Ben Ali, la fuite après 23 ans au pouvoir

Ben Ali avait régné sans partage sur la Tunisie pendant 23 ans
Ben Ali avait régné sans partage sur la Tunisie pendant 23 ans © REUTERS
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Aurélie Frex avec AFP , modifié à
PORTRAIT - L'ex-président Zine El Abidine Ben Ali régnait sans partage sur le pays depuis 1987.

Il a régné sur son pays pendant 23 ans, sans partage, et a finalement quitté le pouvoir vendredi, prenant presque par surprise ses opposants. Zine El Abidine Ben Ali, 74 ans, avait été réélu pour un cinquième mandat en octobre 2009 avec près de 90% des voix. C’est finalement la révolte du peuple, et les émeutes sociales qui surviennent depuis un mois, qui ont causé sa chute.

Vu de l’extérieur comme un rempart efficace face aux islamistes en dépit de critiques sur la lenteur de la démocratisation et les atteintes aux droits de l'Homme, la contestation aura finalement été plus forte.

Un "coup d’état médical" en 1987

Issu d'une famille modeste de la ville côtière de Hammam Sousse, Ben Ali est un militaire de carrière, formé à l'Ecole inter-armes de Saint-Cyr en France et à l'Ecole supérieure de renseignement et de sécurité aux Etats-Unis. Devenu rapidement général, il est nommé patron de la sûreté nationale après des émeutes en 1984, puis ministre de l'Intérieur, poste qu'il cumule en mai 1987 avec celui de Premier ministre.

C’est 7 novembre 1987 qu’il devient président. A cette époque, de nombreux Tunisiens, y compris les islamistes, saluent une prise du pouvoir "sans violence ni effusion de sang", bien que décrite par certains comme un "coup d'Etat médical". Officiellement, son prédécesseur, Habib Bourguiba, est parti pour raisons médicales.

Regardez le reportage d'Antenne 2 lors de sa prise de pouvoir :

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Il arrive à la tête de la Tunisie en "sauveur" d'un pays alors à la dérive. Dès son arrivée au pouvoir, il supprime la "présidence à vie" instituée par Bourguiba et limite dans un premier temps à trois le nombre de mandats présidentiels. Il jette les bases d'une économie libérale et étouffe dans l'oeuf le parti islamiste Ennahdha, accusé de complot armé.

Une classe moyenne montante

Ben Ali a à son actif une politique sociale dite de "solidarité", avec la création d'un fonds spécial destiné aux plus pauvres ou le développement d'un système de sécurité sociale, et la poursuite des politiques favorables à l'émancipation des femmes.

Se disant favorable à une démocratisation "sans précipitation", il introduit en 1994 le pluralisme à petite dose au parlement et organise en 1999 la première présidentielle pluraliste de l'histoire de la Tunisie.
Revêtant parfois la "Jebba" traditionnelle, il encourage un islam modéré, protège le judaïsme et se dit attaché à la modernité. Pour ses alliés occidentaux, il incarne la stabilité dans un pays prisé par des millions de touristes européens et pour lequel l'ancienne puissance coloniale française reste un partenaire privilégié.

Un régime dur

Mais ces avancées s'accompagnent d'un durcissement du régime face à toute forme d'opposition, émanant de la gauche ou des islamistes, arrêtés par milliers dans les années 1990, et d'une mainmise sur la presse et les syndicats dénoncée par des adversaires pour la plupart en exil.

En 2002, Ben Ali fait sauter le dernier verrou empêchant son maintien au pouvoir en faisant adopter par référendum une modification constitutionnelle lui permettant de se représenter.

A la fin des années 2000, son régime est dénoncé comme "autoritaire" par les organisations de défense des droits de l'Homme. En juin 2008, il avait fait mater par l'armée des émeutes sur fond de chômage et de népotisme, dans le sud-ouest frondeur.

Jeudi, il avait annoncé des élections anticipées :

Ben Ali avait donc promis de quitter le pouvoir en 2014. Trop tard, ses promesses n’auront pas suffi.