La Côte d’Ivoire s'enfonce dans la crise

© MAXPPP
  • Copié
avec agences et Emmanuel Renard , modifié à
Pourtant contesté, Laurent Gbagbo a été investi président, après une nuit de troubles à Abidjan.

La tension est à son maximum en Côte d'Ivoire, où les deux candidats revendiquent la victoire. Le chef d'Etat sortant, Laurent Gbagbo, a pourtant été de nouveau investi président de la République samedi, alors que son rival Alassane Ouattara est reconnu "président élu" par les grandes puissances et des échanges de tirs nourris dans la nuit à Abidjan. Laurent Gbagbo a été proclamé vendredi vainqueur par le Conseil constitutionnel avec 51,45% des suffrages au second tour de la présidentielle du 28 novembre.

"Devant le peuple souverain de Côte d'Ivoire, je jure solennellement et sur l'honneur de respecter et de défendre fidèlement la Constitution, de protéger les droits et libertés des citoyens, de remplir consciencieusement les devoirs de ma charge dans l'intérêt supérieur de la Nation", a-t-il déclaré en prêtant serment au palais présidentiel à Abidjan.

Gbagbo dénonce des "ingérences"

A peine investi, Laurent Gbagbo a dénoncé des "ingérences" étrangères, visant à mots couverts l'ONU, les Etats-Unis, l'Union européenne et la France, qui tous contestent la manière dont s'est déroulé ce scrutin. "Ces derniers jours, j'ai noté des cas graves d'ingérence", a-t-il affirmé au cours d'une allocution, avant de dénoncer son rival Alassanne Ouattara en ajoutant : "Je n'ai jamais appelé quelqu'un du dehors pour m'investir".

Seul contre la communauté internationale, comme il l'avait été après l'éclatement de la crise politico-militaire de 2002, le chef de l'Etat a déjà commencé à conforter son pouvoir. Les grands chefs de l'armée régulière, dont l'attitude est décisive pour l'issue de cette crise, se sont dès vendredi "mis à sa disposition", selon les propos du quotidien d'Etat Fraternité-Matin. Alassane Ouattara est, lui, sous bonne garde de l'ONU, dans un hôtel de la capitale.

Deux morts à Abidjan

Sur le plan sécuritaire la situation s'est encore tendue dans la capitale ivoirienne, Abidjan. Coupé en un sud loyaliste et un nord tenu par l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) depuis le putsch manqué de septembre 2002, le pays était plus que jamais déchiré.

Dans le quartier populaire de Port-Bouët, qui abrite la base de la force militaire française Licorne et l'aéroport de la ville, une patrouille de gendarmes a échangé des tirs nourris avec des inconnus en armes dans la nuit de vendredi à samedi. A la lisière du quartier populaire d'Abobo et de la banlieue d'Anyama, au nord de la capitale économique, des tirs à l'arme légère se sont aussi longuement fait entendre. Quelques magasins ont été incendiés. Selon des habitants, deux personnes sont mortes après de violents tirs.

Comme ils l'avaient fait la veille après la proclamation de la victoire de Laurent Gbagbo, des centaines de jeunes en colère sont sortis au petit matin, dans le quartier populaire de Koumassi, pour ériger des barricades et mettre le feu à des pneus ou des bouts de bois, dans une ambiance électrique. Ils ont fustigé la communauté internationale. "On s'en fout de la France", a scandé l'un des manifestants. "Elle agit comme ça car elle a de gros intérêts", a rapporté un autre.

La plupart des magasins sont fermés. Les Ivoiriens se sont rassemblés dans leur maison.