Derrière la baisse de l’espérance de vie aux États-Unis, les ravages de la crise des opioïdes

Un toxicomane, dans le Bronx à New York, en 2017.
Un toxicomane, dans le Bronx à New York, en 2017. © AFP
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Guillaume Perrodeau
Les morts par overdose plombent l’espérance de vie américaine, qui connaît une nouvelle baisse en 2018. Principaux responsables : les opioïdes, qui tuent à eux seuls plus que les armes à feu.

Le Centre national des statistiques de santé des États-Unis a publié ses nouveaux chiffres jeudi et la tendance se confirme : l'espérance de vie baisse outre-Atlantique. Un enfant né en 2014 aux États-Unis pouvait espérer vivre 78,9 ans en moyenne, contre 78,6 ans en 2018. "C’est la première fois que l’on voit une tendance à la baisse depuis la grande épidémie de grippe de 1918", explique Robert Anderson, chef des statistiques de la mortalité au Centre national des statistiques de santé.

Plus meurtrier que les armes à feu. Principal facteur qui explique ce phénomène : les overdoses de drogues et plus particulièrement celles liées aux opioïdes. En 2017, 72.000 Américains sont morts d’overdoses, dont environ deux tiers en raison d'une surconsommation d’opioïdes. À titre de comparaison, ce nombre de morts est supérieur à celui des personnes tuées par armes à feu et lors d’accidents de la route réunis.

Une surconsommation à la fois légale et illégale. La crise sanitaire a démarré au début des années 2010, provoquée par la sur-prescription de médicaments comme la morphine, l’hydromorphone ou encore l'oxycodone, utilisés comme antidouleur dans le traitement du cancer ou pour d’autres troubles. Si la population des États-Unis représente ainsi 5% de la population mondiale, elle consomme près de 80% des opioïdes du marché international. Environ 2 millions d’Américains seraient dépendants à ces médicaments.

En quelques dizaines d'années, médecins et laboratoires pharmaceutiques ont ainsi amassé une petite fortune avec ces ordonnances, comme le soulignait Xavier Yvon, le correspondant d’Europe 1 aux États-Unis en mars dernier, tout en occultant les forts risques de dépendance liés à la prise de ces substances. Or, une fois les prescriptions des médecins terminées, à l’issue des soins, beaucoup de patients restent dépendants au produit. Ils se tournent alors vers des substituts, de manière illégale, auprès de dealers.

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Evolution du taux de mortalité par overdose de drogue aux Etats-Unis de 1999 à 2017 ©AFP 

Les ravages du Fentanyl. Aujourd'hui aux États-Unis, le Fentanyl représente la plus grande menace en matière de drogue opioïde. Cet analgésique de synthèse, très addictif, est 50 à 100 fois plus puissant que l’héroïne : 2 milligrammes peuvent tuer un homme, contre 200 milligrammes pour l’héroïne. Prince en 2016, la chanteuse des Cranberries - Dolores O’Riordan - ou encore Tom Petty au début de l’année 2018, ont tous succombé à une overdose de ce médicament. Pour les trafiquants de drogue, le Fentanyl est plus intéressant, car moins cher à produire et plus lucratif. En 2016, le nombre de décès liés au Fentanyl (20.100) surpassait ceux liés à l’héroïne (15.400).

Un constat sanitaire alarmant, dont les conséquences désastreuses ne sont pas seulement sanitaires. Selon une enquête du New Yorker, le coût de la crise des opioïdes pourrait être estimé à plus de 150 milliards de dollars par an, avec notamment des répercussions sur le marché de l’emploi, liées à l’incapacité pour certaines personnes de travailler.

État d’urgence. Après avoir déclaré l’état d’urgence national sanitaire pour les opioïdes en octobre 2017, Donald Trump a annoncé plusieurs pistes pour combattre cette crise. Outre une diminution de la production des médicaments concernés, une meilleure prévention auprès des médecins et une plus grande répression pour les dealers, l’administration américaine réfléchit à porter plainte contre certains laboratoires pharmaceutiques coupables, à ses yeux, de la crise sanitaire.