Samedi, des militants pour le rétablissement de la démocratie participaient organisaient de nouvelles manifestations, tandis que l'armée organisait son gigantesque défilé militaire annuel. 1:04
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Damien Mestre avec AFP , modifié à
Avec au moins 90 morts, la journée de samedi a été la plus violente en Birmanie depuis le coup d'Etat militaire du 1er février qui a renversé Aung San Suu Kyi. Dans un communiqué commun, douze pays, dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon et l'Allemagne condamnent l'utilisation de la force par l'armée birmane contre les manifestants.

Les manifestants devaient descendre à nouveau dans la rue dimanche en Birmanie au lendemain de la journée de répression la plus sanglante depuis le coup d'Etat du 1er février, avec au moins 90 morts dont plusieurs enfants, des violences fermement condamnées par la communauté internationale. Les militants pour le rétablissement de la démocratie avaient appelé à de nouvelles manifestations samedi, jour où l'armée organise tous les ans un gigantesque défilé devant le chef de l'armée, désormais à la tête de la junte, le général Min Aung Hlaing.

Au moins 90 morts samedi 

"Au moins 90 personnes [avaient] été tuées" à la tombée de la nuit samedi, a déclaré l'Association pour l'assistance aux prisonniers politiques (AAPP), une ONG locale qui recense le nombre des morts depuis le putsch.

Le nombre de morts depuis le coup d'Etat du 1er février est passé à au moins 423, selon l'AAPP, une ONG locale de défense des prisonniers. La Birmanie est traversée par une grave crise depuis que la cheffe du gouvernement civil Aung San Suu Kyi a été évincée du pouvoir par un coup d'Etat militaire. Dimanche, les birmans descendront une nouvelle fois dans la rue pour réclamer le retour à la démocratie, et de nombreuses funérailles devaient avoir lieu à travers le pays, qui se remet de sa journée la plus sanglante depuis le putsch.

Un communiqué commun de douze pays

Les chefs des forces de défense de douze pays, dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon et l'Allemagne, ont condamné dans la nuit de samedi à dimanche l'utilisation de la force meurtrière par l'armée birmane contre des civils. "En tant que chefs d'état-major, nous condamnons l'usage de la force létale contre des personnes non armées par les forces armées de la Birmanie et les services de sécurité associés. Une armée professionnelle suit les normes internationales de conduite et a la responsabilité de protéger le peuple qu'elle sert, non de lui nuire", indique le communiqué conjoint. "Nous exhortons les forces armées birmanes à cesser la violence et à oeuvrer pour restaurer le respect et la crédibilité auprès du peuple de Birmanie qu'elle a perdus à travers ses actions", est-il ajouté dans ce rare communiqué commun.

Auparavant, l'ONU avait évoqué des "rapports" faisant état "de dizaines de morts, dont des enfants, de centaines de blessés", et son secrétaire général, Antonio Guterres, a condamné "dans les termes les plus forts" cette "tuerie". Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken s'est dit "horrifié" par la "terreur" que font régner les militaires birmans. Son homologue britannique Dominic Raab a estimé que la junte avait franchi un "nouveau palier" dans la répression.

Toutefois selon Sophie Boisseau du Rocher, chercheuse à l'Ifri, ce communiqué ne va "rien changer du tout parce que ce n'est pas ce genre de pression qui atteint la junte". Selon elle, "c'est une condamnation qui est d'abord destinée aux opinions publiques internationales et notamment occidentales". La chercheuse estime par ailleurs que, "ce qui peut faire changer la junte serait "une condamnation au sein même de l'armée" ou bien de la part de "ses grands partenaires traditionnels, qu'il s'agisse de la Chine, du Japon, de l'Inde. Là, on aurait vraiment quelque chose de puissant".

Acte "d'inhumanité grave"

Pour la traditionnelle Journée des forces armées qui commémore la résistance contre l'occupation japonaise pendant la Deuxième Guerre mondiale, des milliers de soldats, des chars, des missiles et des hélicoptères se sont succédé sur une immense esplanade de la capitale Naypyidaw, devant un parterre de généraux et des délégations russe et chinoise. 

Le général Min Aung Hlaing a de nouveau défendu le coup d'Etat, dénonçant des irrégularités dans les législatives de novembre, remportées par le parti d'Aung San Suu Kyi, et a promis un "transfert de responsabilité de l'État" après des élections. Les actes de "terrorisme qui peuvent nuire à la tranquillité et à la sécurité de l'Etat sont inacceptables", a-t-il déclaré dans un discours.

La violence a éclaté dans tout le pays, l'armée utilisant des balles réelles dans plus de 40 cantons de neuf régions, y compris à Rangoun, la plus grande ville du pays, selon l'AAPP. "Les forces de la junte ont tiré à l'arme automatique sur les zones résidentielles, tuant de nombreux civils, dont six enfants entre dix et seize ans", a déclaré l'ONG. "Le fait que le régime militaire illégitime vise les enfants est un acte d'inhumanité grave". Un journaliste du canton de Kyeikhto, dans l'Etat de Mon (sud-est), a été blessé d'une balle dans la jambe.

Un groupe rebelle affirme avoir subi des bombardements

Parallèlement, un groupe de rebelles armés de la minorité ethnique des Karens, l'Union nationale karen, a affirmé avoir été bombardé par des chasseurs de la junte dans l'est samedi, quelques heures après que le groupe rebelle s'est emparé d'une base militaire.

Les autorités n'avaient pas réagi à ces accusations dans la matinée de dimanche et on ignorait si l'attaque avait fait des morts ou des blessés. Cette action marque le premier assaut aérien de ce type depuis la prise du pouvoir par l'armée, contre la cinquième brigade de l'Union nationale karen (KNU) - l'un des plus grands groupes armés du pays, et qui affirme représenter le peuple karen.