Au Kenya, les albinos agressés : "ils nous appellent ‘money’ car nous sommes vendus"

Jarus et Loyce, Mister Mss Albinisme 2016.
Jarus et Loyce, Mister Mss Albinisme 2016. © @albinism Society
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Charlotte Simonart, correspondante au Kenya , modifié à
En Afrique de l'Est, les albinos sont considérés comme des personnes dotées de pouvoirs magiques.
REPORTAGE

Comme chaque matin, Dama 28 ans, se réfugie ici, une petite pièce sombre de moins de 10 mètres carrés au bord d’un bidonville. Nous sommes au bureau d’Ask (Albinism Society of Kenya), une association de défense des albinos. "J’ai commencé à venir ici l’année dernière. J’ai besoin d’argent pour rentrer chez moi et continuer mes études", explique Dama.

"Ce n’est qu’une peau. Ce n’est pas une maladie". Elle a la peau rosée, les cheveux blancs et les yeux verts. Une particularité physique qu’elle paie depuis sa plus tendre enfance. Ses parents l’ont abandonné à l’âge de 6 ans. "Ils m’ont confié à ma grand-mère. Et puis ma grand-mère est morte quand j’avais 16 ans. Je suis allée à l’église et ils m’ont emmené à Nairobi. Et j’ai commencé à vendre dans la rue pour payer les frais de scolarité et retourner à l’école. J’ai dû arrêter le collège mais j’y suis retournée quand j’avais 20 ans. Je dépendais de mes amis."

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                                                     Isaac Mwaura est le premier député kenyan albinos, aujourd’hui figure incontestée de ce combat.
 
 C’est Daniel qui l’accueille tous les jours. Lui-même albinos, il travaille pour cette association depuis un an : "je leur dis qu’ils doivent s’accepter eux-mêmes et prendre soin d’eux. Ce n’est qu’une peau. Ce n’est pas une maladie. C’est ce que je leur répète."
 
"Les gens pensent que s’ils mangent un membre du corps d’un albinos, ils deviendront riches". Cette association, Isaac Mwaura l’a créée il y a 10 ans. Il est le premier député kenyan albinos, aujourd’hui figure incontestée de ce combat. Un combat particulièrement difficile à mener en Afrique de l’Est, l’une des régions les plus dangereuses du continent lorsque l’on naît avec l’albinisme. "Les gens pensent que s’ils mangent un membre du corps d’un albinos, ils deviendront riches. Et puis il y a le viol. Selon une croyance, une personne séropositive peut guérir du sida en ayant un rapport sexuel avec un albinos. On a eu récemment le cas de deux femmes albinos. Elles ont été violées et aujourd’hui, elles vivent avec le HIV", explique-t-il.
 
 Des pratiques encore très courantes au Malawi, au Burundi, au Mozambique et plus que partout ailleurs, en Tanzanie. Près de 170 agressions y ont été recensées ces dernières années. Dama, elle, se sent davantage en sécurité à Nairobi que dans son village car, dit-elle, les mentalités changent. Mais encore récemment, des hommes ont tenté de la kidnapper. "Un jour, ils sont venus me promettre un travail. Mais j’ai compris leur plan… Ils essayaient de me kidnapper. Alors j’ai appelé à l’aide. Vous savez, ils nous appellent ‘money’ car ils kidnappent les albinos et nous sommes ensuite vendus pour de l’argent."

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                                                     Isaac Mwaura et son épouse.
  
"Maintenant, quand ils marchent dans la rue, les gens viennent vers eux pour les saluer". Beaucoup reste encore à faire mais le Kenya fait figure de précurseur en matière de défense des albinos. En octobre dernier, Isaac Mwaura et son association organisaient le concours de beauté : Miss et Mister Albinisme. Une première en Afrique. "Ce concours a permis de redonner confiance aux personnes souffrant d’albinisme. Maintenant, quand ils marchent dans la rue, les gens viennent vers eux pour les saluer. Ils deviennent célèbrent. Ils sont exposés. Cela n’était jamais arrivé avant."
 
 Isaac Mwaura est marié. Son épouse a la peau noire et les yeux marron (voir photo ci-dessus). Ensemble, ils ont adopté deux enfants albinos, rejetés par leur famille. Aujourd’hui très médiatisés, ils sont les visages incontestés d’une société kenyane en pleine mutation.