Le Sahel, zone explosive

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Frontières floues, Etats défaillants, contrebande : la région reste difficile à contrôler.

Le Sahel est une zone qui préoccupe la France depuis une dizaine d'années. Le 25 aout 2010, Nicolas Sarkozy disait craindre que la région ne devienne une place forte du terrorisme, d’autant que les incidents impliquant des Français s’y sont multipliés.

En novembre 2009, le Français Pierre Camatte y avait été enlevé, puis relâché en février 2010. Puis ce fut Michel Germaneau, enlevé en avril 2010 et exécuté cet été. Les sept employés d’Areva, enlevés le 16 septembre, ne sont donc que les derniers d’une longue liste. Et pour cause : le Sahel est l’une des zones les plus instables du monde, une situation dont profite Al Qaïda au Maghreb.

Frontières poreuses et tradition de contrebande

Mali, Niger, Mauritanie, Algérie, Tchad, Burkina Fasso…Tous ces pays possèdent une vaste zone désertique. “Il s’agit d’un espace gigantesque, presque aussi grand que l’Europe, avec des armées numériquement très faibles pour des pays d’environ un million de km2 chacun“, explique Alain Antil, chercheur à l’Ifri (Institut français des relations internationales), responsable du programme Afrique subsaharienne.

Les frontières sont donc quasi-inexistantes, une aubaine pour les trafiquants et les terroristes, qui profitent de l’absence de contrôle pour passer d’un pays à l’autre. Le Sahel a été une zone d'intenses échanges commerciaux du 7e au 16e siècle. Loin de disparaitre, cette tradition a même connu un regain avec le développement de la contrebande. Les cigarettes sont la principale marchandise importée illégalement, suivie par le haschich et depuis peu la cocaïne, qui transite depuis la Guinée-Bissau vers le Nord. L’importance de ces trafics en dit long sur la très faible surveillance de cette zone, une lacune dont profitent également les organisations terroristes. Ces dernières n’hésitent d’ailleurs pas à “protéger certains trafic pour s’autofinancer“, rappelle le spécialiste du Sahel à l’Ifri.

L’obstacle du sous-développement

Autre obstacle majeur à un meilleur contrôle du Sahel : les très faibles ressources des Etats et des populations. Ces pays sont parmi les plus pauvres du monde, avec un appareil industriel très limité. Les groupes terroristes ont donc plus de facilités pour recruter des hommes et à s’attirer la bienveillance des tribus locales. Un appui précieux “qui permet aux terroristes d’avoir une grande connaissance du terrain“, précise Alain Antil.

"Les populations sur place vivent dans la précarité et, en leur sein, une jeunesse n'a d'autre alternative que de fournir des combattants à des groupes criminels de tout genre", a ainsi rappelé le président malien Amadou Toumani Touré, le 7 septembre devant le Parlement européen à Strasbourg.

Une coopération militaire balbutiante

Malgré des moyens limités, les armées nationales des pays concernés commencent à mettre en commun des ressources afin d’accroître leur efficacité. Mais “sur le plan de la coopération militaire, ces pays n’ont pas l’habitude de coopérer. On part de tellement loin : la coopération fonctionne mieux entre la France et la Mauritanie qu’entre la Mauritanie et le Niger“, détaille Alin Antil.

Pire, “tous les pays sahéliens ne sont pas les meilleurs amis du monde“, poursuit-il, d’autant que la région “sera de plus en plus une zone d’extraction de minerais et d’énergies fossiles“. Ces intérêts géopolitiques sont donc autant de freins à une coopération accrue. Le Sahel n’est donc pas prêt d’être quadrillé, “et même si on le voulait, ce serait trop cher“, conclut Alain Antil.