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Théo Maneval, envoyé spécial à Londres, et Thibauld Mathieu
Avec son Brexit Party, le populiste Nigel Farage devrait sans nul doute sortir vainqueur des élections européennes au Royaume-Uni, le 23 mai prochain. Et pourrait même viser plus loin…

C'est un paradoxe : avant de quitter l'UE en fin d'année, les Britanniques vont devoir voter pour les élections européennes, le 23 mai prochain. Le populiste Nigel Farage, qui avait été l'un des ténors de la sortie à l'époque du référendum, a créé un parti pour l'occasion. Né il y a seulement cinq semaines, le Brexit Party devrait sans nul doute sortir vainqueur des suffrages, surfant sur l'exaspération des Britanniques, y compris ceux qui voulaient rester dans l'UE.

Conservateurs et travaillistes à l'agonie

Deux enquêtes d'opinion publiés dans les journaux britanniques dimanche dernier placent en effet le parti de Nigel Farage en tête des intentions de vote. Le sondage Opinium pour The Observer le donne grand gagnant avec 34% des voix, soit plus que le Parti travailliste (21%) et le Parti conservateur de la Première ministre Theresa May (11%) réunis. Un second sondage, réalisé par ComRes pour le Sunday Telegraph, voit le Brexit Party en tête avec 27% des voix, suivi du Labour (25%) et des Tories (13%).

Au début du mois de mai déjà, les Conservateurs avaient touché le fond aux élections locales, réalisant leur plus mauvais score depuis près d'un siècle. Empêtré dans la gestion désastreuse du Brexit, le parti n'a d'ailleurs pas osé lancer officiellement de campagne pour les européennes, préférant faire profil bas. Faire campagne est "difficile" et les électeurs sont "en colère", a notamment concédé auprès de l'AFP Ashley Fox, chef des députés européens conservateurs britanniques.

Pourquoi les Britanniques doivent-ils voter ?

Le Royaume-Uni devait à l'origine quitter l'UE le 29 mars mais a dû repousser deux fois la date du départ, faute de soutien des députés britanniques à l'accord de Brexit conclu en novembre entre Londres et Bruxelles. La nouvelle date limite a été fixée au 31 octobre, ce qui oblige le pays à organiser des élections européennes en même temps que les 27 autres États membres de l'UE. Au Royaume-Uni, le scrutin est prévu le 23 mai.

Quant au Labour, principal parti d'opposition, il souffre des hésitations de son leader Jeremy Corbyn sur le Brexit. Partagé entre militants europhiles et eurosceptiques, il risque de voir ces derniers se tourner massivement vers le Brexit Party pour voir enfin se réaliser la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, près de trois ans après le référendum de juin 2016.

Un "come back" et une campagne-éclair

Si Nigel Farage avait pris la tangente après la victoire du Brexit, les déboires des deux partis historiques l'ont vite remis en selle. Le populiste a levé plus de 2 millions de livres (2,3 millions d'euros) dans une campagne-éclair basée sur une seul idée : le Brexit, au plus vite. "C'est ce que le peuple demande. Que le vote démocratique soit respecté. Nous en avons assez ! Les promesses doivent être tenues", ne cesse de répéter le leader eurosceptique, qui conquiert donc les déçus du gouvernement, mais aussi des électeurs de gauche.

"J'ai voté contre le Brexit au référendum. Mais la réaction du gouvernement, de l'opposition, les échanges de noms d'oiseaux...  Ça crée énormément d'insatisfaction de voir ça. Donc c'est un vote de protestation", confie notamment Philip sur Europe 1. "De toute façon avec le Brexit", dit-il, "on espère siéger le moins longtemps possible".

Objectif Westminster

Certes, mais la stratégie de Nigel Farage ne s'arrête pas là : l'europhobe espère ensuite entrer au Parlement britannique. Son parti dépasse d'ailleurs le Parti conservateur au pouvoir, dans un sondage portant sur les intentions de vote en cas d'élections législatives anticipées. Celles-ci pourraient être convoquées en cas de motion de défiance envers la Première ministre Theresa May, dont l'autorité est contestée jusque dans ses rangs. Selon cette enquête de ComRes, le parti de Nigel Farage raflerait 49 sièges de députés, devenant le second parti politique britannique, derrière le Labour.

En cas de victoire aux élections européennes, le député européen de 55 ans compte aussi peser sur les discussions entre Londres et Bruxelles, et "exiger que les députés européens du Brexit Party intègrent l'équipe de négociation du gouvernement", comme il l'a déclaré dimanche à la BBC.

Reste le long terme. Selon un sondage YouGov publié lundi, 63% des Britanniques pensent que le Brexit Party "ne sera probablement pas un acteur de la scène politique britannique dans dix ans".