Discrimination anti-Français en Suisse

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avec notre envoyée spéciale Emilie Nora , modifié à
Les hôpitaux universitaires de Genève préconisent de ne plus les nommer aux postes à responsabilité.

C'est une petite phrase glissée au cours d'un point d'information qui a suscité un tollé des deux côtés de la frontière. Bernard Gruson, directeur général des Hôpitaux universitaires de Genève, a préconisé vendredi dernier "d'éviter de nommer des frontaliers aux postes de responsable d’unités de soins, a révélé mercredi le quotidien suisse La Tribune de Genève

Une préférence nationale qui a choqué une bonne partie des auditeurs, d'autant que plus de 40% des effectifs de ces hôpitaux sont de nationalité française. Depuis, la polémique enfle.

"Ce n’est absolument pas de l’ostracisme"

"Je constate que sur les 165 responsables d’unités de soins, 110 d’entre eux sont des frontaliers. Certains collaborateurs qui résident à Genève s’en sont plaints. J’ai donc décidé de privilégier un retour à l’équilibre", a confié Bernard Gruson à La Tribune de Genève. Et ce dernier de poursuivre : "pour tout engagement, ce sera ma priorité. Ce n’est absolument pas de l’ostracisme, mais mon rôle de dirigeant d’arbitrer les insatisfactions".

La sortie de Bernard Gruson a eu d'autant plus d'écho que la question des frontaliers français est un sujet sensible en Suisse, où les Français sont souvent accusés de prendre le travail des Suisses et donc d'alimenter un dumping social. Le parti d 'extrême-droite UDC a ainsi prévu d'organiser un référendum pour limiter la libre-circulation des personnes.

Sans frontaliers, Genève serait à la peine

Les premiers concernés ont évidemment mal pris la nouvelle, à l'image de Marie, infirmière française en Suisse. "Il n'y a plus aucune motivation. Si on se dit qu'il n'y a plus aucun moyen de progresser et qu'on reste là où on est, cela ne pourra plus tourner", témoigne-t-elle.

Cette proposition des hôpitaux universitaires genevois est à ses yeux irréaliste. "S'ils n'avaient comme ressource que les infirmières qu'ils forment en Suisse et notamment sur Genève...l’hôpital cantonal ferme", ajoute Marie.

Bertrand est, lui aussi, très sceptique sur ce projet de préférence nationale. "Les Suisses préfèrent se tourner vers des professions comme la finance ou le commerce donc cela ne les intéresse pas, tout simplement", assure-t-il. "Dire qu'il faut geler l'embauche des frontaliers, moi je demande à voir dans cinq ou six ans ce que cela a donné", ajoute Bertrand.

"Un injure directe" envers les Français

Michel Charrat, président du Groupement transfrontalier européen, a pris la tête de la rébellion, dénonçant une "injure directe qui est faite aux salariés des HUG, dont près de la moitié est frontalière". "Nommer des gens en fonction de leur lieu de résidence, c’est ignorer les qualifications professionnelles, c’est une absurdité !", s'est-il emporté, toujours dans le quotidien suisse.

Au-delà de l'argument légal, Michel Charrat insiste sur un autre détail : "Monsieur Gruson oublie qu’il a été frontalier et que malgré cette tare il a pu évoluer professionnellement mais ça, c’était avant !", ironise-t-il dans La Tribune de Genève.