Corée du Nord : la "diplomatie du sourire" des pom-pom girls aux Jeux olympiques

Les pom-pom girls sont venues soutenir l'équipe de foot féminine nord-coréenne qui affrontait l'Allemagne en 2003, en Corée du Sud.
Les pom-pom girls sont venues soutenir l'équipe de foot féminine nord-coréenne qui affrontait l'Allemagne en 2003, en Corée du Sud. © STR / AFP
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Mathilde Belin
La Corée du Nord devrait envoyer un véritable contingent de pom-pom girls aux prochains JO d’hiver. Ces femmes, jeunes et endoctrinées, sont la vitrine d’une "diplomatie souriante" de Kim Jong-un. 

C’est une armée trompeuse, un contingent au sourire ravageur. Les pom-pom girls nord-coréennes devraient être envoyées aux prochains Jeux olympiques d’hiver à Pyeongchang, en Corée du Sud. Si elles sont dépêchées pour soutenir les deux seuls athlètes nord-coréens qualifiés pour les JO, elles ont aussi un véritable rôle diplomatique. Les jeunes femmes sont triées sur le volet pour donner un visage positif et ouvert du régime nord-coréen à l’étranger.

De jeunes et belles femmes triées sur le volet

Elles sont surnommées "l’armée des beautés" par la Corée du Sud. Les pom-pom girls nord-coréennes ont une beauté lisse et un sourire inconditionnel. Telles des mannequins, elles ne mesurent pas moins d’1m60 - ce qui est rare dans la péninsule -, détaille la BBC. Elles ont en moyenne entre 20 et 25 ans. Mais ce n’est pas seulement sur la base de leur beauté qu’elles sont recrutées.

Ces jeunes femmes sont choisies parmi les bonnes familles de Pyongyang, en phase avec l’idéologie du régime. Elles sont de préférence étudiantes à l’université de danse ou de musique de la capitale. Une fois sélectionnées, ces femmes suivent une formation de plusieurs mois, avec une instruction politique poussée et des tests physiques. Les pom-pom girls nord-coréennes sont une véritable institution dans le pays, au point que la femme de Kim Jong-un elle-même, Ri Sol-Ju, fut pom-pom girl dans le groupe qui avait accompagné la délégation aux championnats d'Asie d'athlétisme de 2005 à Incheon.

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À droite, Ri Sol-Ju faisait partie des pom-pom girls envoyées à Incheon. ©DONG-A ILBO / AFP

D’ailleurs, devenir pom-pom girl est un gage d’ascension sociale en Corée du Nord. En 2005, l'ancienne pom-pom girl Cho Myung-Ae, dont la beauté avait fait une énorme impression au Sud, était apparue dans un spot publicitaire de Samsung au côté d'une star de la pop sud-coréenne. Difficile d’estimer leur nombre global, mais en 2002, quelque 300 de ces reines de beauté avaient été envoyées au Sud pour les Jeux d’Asie de Busan. C’était alors la première fois qu’elles apparaissaient à un événement sportif majeur.   

Ces pom-pom girls sont étroitement surveillées par le régime. Elles ont interdiction de parler de ce qu’elles ont vu au Sud à leurs compatriotes, sous peine de sanctions. En 2002, elles étaient même restées dormir sur leur navire, dans le port de Busan, afin d’éviter tout rapprochement avec l’ennemi. Un transfuge nord-coréen avait affirmé à l’Associated Press avoir été emprisonné en 2006 dans un camp de rééducation avec 21 pom-pom girls qui auraient eu le tort de parler de leur expérience à l’étranger.

La "diplomatie du sourire" de Kim Jong-un

En façade, les pom-pom girls nord-coréennes encouragent les athlètes et dansent des chorégraphies millimétrées. Mais les Jeux olympiques sont surtout l’occasion pour Pyongyang de faire bonne impression à l’international et, dans un contexte de dégèlement diplomatique avec le Sud, l’envoi d’un contingent de pom-pom girls peut permettre d’adoucir l’image totalitaire du régime nord-coréen.  

"Cette forme américaine de spectacle peut être rapprochée de la façon dont Kim Jong-un veut montrer son ouverture sur l’Occident, sur la modernité", explique à Europe1.fr Pierre Rigoulot, historien du communisme et directeur de l’Institut d’Histoire Sociale, rappelant que Kim Jong-un est féru de sport américain et notamment de basket dans lequel s’illustrent les pom-pom girls. L'ancien basketteur américain aux cinq titres NBA Dennis Rodman est d'ailleurs un ami de longue date du dirigeant.

Kim Jong-un "joue la carte du sourire, de la diplomatie souriante. Après une période de grandes tensions en 2017, il propose depuis son discours du Nouvel-An une autre relation avec le Sud. On est donc entré dans une période de sourires, de sérénité", poursuit l’historien. Pour autant, cette "diplomatie des pom-pom girls" aux JO ne constitue pas une technique de diversion pour Pyongyang, estime Pierre Rigoulot : "La Corée du Nord a inscrit dans sa Constitution qu’elle était une puissance nucléaire et cela ne s’arrêtera pas."