Le Snow Power

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François Clemenceau , modifié à
La paralysie de la capitale des Etats-Unis depuis vendredi illustre la faiblesse des services publics et la débrouillardise solidaire des américains.

Si vous n'arrivez pas à reconnaitre ma maison sur la photo, c'est normal. Depuis mon retour de Nashville, j'ai passé des heures avec mon épouse et mes enfants à déblayer les tonnes de neige qui se sont abattues sur notre périmètre. Et pile au moment où démarre une nouvelle tempête qui devrait nous apporter entre 20 et 50 cm de plus, j'avoue que l'exercice du "shoveling" devient lassant. Mais ces quelques jours de lutte contre la neige m'ont permis également de réfléchir sur la façon dont fonctionne ce pays.

Depuis vendredi, nous avons vu dans notre rue une déblayeuse passer dans un sens puis dans l'autre. Très insuffisant. Mais aucun de mes voisins n'a manifesté une quelconque grogne à l'égard de la municipalité. Chacun prend en charge sa tranchée pour sortir de chez lui, le dégagement de son bout de trottoir en fonction de la largeur de sa maison, le déneigement des places occupées par sa ou ses voitures et il arrive même à certains d'aller faire le même job devant la maison de telle ou telle personne âgée qui n'a pas les moyens physiques de manier la pelle pendant des heures. Depuis vendredi je me suis rendu deux fois en centre-ville. C'est encore pire. Aucune des rues secondaires de Georgetown ou du quartier central de Dupont Circle n'ont été déneigées. D'autres le sont à moitié, ce qui fait qu'il reste des plaques de glace épaisses à travers la chaussée ou même des bosses de neige. Les 4x4 passent, les autres patinent.

Même le Washington Post (qui a enfin été livré à domicile depuis lundi) pose la question dans l'un de ses éditoriaux de la capacité de la mairie de Washington à faire face à ce genre de calamité. Les services privés (Electricité, Téléphone, Internet, Gaz) ont été hyper-réactifs dans l'ensemble. On ne peut pas en dire autant des services publics. Or c'est sur eux que repose la capacité du gouvernement fédéral à Washington de travailler. S'il n'y pas pas de transports en commun, pas de camions de livraison dans les supermarchés, pas d'école pour les enfants, pas d'avion pour ramener les élus au Congrès, comment voulez-vous que l'Etat assume ses devoirs ? Certes, il y a des circonstances atténuantes et le phénomène rarissime de cette neige abondante en est un. Mais l'un des mes voisins me disait aussi qu'il ne tenait pas à payer plus d'impôt pour avoir des déblayeuses dans sa rue une fois tous les trente ans. C'est un peu exagéré car il neige tous les ans, mail il met le doigt sur le rapport citoyen que l'on a avec les services publics. On a appris dans ce pays à s'en passer. Cette culture de la "self-reliance" exprimée de façon virulente et parfois très sotte par les ultra-conservateurs entraine ce genre de carence manifeste de la collectivité locale, du gouvernement local ou fédéral.

On pourrait aussi débattre sur les infrastructures. C'est le énième fois en 7 ans que je pose la question du câblage électrique des rues d'une grande ville comme Washington. Le centre-ville dispose d'un réseau électrique enterré mais l'essentiel de la zone résidentielle où vivent les trois quart de la population est électrifié par des câbles aériens. Idem pour le téléphone et Internet. Pourquoi ? Parce que c'est moins cher. Quitte à ce que chaque année, à la première tempête, le vent, la pluie, la neige ou le gel ne fassent céder ces lignes de vie indispensables. Je suis persuadé que si la municipalité votait l'obligation d'enterrer les fils, les contribuables seraient les premiers à grogner contre l'augmentation des impôts ou des factures qui en résulterait.

En attendant, tout le monde hiberne. Le gouvernement, le District de Columbia, les citoyens, les contribuables. Vive la luge !

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