Mort de Thomas : les neuf suspects mis en examen, l'élucidation des faits «pas achevée», indique le procureur

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avec AFP , modifié à
Le procureur de Valence a annoncé ce samedi soir que les neuf suspects dans l'affaire de la mort du jeune Thomas à Crépol ont été mis en examen pour différents chefs d'accusation dont "meurtre en bande organisée", passible de la réclusion criminelle à perpétuité. L'élucidation des faits, de son côté, n'est "pas achevée".

Neuf jeunes, dont trois mineurs, ont été mis en examen samedi pour différents chefs d'accusation, dont "meurtre en bande organisée", "tentatives de meurtre" ou "violences volontaires commises en réunion", après la mort du jeune Thomas lors d'un bal à Crépol (Drôme), a indiqué le parquet de Valence. "À ce stade, l'élucidation des faits commis à Crépol n'est pas achevée", a déclaré le procureur de la République à Valence Laurent de Caigny en se refusant à tout détail sur les identités et les charges précises retenues contre chaque suspect "pour des raisons évidentes de protection" des personnes et de l'enquête.

"Les motivations des agresseurs ne sont pas clairement établies"

Même si "les mobiles et les motivations des agresseurs ne sont pas clairement établis", l'enquête ne permet pas à ce stade d'affirmer que les victimes ont pu être visées en raison de leur appartenance à une "prétendue race, une ethnie, une nation ou une religion déterminée", a précisé le procureur.

"Le scénario même des passages à l'acte, les mobiles et l'identification de tous les auteurs des faits ne sauraient se résumer à des dénonciations sans preuve, des spéculations ou des interprétations hâtives", a-t-il mis en garde alors que le drame a suscité une avalanche de réactions de l'extrême droite, et de la droite sur le thème de l'insécurité et de l'immigration. Ainsi, celui qui avait été désigné comme l'auteur des coups mortels "n'a pas été reconnu" par le témoin qui l'avait désigné, selon le communiqué.

9 témoins sur les 104 auditionnés entendent des propos hostiles "aux blancs"

Samedi dernier, ce jeune de 20 ans était entré avec d'autres dans la salle des fêtes de Crépol, où se tenait un bal réunissant environ 400 personnes, selon le communiqué. Une altercation impliquant un des suspects éclate dans la salle des fêtes "pour un motif futile qui, selon certains, serait lié à sa coupe de cheveux". Il sort "clairement dans l'intention de se battre". Au même moment, des véhicules arrivent à vive allure avec à bord des passagers jugés "hostiles", alors que la soirée s'achève et que la salle commence à se vider.

"Tous les individus extérieurs à Crépol sont décrits comme portant des coups, certains des coups de couteaux", des cris et des insultes sont entendus, 9 témoins sur les 104 auditionnés entendent des propos hostiles "aux blancs", 12 relatent avoir entendu "ça plante". Le groupe hostile finit par s'enfuir à bord de plusieurs véhicules.

Thomas, un lycéen de 16 ans blessé par un coup de couteau, décède lors de son transport à l'hôpital. Les violences ont également fait huit blessés, dont trois graves.

Trois des neuf jeunes arrêtés sont des mineurs de plus de 16 ans

Mardi, neuf jeunes ont été arrêtés à Toulouse et Romans-sur-Isère dans l'enquête ouverte par les gendarmes. Trois sont des mineurs de plus de 16 ans, les autres ont de 19 à 22 ans, certains sont connus de la justice. Un dixième s'est présenté spontanément aux gendarmes pour expliquer sa présence à Crépol le soir du drame, a précisé le procureur et a lui aussi été placé en garde à vue.

Un des adultes arrêtés à Toulouse a été relâché après avoir prouvé qu'il n'était pas à Crépol le week-end dernier. Les neuf autres ont été mis en examen et le parquet a requis leur maintien en détention. Deux des mis en examen ont été remis en liberté sous contrôle judiciaire, selon leurs avocats, Me Guillaume Fort et Bilel Hakkar.

"Il semblerait que ce soit une bagarre qui a dégénéré. Les choses ont dépassé l'entendement de manière fortuite et imprévue, non organisée et non coordonnée", a assuré Me Hakkar. 

Un nouvel hommage doit être rendu à Thomas dimanche

Plus de 6.000 personnes avaient défilé mercredi à Romans-sur-Isère en mémoire de Thomas, lors d'une grande marche blanche déclarée apolitique, alors que l'ultradroite mène depuis le drame une campagne virulente sur les réseaux sociaux.

Samedi soir, environ 80 militants d'ultradroite encagoulés ont défilé aux abords du quartier populaire de la Monnaie, à Romans-sur-Isère, avant d'affronter les forces de l'ordre qui ont interpellé 20 personnes, a indiqué la préfecture de la Drôme.

Samedi matin, une mosquée de Valence a reçu un courrier islamophobe évoquant le drame de Crépol tandis que des tags islamophobes, dont un réclamant "justice pour Thomas" ont été découverts sur les murs de la mosquée de Cherbourg-en-Cotentin (Manche). Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, qui avait réclamé "des condamnations très lourdes" pour les mis en cause, se rendra lundi à Crépol "pour exprimer le soutien et la solidarité de la nation aux victimes, aux habitants et aux élus de la commune".

Un nouvel hommage doit être rendu à Thomas dimanche sous forme d'une minute de silence lors des matches de rugby, un sport qu'il pratiquait. Vendredi, l'émotion était vive pendant ses funérailles, célébrées en présence d'environ 2.000 personnes. Le chef de meurtre en bande organisé est passible de la réclusion criminelle à perpétuité.