Syrie : la guerre de la com' fait rage

Alors que la communauté internationale peine à trouver une stratégie concrète pour mettre fin à la guerre civile, gouvernement et rebelles tentent d'influencer le monde à leur manière.
Alors que la communauté internationale peine à trouver une stratégie concrète pour mettre fin à la guerre civile, gouvernement et rebelles tentent d'influencer le monde à leur manière. © Capture d'écan Facebook
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Gouvernement comme rebelles maîtrisent leur communication pour influencer le monde. Analyse.

"On ne gagne pas de guerre sans d'abord gagner la guerre des médias." Ces mots, issus de la bouche de Shakeeb al-Jabri, blogueur syrien exilé à Beyrouth contacté par Le Figaro, résument parfaitement la stratégie de communication des deux camps opposés en Syrie. Alors que la communauté internationale peine à trouver une stratégie concrète pour mettre fin à la guerre civile, gouvernement et rebelles tentent d'influencer le monde à leur manière.  

Les contours de la stratégie du dictateur syrien ne sont pas nouveaux. Au travers des divers médias officiels du régime, les seuls tolérés dans le pays,  Bachar al-Assad fait circuler sa propagande avec un message clair : les rebelles sont des terroristes, et ils sont responsables des violences qui secouent le pays.

La guerre en direct, sur le site Bambuser.com

Mais, phénomène plus récent, la communication des rebelles se développe et gagne en efficacité, se professionnalisant.  Sur Internet d'abord, tout est mis en œuvre pour sensibiliser le monde à la barbarie dont est victime le peuple syrien. Cadavres d'enfants, bombardements, incendies, pas un jour ne passe sans que des dizaines de vidéos soient publiées sur des sites comme YouTube, par des Syriens sur place, comme le très suivi Souria2011. Sur le site Bambuser, les images sont même accessibles en direct.

Au fil du temps, les vidéos se sont d'ailleurs élaborées. Mieux filmées, sous titrées en anglais, datées -parfois le caméraman montre même un journal du jour, pour mieux authentifier la date – elles ont désormais tout pour être comprises par la terre entière.  

Exemple de vidéo sous-titrée en anglais

Sur les réseaux sociaux, les rebelles et leurs soutiens relayent également l'information en masse. Le profil Facebook "Syrian revolution 2011" rassemble par exemple plus de 500 000 abonnés, et publie des centaines de posts par jour. "Comme le gouvernement a banni de Syrie les journalistes étrangers, nous n'avons pas d'autre choix que de compter sur nous-mêmes", décrypte au Figaro le blogueur exilé au Liban Shakeeb al-Jabri, qui tweette lui-même 20 à 200 fois par jour.

Facebook Syrie copie

© Capture d'écan Facebook

Shakeeb al-Jabri s'occupe, lui aussi, depuis un an de propager sur Internet les informations qu'il recueille auprès de sa famille, de ses amis et de son réseau d'informateurs restés en Syrie. Tout juste diplômé en sociologie des médias, il assure être devenu un véritable journaliste depuis le début du conflit. "C’est comme si j’étais une petite agence de presse à moi tout seul. On me demande de confirmer ou d’infirmer une information qui vient de tomber. La seconde source des médias internationaux, c’est souvent moi", assure-t-il au journal La Croix.  

BREAKING Khan Sheikhon LC: Regime forces are currently torching farm fields and preventing citizens from putting out the fires. #SyriaJun 16 via TweetDeckFavoriteRetweetReply

Et Internet n'est pas le seul moyen de se faire entendre. Kareem Lailah, exilé, lui, en Europe, supervise l'édition d'un hebdomadaire d'opposition, Syrian Hurriyat, tiré à un millier d'exemplaires. Le magazine est écrit "avec les moyens du bord" selon Kareem Lailah, puis distribué en cachette, principalement à Homs et à Damas.

La chaîne de télévision Al Jazira joue, enfin, un rôle important. Selon l'agence de presse russe Ria Novosti, la chaîne approvisionne les rebelles en "moyens de liaison par satellite, téléphone et internet, importés illégalement du Liban, de la Jordanie et de la Turquie."

"Cela se fait pour que les terroristes puissent contacter la chaîne et couvrir en direct les événements en Syrie à leur manière. La couverture objective de la crise syrienne n'intéresse pas la direction d'Al Jazeera", témoigne un ancien correspondant de la chaîne, contacté par l'agence russe (pro-Assad).

Le régime syrien accuse les rebelles de trafiquer les vidéos et de mentir sur les informations. Et il met également les moyens pour faire entendre ce message. Sur le site de l'agence officielle Sana, traduit dans plusieurs langues, on peut par exemple lire ce témoignage d'une ancienne correspondante d'Al Jazira soit disant repentie. "Je leur fournissais de faux renseignements. Toutes les coordinations (entre la chaîne et les rebelles) ont pour objectif d'émietter la patrie et de mobiliser l'opinion publique mondiale contre la Syrie", y assure-t-elle.

Sana ok

© Capture d'ecran Sana.sy

Et le régime ne s'en tient pas aux messages TV pour parasiter la communication rebelle. Comme le rappelle Le Figaro, au moins deux figures éminentes de la publication de vidéos y ont déjà laissé leur vie. Rami al-Sayed, connu sous le pseudo de Syria Pionner, 25 ans, est mort en février dernier. Son cousin du même âge, Basil al-Sayed, est décédé en janvier. Les deux hommes avaient chacun posté plus de 1000 vidéos. Les deux auraient été tués alors qu'ils filmaient des bombardements.