La longue histoire de l'Education nationale française s'est aussi écrite à travers la réorganisation des rythmes scolaires 3:54
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Virginie Salmen
Dans Le jour où, tous les soirs du lundi au vendredi, le passé éclaire le présent. Grâce à ses archives, la rédaction d'Europe 1 fait le récit d'un événement relié à l'actualité. Ce mercredi, on vous raconte comment le mercredi était à l'origine un jeudi !

Retour sur les bancs de l'école, mercredi, grâce aux archives d'Europe 1. Retour surtout à l'époque où le mercredi, justement, c'est-à-dire le jour de repos des enfants, était le jeudi. À cette époque, les élèves allaient aussi à l'école le samedi matin et même le samedi après-midi. C'est en 1963 que la question de la réorganisation des jours de scolarité émerge. À ce moment là, ça n'est qu'une idée de réforme, qui n'aboutit d'ailleurs pas.

Au début des années 60, au micro de Christian Bernadac sur Europe 1, les enfants s'enthousiasment à l'idée de travailler le jeudi plutôt que le samedi. "Le samedi, c'est plus intéressant car on peut faire des weekends de deux jours", avance un petit garçon qui précise : "le jeudi, ça coupe mais c’est pas tellement intéressant. Avec une seule journée, on ne peut pas bien s’amuser." Autour du jeune écolier, les enfants sont d'accord à l'unanimité. Ils sont 25 ou 30 à entourer le journaliste et une fille ajoute aux propos de son camarade qu'avec un weekend de deux jours, "on peut partir à la campagne".

"Maman travaille, papa est parti à la pêche"

Finalement, la réforme voit le jour quelques années plus tard, en 1969. Le président de la République, Georges Pompidou, appelle ça le "weekend scolaire". Son ministre de l'Éducation, Olivier Guichard, signe un arrêté. Les élèves n'iront donc plus en classe le samedi après-midi. Cette petite révolution bouscule les habitudes familiales. "Je vais aller chez ma grand-mère parce que maman travaille", explique une enfant. "Et votre maman, elle est contente que vous soyez en congé samedi après-midi ?", relance Christian Bernadac. Réponse de l'intéressée : "non, parce que ça la dérange d'aller me conduire chez ma grand-mère et papa ne travaille pas, il est parti à la pêche."

Autre temps, autre mœurs, et en l'occurrence, le sexisme ambiant est de mise ! Les femmes sont assignées aux courses et aux activités des enfants tandis que le mari est à la pêche. Pour les familles de milieux aisés en tout cas, libérer le samedi après-midi est une excellente nouvelle. Ces familles, finalement, découvrent les weekends. "Nous avons une petite maison à 15 kilomètres d’ici, c'est retiré, c’est tranquille", raconte un père. "Nous nous apprêtons à partir justement, à passer le samedi après-midi et le dimanche là-bas."

Chamboulement intime du couple

Dans ces archives Europe 1 figure aussi le commentaire d'une mère de famille que ce nouveau congé dérange un peu. Et c'est notamment la vie intime du couple qui est chamboulée selon elle : "Vous savez ce que c'est quand on est tranquille avec le mari, quand on a certaines choses à faire ! On n'aime pas avoir les enfants au milieu, ça nous ennuie assez !"

La sieste (et plus si affinités) du samedi après-midi est donc terminée à cause du ministre de l'Education ! La prochaine mission du gouvernement consiste à rééquilibrer la semaine de travail des écoliers. Le jour de repos du jeudi est trop proche du weekend. La coupure hebdomadaire passe donc du jeudi au mercredi, "le résultat d'une très longue consultation et d'une très minutieuse enquête", clarifie Olivier Guichard, en 1972.

La saga se poursuit en 2008 puis 2013

"Tout le monde est d’accord sur ce changement donc je vais proposer au conseil des ministres de le faire", suggère-t-il encore. Consensus total dans la communauté éducative, chez les parents, les professeurs et les maires de communes. Tout le monde valide. Il faut ensuite attendre 2008 pour voir la classe disparaître le samedi matin. C'est la décision de Xavier Darcos, alors ministre de l'Education de Nicolas Sarkozy.

Dernier épisode en date dans cette saga des rythmes scolaires ? La réforme en 2013 de Vincent Peillon, à son tour ministre de l'Education mais sous François Hollande, qui étale la semaine sur quatre jours et demi. Les enfants ont cours le mercredi matin et, d'après les pédiatres et les chronobiologistes, il s'agit en plus d'un meilleur rythme pour apprendre. Mais les impératifs des parents l'emportent et dans 95% des communes françaises, les élèves se reposent toute la journée du mercredi... en plus du weekend évidemment !