Comment les correcteurs reprennent les auteurs

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Victor Nicolas
Ils corrigent les manuscrits en veillant à la syntaxe ou aux incohérences. Découvrez les dessous du métier.

La faute d’orthographe est ma langue maternelle. Cet ouvrage n’a pas été rédigé par un élève en difficulté, mais bien par l’écrivain Daniel Picouly. Tout comme lui, les auteurs Daniel Pennac et Erik Orsenna affirment avoir obtenu des notes catastrophiques en dictée. Des lacunes qui sont parfois aujourd’hui toujours d’actualité. Or, un livre publié se rapproche au maximum des zéros fautes. Pour corriger les erreurs sur les manuscrits des auteurs, les maisons d’édition font donc appel à des correcteurs.

Ces derniers sont chargés de relire un texte. Avec l’objectif de le purger de toutes ses fautes : orthographe, syntaxe, etc. « Il existe plusieurs types de travail de correction, explique Patricia Nerre, correctrice et formatrice. La préparation de copie consiste à vérifier la cohérence d’un texte, tandis que la correction à proprement parler concerne les fautes d’orthographe et typographiques. » La plupart des correcteurs portent les deux casquettes en alternance.

« On lit parfois qu’un personnage a une chevelure blonde abondante, puis plus tard que l’on peut voir son crâne. Le préparateur relève ce genre d’incohérences », précise Christine Bolton, préparatrice et correctrice pour différentes maisons d’édition. Autre tâche, un préparateur de copie signale les grosses erreurs de syntaxe. Quand c’est un roman, il peut également se pencher sur le style. « En cas de répétitions, quand on n’est pas sûr que l’effet est voulu, on peut le signaler et faire des propositions à l’auteur », indique Christine Bolton.

Des conditions dégradées

Il y a donc parfois une conversation directement avec l’auteur, plus ou moins ouvert à une modification de son texte. Certains refuseraient d’emblée tout changement de syntaxe. L’éditeur se charge parfois de faire l’intermédiaire entre le préparateur et l’auteur. Quand il s’agit d’un essai ou d’un manuel, le préparateur veille surtout à vérifier les éléments factuels : les dates, l’orthographe de certains noms propres, etc. Le correcteur quant à lui intervient après le passage du préparateur. Deux correcteurs à tour de rôle se concentrent en général sur cette traque aux fautes d’orthographes.

En outre préparateurs et correcteurs ne relisent pas exactement de la même manière. Les préparateurs travaillent en général sur papier, et rendent à l’éditeur un manuscrit avec leurs annotations. Pour la correction par contre, cela se passe le plus souvent sur écran. Ils possèdent pourtant un point commun. Depuis une quinzaine d’années, leurs conditions de travail se seraient dégradées. Les maisons d’édition chercheraient de plus en plus à réduire au maximum les coûts de correction. Parfois avec certains dommages collatéraux.

Des lecteurs ont ainsi relevé pas moins de onze fautes dans le roman élu Goncourt 2011. Un collectif s’en est indigné, en publiant une nouvelle version du roman en ligne. Autre écueil, les ouvrages ne seraient que très rarement relus pour leur passage en livre de poche. Ce qui entraînerait la photocopie d’un bon nombre de coquilles. Enfin les éditeurs auraient tendance à sauter certaines étapes. « Il y a de moins en mois de préparation de copie, remarque Patricia Nerre. On passe directement à la correction. »

 « Le danger c’est d’apprécier un texte »

Les salaires quant à eux auraient stagné. Pour un travail de préparateur, le tarif serait de 13 euros net par heure, pour 8.000 signes. Pour la correction ce serait plutôt 11 euros net de l’heure, pour 12.000 signes. Un tarif moins important, pour corriger plus vite… Des conditions difficiles, d’autant que les maisons d’édition demanderaient de plus en plus aux correcteurs de facturer la prestation, avec pour cela un régime d’auto-entrepreneur. Un statut qui obligerait les correcteurs à payer eux-mêmes les charges patronales, soit 25% du salaire.

Christine Bolton perçoit en moyenne 1.500 euros nets par mois. Un salaire peu élevé au vu des connaissances nécessaires et de ses quinze années d’expérience. « C’est avant tout une passion. Je découvre plein de textes différents, qui me portent, et je décèle parfois une lueur… » Pourtant elle veille à se concentrer sur son travail et non sur l’intrigue : « Le danger pour un correcteur c’est d’apprécier un texte. Il faut une lecture lente, syllabique, analytique. » Malgré ces conditions difficiles, les jeunes motivés par ce métier de correcteur restent très attachés à l’édition. Pourtant la presse ou la communication offriraient de meilleures rémunérations. Mais chez Formacom, qui forme une trentaine d’étudiants par an, tous ceux qui intègrent l’école voudraient travailler dans l’édition. Au final, 70% des diplômés rejoindraient ce domaine. Par passion pour la langue ?