans le pays, sidérant ses concitoyens et provoquant des manifestations historiques. Depuis, les parlementaires et autorités du pays tentent de le destituer, sans succès. Retour sur plus d'un mois de scandale politique et d'immobilisme judiciaire.

"Faites sortir les gens de l'assemblée, détruisez les portes avec une hache si nécessaire !" Voici l'ordre donné par le président sud-coréen à un général de l'armée pour empêcher sa destitution. Le 3 décembre, le président Yoon Suk Yeol a déclaré la loi martiale en Corée du Sud, selon lui pour protéger le pays “des menaces nord-coréennes." Une décision à l'origine d'une crise politique sans précédent dans le pays du matin calme. Europe 1 revient sur le feuilleton qui secoue le pays depuis plus d'un mois.

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3 décembre : la loi martiale est déclarée 

Les chaînes d’information diffusent alors les images de chars de l’armée dans les rues, tandis que des milliers de Coréens descendent dans les rues. Toute la nuit, des échauffourées éclatent au Parlement, tandis que les élus se voient empêcher d’y entrer par l’armée pendant de longues heures.

Mais sous la pression, ils parviennent à entrer et à voter à l'unanimité la levée de la loi martiale, qui prend fin à l'aube. Le président est accusé de l’avoir appliqué pour tenter de faire passer son budget, considérablement réduit par les votes de l’opposition parlementaire. 

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12 décembre : le président se retranche dans sa résidence avec ses forces de sécurité

Destitution du président, manifestations historiques, confrontation des pouvoirs... Que se passe-t-il en Corée du Sud ?
La résidence présidentielle gardée par les forces de sécurité AFP / © Jung Yeon-je / AFP

Depuis, les Coréens battent inlassablement le pavé de Séoul. Chaque jour, des milliers de manifestants tiennent tête à des centaines de partisans de Yoon Suk Yeol devant la résidence présidentielle. Les députés de l'opposition, et certains du parti présidentiel "Pouvoir au peuple", votent une motion de destitution le 14 décembre.

Des enquêtes pour "rébellion" ont également été ouvertes à l'encontre du président, passibles de la peine de mort. Il est interdit de sortie de territoire. Convoqué pour s’expliquer sur ses actions par le Bureau d’enquête sur la corruption des hautes personnalités (également appelé “Bureau anti-corruption"), Yoon Suk Yeol refusera de sortir de chez lui.

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Selon la journaliste sud-coréenne Yejin Gim, "Yoon et le parti au pouvoir résistent à toute la vérité dévoilée pendant la crise sur la loi martiale. Il a été mis en accusation mais reste président. La plupart des législateurs, les membres du parti présidentiel, du cabinet et les dirigeants d'organisations gouvernementales essentielles le soutiennent." 

27 décembre : destitution du président par intérim

Le feuilleton politique se poursuit, avec le vote de la destitution du président par intérim Han Duck-soo, votée aussi à l’unanimité au Parlement. Il est accusé d’avoir "activement participé à l’insurrection” après l’instauration de la loi martiale, et d’avoir "entravé l'enquête sur la tentative ratée du président déchu". 

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En cause, les sièges de la Cour constitutionnelle, qui a le dernier mot sur les procédures de destitution. Composée de neuf sièges, trois demeurent vacants, et Han Duck-soo aurait refusé de les pourvoir selon l’opposition, entravant la bonne tenue du vote. Les deux tiers des sièges doivent en effet valider la destitution pour l’entériner. Il s'agit d'un levier crucial dans le bras de fer opposant les parlementaires et le président déchu, Yoon Suk Yeol.

31 décembre : un premier mandat d'arrêt est émis

Des manifestants tentent de résister à leur délogement.
Soutenus par le président déchu, des centaines de ses partisans se sont rendus devant la résidence pour empêcher le Bureau de l’embarquer. © Chris Jung / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Sous la pression populaire et parlementaire, et face aux multiples refus du président, le Bureau anti-corruption émet finalement un mandat d’arrêt contre le président Yoon Suk-Yeol, mandat accompagné d’un délai d’expiration : les agents du Bureau ont sept jours pour arrêter le président, pas plus. S’ils arrivent à le déloger, ils auront alors 48 heures pour l’arrêter "formellement". 

Les avocats de Yoon Suk Yeol contestent le mandat et estiment que le Bureau n’a aucune légitimité ni "d’autorité en matière d’enquête". Ils affirment qu'il ne peut être exécuté en raison d'une loi qui protège les lieux potentiellement liés à des secrets militaires contre les perquisitions sans le consentement de la personne responsable... Yoon Suk Yeol lui-même.

3 janvier : première tentative d'arrestation, stoppée au bout de quelques heures 

Des manifestants campent depuis plusieurs jours devant la résidence présidentielle.
Des manifestants campent depuis plusieurs jours devant la résidence présidentielle. © YASUYOSHI CHIBA / AFP

Rien ne va se dérouler comme prévu : les enquêteurs sont en infériorité numérique face à la sécurité du président retranché chez lui, qui n’a pas moins de 200 gardes autour de sa maison. Le service de sécurité du président empêche par trois fois les agents de perquisitionner la résidence, et de déloger Yoon Suk Yeol.

Soutenus par le président déchu, des centaines de ses partisans se sont rendus devant la résidence pour affirmer leur soutien et empêcher le Bureau de l’embarquer. Face à la situation explosive, les agents du Bureau anti-corruption ont alors abandonné. 

Selon Yun Bok-Nam, président de l'association Avocats pour une société démocratique, l'échec de la première tentative d'arrestation du président déchu s'explique surtout "par l'inexpérience du CIO, qui n'a que quatre ans d'existence, compte moins de 100 employés et n'a encore jamais inculpé personne", a-t-il confié à l’AFP. 

6 janvier : le Bureau anti-corruption se tourne vers la police, sans succès

Un étudiant sud-coréen arrêté par la police
Un étudiant sud-coréen arrêté par la police © Chris Jung / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Nouvel incident entre les pouvoirs Sud-coréens : le Bureau demande à la police de déloger elle-même Yoon Suk-Yeol, en vain. Les forces de l’ordre jugent la demande "illégale" car seul le Bureau serait compétent pour l’arrêter. Seul contre tous, le Bureau a alors demandé le prolongement du mandat d’arrêt, arrivé à son terme d’une semaine. 

Oh Dong-Woon, chef du Bureau d'enquête, a déclaré que "l'exécution du mandat a été annulée sous prétexte de sécurité, selon l'Agence nationale de sécurité. En tant que chef du Bureau d'enquête sur la corruption, je voudrais sincèrement m'excuser auprès du public".  

Concernant la compétence du Bureau, Oh Dong-woon a ajouté qu’un mandat d’arrêt "dûment émis par le pouvoir judiciaire est reconnu comme une ordonnance d’un juge" et que "l’exécution de l’ordonnance constitue l’exercice légitime des fonctions du procureur et ne doit être entravée pour aucune raison". En clair, le Bureau ne se laissera pas les soutiens du président déchu le ralentir. 

14 janvier : début du procès en destitution

Mais le feuilleton judiciaire se poursuivra quand même, et ce dès le 14 janvier : le procès de destitution s’ouvrira, qu’il soit arrêté ou non. En juin 2025, la Cour constitutionnelle validera ou non la destitution des deux présidents. En attendant, les manifestations se poursuivent dans la capitale sud-coréenne, où Yoon Suk-Yeol est retranché depuis 26 jours. Affaire à suivre... 

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