Birmanie manifestations 1:45
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Jean-Jacques Héry avec AFP , modifié à
Deux manifestants ont été tués et une trentaine ont été blessés par des tirs des forces de l'ordre, samedi dans le centre de la Birmanie lors d'un rassemblement anti-junte. Plus d'une dizaine de personnes ont été interpellées, selon des médias locaux.

Deux manifestants ont été tués et une trentaine blessés samedi à Mandalay, dans le centre de la Birmanie, par des tirs des forces de l'ordre lors d'un rassemblement anti-junte, les violences les plus sévères depuis le coup d'État du 1er février.

Plusieurs centaines de policiers ont été déployés dans l'après-midi sur un chantier naval de la deuxième ville du pays, faisant craindre des arrestations d'employés mobilisés contre le coup d'État. Des manifestants ont tapé sur des casseroles pour tenter d'empêcher les interpellations, certains jetant des projectiles sur la police qui a ensuite tiré. "Deux personnes sont mortes, dont un mineur qui a reçu une balle dans la tête", ont indiqué à l'AFP les secouristes, faisant état d'une trentaine de blessés. "La moitié des victimes ont été visées par des tirs à balles réelles", les autres ont été blessées par des munitions en caoutchouc et des tirs de lance-pierres, selon eux.

Escalade de violence

Les tirs à balles réelles ont également été confirmés par des médecins travaillant sur le terrain, sous couvert d'anonymat par crainte de représailles. Plus d'une dizaine de personnes ont été interpellées, d'après des médias locaux. Sollicitée, la police n'était pas disponible pour faire de commentaires. Cette escalade de la violence intervient au lendemain de la mort d'une jeune épicière de 20 ans, Mya Thwate Thwate Khaing, blessée par balles le 9 février.

La junte au pouvoir depuis le coup d'État ne cesse d'accentuer la pression sur le mouvement pro-démocratie. Malgré cela, plusieurs milliers de contestataires, dont des représentants des nombreuses minorités ethniques en costume traditionnel, sont de nouveau descendus samedi dans les rues de Rangoun, la capitale économique. Ils réclament le retour du gouvernement civil, la libération des détenus et l'abolition de la Constitution très favorable aux militaires.

Près de trois semaines après le putsch qui a renversé le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi et mis fin à une fragile transition démocratique de 10 ans, le concert de protestations internationales et l'annonce de nouvelles sanctions n'infléchissent pas les généraux.

Les connexions internet ont été quasiment coupées pour la sixième nuit consécutive, avant d'être restaurées dans la matinée.

Des centaines d'arrestations

Les interpellations se poursuivent avec près de 550 personnes arrêtées (responsables politiques, fonctionnaires grévistes, moines, activistes...), d'après une ONG d'assistance aux prisonniers politiques. Seules une quarantaine ont été relâchées.

Les manifestations ont rassemblé ces deux dernières semaines des centaines de milliers de Birmans à travers tout le pays, un vent de fronde inédit depuis "la révolution de safran" en 2007, réprimée dans le sang par l'armée. De nombreux incidents avaient déjà été rapportés ces derniers jours, avec plusieurs blessés. La junte a pour sa part fait état du décès en début de semaine d'un policier.

La peur des représailles est très forte en Birmanie qui a déjà vécu sous le joug des militaires pendant plus de 50 ans depuis son indépendance en 1948. Malgré cela, parallèlement aux rassemblements, les appels à la désobéissance civile se poursuivent avec des médecins, enseignants, contrôleurs aériens et cheminots toujours en grève.

Nouvelles sanctions ?

La crise reste au cœur de l'agenda international. Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne se réuniront lundi pour discuter d'éventuelles mesures contre l'armée. Samedi, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrel, a condamné la violence exercée par les forces de l'ordre en Birmanie et indiqué que l'UE allait "prendre les décisions appropriées".