Tunisie : le mea culpa de Leïla Ben Ali

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Assiya Hamza , modifié à
L'épouse du président tunisien déchu dénonce "un coup d'Etat orchestré" dans Le Parisien.

La femme la plus détestée de Tunisie sort de son silence. Une semaine après la parution en France de son autobiographie Ma Vérité, Leïla Trabelsi, l'épouse du président déchu Zine El Abidine Ben Ali, a accordé sa première interview dimanche au journal Le Parisien. L'ancienne femme forte de Tunisie, aujourd'hui exilée en Arabie Saoudite, demande "pardon" à ses concitoyens mais veut surtout laver son honneur.

"Je ne me mêlais pas de politique. Mon quotidien était consacré aux œuvres caritatives et sociales. A côté de cela, j'ai fait en sorte d'aider mes proches à vivre mieux, c'est vrai", raconte-t-elle au quotidien pour gommer son image de "tête pensante" du clan Ben Ali. "Je voulais bien faire. Si je me suis rendue coupable d'une faute à l'égard d'une personne, je lui demande pardon", poursuit l'ex-première dame.

"J’étais une femme soumise"

Dans Ma Vérité, Leïla Trabelsi se décrit même comme une femme soumise à son mari. "Prétendre que j’influençais mon mari dans ses décisions, que je m’immisçais dans son domaine personnel, c’est oublier que le général Ben Ali, connu pour son fort caractère, n’aurait jamais laissé personne décider pour lui en politique, et encore moins sa femme", écrit-elle dans son autobiographie, rapporte le site Atlantico. "Comment moi qui ne suis même pas autorisée à m’habiller comme je le veux, ni à sortir librement, aurais-je su décider des affaires de l’État ? J’étais une femme soumise et heureuse de l’être, comme l’a toujours constaté mon entourage", insiste-t-elle.

Leïla Trabelsi dénonce également un "complot militaire" contre son mari. "Pour moi, il s’agit d’un coup d’Etat orchestré, téléguidé, préparé, mais dont j’ignore les commanditaires", affirme-t-elle au Parisien. "Je ne crois pas du tout au scénario d’une révolution spontanée née d’une contestation de la jeunesse", martèle l'ancienne Première dame dans cette interview réalisée par Skype.

Partis "sans bagages, ni argent"

Pourtant, le 14 février 2011, les Ben Ali n'ont pas "fui". "Mon mari m’a téléphoné depuis le palais de Carthage pour me suggérer de partir en Arabie saoudite faire la omra (NDLR : un pèlerinage), le temps que le calme revienne. L’idée n’était pas de lui, mais d’Ali Seriati, le chef de la sécurité présidentielle. A mon grand étonnement,  mon mari était là, lui aussi, à l’aéroport. Nous sommes partis sans bagages, ni argent, ni passeport", se souvient-elle.

Aujourd'hui, Leïla Trabelsi affirme ne pas avoir de sang sur les mains et se dit prête à affronter la justice de son pays. Mais pas à n'importe quel prix. "Pour l'instant, il n'y a que haine et vengeance", dit-elle, souhaitant que ses proches, "présumés coupables à cause de leur nom" aient "droit à une justice équitable". Leïla Trabelsi Ben Ali a déjà été condamnée par contumace à 35 ans de prison pour détournement de fonds en juin 2011, puis à 15 ans de plus pour détention d'armes, stupéfiants et pièces archéologiques un mois plus tard. Condamné pour les mêmes faits, l'ex-président a aussi été jugé pour sa responsabilité dans la sanglante répression des manifestations de janvier 2011. Il a été condamné à la prison à vie.

"J'espère que mes compatriotes me rendront justice"

Des accusations que l'ancien Raïs, en "excellente santé" conteste lui aussi. "Je déplore qu'on ait oublié que, pendant 23 ans, l'Etat, sous ma direction, a amélioré considérablement le niveau de vie de chacun et fait de la Tunisie un pays moderne (...). J'espère que mes compatriotes me rendront justice en se souvenant du chemin qu'ensemble, nous avons parcouru", dit-il dans un mot lu par son épouse.