Syrie : "Assad sort vainqueur pour le moment"

Le président syrien Bachar al-Assad a qualifié d'"insensées" les accusations occidentales sur l'attaque chimique perpétrée par son régime.
Le président syrien Bachar al-Assad a qualifié d'"insensées" les accusations occidentales sur l'attaque chimique perpétrée par son régime. © Reuters
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Charles Carrasco avec Thomas Sotto , modifié à
LE POINT DE VUE DE - Agnès Levallois estime que le régime a eu le temps de faire disparaître les preuves d’une attaque chimique.

L’INFO. La pression internationale s’accentue sur Bachar al-Assad, accusé par la communauté internationale d’attaques chimiques sur sa population. Mais le régime n’en a cure et juge lundi ces affirmations "insensées". Lundi, les experts de l’ONU vont se rendre sur place pour enquêter mais cinq jours après les faits, les Occidentaux ont peu d’espoirs d’obtenir des preuves tangibles de la responsabilité de Damas.

>>> Pour Agnès Levallois, spécialiste du monde arabe qui a vécu à Damas, n’attend pas grand-chose de cette mission onusienne.

E1 : En cinq jours, la régime-a-t-il eu le temps de détruire les preuves ?

Agnès Levallois : C’est suffisant pour en faire disparaître un grand nombre. Le régime veut donner l’impression de se plier à l’exigence de la communauté internationale et montrer sa bonne volonté pour mieux ensuite démentir les résultats de cette enquête.

E1 : Comment se passe une enquête sur le terrain ?

syrie ONU 930

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A.L. : Les inspecteurs vont aller voir là où Damas les autorise à aller. Les inspecteurs n’auront pas toute liberté de manœuvre. Ils sont très largement encadrés par le régime d’Assad qui va les emmener à tel endroit et pas à tel autre. Ils risquent de trouver quelques traces mais elles risquent d’être très légères. Le plus important, c’est que les inspecteurs ne sont pas là pour dire qui a utilisé ces armes. Ils vont peut-être trouver des traces mais ils ne seront pas en mesure de dire qui est responsable de cela.

E1 : La communauté internationale a peu de doute sur la responsabilité du régime de Damas. Ce que dément fermement Assad. Peut-on imaginer que les rebelles soient à l'origine de cette attaque ?

A.L. : Ça me parait absurde ! Le régime a ses stocks d'armes constitués depuis des années. On ne peut pas mettre sur le même plan le régime et l'opposition. L'opposition est complexe, elle n'a pas été constituée à cause du régime de la dictature. Il y a aujourd'hui toutes sortes de personnes au sein de l'opposition. Que certains groupes aient pu avoir accès à quelques stocks quand ils ont pris des positions, ce n'est pas à exclure, mais quand on voit l'ampleur du massacre qui s’est déroulé il y a quelques jours, je ne vois pas comment l'opposition aurait pu avoir autant de moyens pour une telle attaque. Il me semble que le faisceau d'indications va en direction de ce régime.

E1 : Que va-t-il se passer ensuite ?

A.L. : On va attendre les preuves et le rapport des inspecteurs de l'ONU. Avant cela, il ne se passera rien, et même ensuite je crois qu'il y a peu de chances qu'il se passe quelque chose parce qu’on ne saura pas dans ce rapport qui est responsable. L'ONU dira que ce n'est pas de sa responsabilité de dire qui est responsable. En raison du veto russe et du veto chinois, il n'y aura pas de décision au sein de l'ONU.

E1 : Pourquoi la Russie soutient-elle autant le régime ?

Barack Obama et Vladimir Poutine

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A.L. : Au départ du conflit en Syrie, la Russie a été mise à l'écart de la négociation avec le régime d’Assad. Les Occidentaux considéraient qu’ils allaient gérer cela. La Russie a démontré qu'elle était une puissance internationale, qu'il fallait compter avec elle et qu’elle garde cette carte syrienne entre les mains pour une éventuelle autre négociation avec les Américains. La Russie ne lâchera pas le régime. Elle l'emmène parfois à quelques concessions car la pression est trop forte mais elle ne lâchera pas afin de montrer qu'elle est une puissance, qu'elle a toute légitimité à être présente au Moyen-Orient, car c'est le dernier pays où elle a une influence dans la région.

E1 : Des bombardements en Syrie sont-ils possibles ?

A.L. : J'ai du mal à imaginer que l'on va arriver à des bombardements. Il y a quelques cibles : les services de renseignements français, européens, américains, anglais connaissent très bien les centres de commandements de l'armée syrienne. Il y a des systèmes d’observation suffisamment perfectionnés. S'il y avait déjà quelques bombardements, ça montrerait à Assad que la communauté internationale est enfin décidée à intervenir. Ce qui est complètement pervers dans cette situation, c’est que la communauté internationale passe son temps à parler de ‘ligne rouge’ systématiquement franchies par le régime et il ne se passe rien. On assiste à une graduation de la violence où Assad va à chaque fois plus loin, car il sait qu'il ne se passe rien sinon des déclarations. Il sort vainqueur de la situation pour le moment.