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Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce mardi, il s'intéresse à une radio afghane féminine qui continue à émettre malgré la répression.

Tous les jours, Bruno Donnet arpente la galaxie médiatique. Ce matin, il a choisi de pointer son télescope sur l’une des rares étoiles qui brille encore en Afghanistan, il s’agit d’une station de radio.

Elle s’appelle Radio Begum, Begum ça veut dire « princesse » en afghan. Radio Begum est une station de radio qui a une petite particularité : elle est la seule radio du pays à être fabriquée par des femmes pour des femmes.

Celle qui l’a créée s’appellent Hamida Aman. Elle est afghane, elle est journaliste, mais elle a quitté son pays très tôt, pour aller vivre et étudier en Suisse, avant de revenir, finalement, exercer à Kaboul !

Elle parle un français impeccable et elle est devenue un objet de curiosité pour les médias de notre pays qui l’invitent en ce moment, très volontiers, à venir raconter l’histoire de sa radio.

C’est ainsi que Bruno Donnet a découvert cette femme, il y a peu, sur l’antenne d’Arte, où elle décrivait à quel moment précis elle avait décidé de créer cette OVNI médiatique, en Afghanistan : « L’idée de Radio Begum m’est venue en 2020, lorsque je voyais les pourparlers de paix, entre les talibans et le gouvernement américain. »

Et où, elle expliquait, aussi, pourquoi une radio pour les femmes, lui avait, à l’époque, semblé indispensable : « On évoquait tout sauf la situation des femmes et des droits humains. »

En 2020, Hamida Aman estimait que l’Afghanistan ne se souciait pas suffisamment des femmes.

La radio qu’elle a créée a donc commencé à émettre le 8 mars 2021, en pleine journée internationale des droits des femmes. 

Seulement voilà, à peine 5 mois plus tard, en août 2021, les talibans ont repris le pouvoir en Afghanistan.

Alors ? Et bien alors ils ont bouclé le pays et rabougri considérablement les droits des femmes : elles ont été… écartées de la vie publique, interdites de se montrer, empêchées de travailler dans la plupart des secteurs et même, pour les jeunes filles, privées… d’école !

Toutefois, comme elle l’a raconté encore hier soir, sur France 5, la détermination d’Hamida Aman n’a pas faibli et elle a décidé d’ouvrir totalement sa radio aux voix des femmes : « Tous nos programmes sont des libres antennes où les femmes appellent et posent leurs questions. »

Sur l’antenne de Radio Begum, des femmes, des auditrices, appellent donc d’autres femmes, qui sont médecins, psychologues ou gynécologues, pour leur demander des conseils.

Ici, c’est une femme qui explique qu’elle a un bébé de cinq mois mais que son lait ne lui suffit pas et qu’il souffre de malnutrition.

Et là, c’est une jeune fille qui craque. Elle est en larmes et elle raconte que depuis qu’elle n’a plus le droit de se rendre à l’école, depuis qu’elle est bouclée chez elle, elle ressent, très régulièrement, des envies suicidaires.

Mais l’incroyable originalité de Radio Begum, c’est qu’elle diffuse six heures par jour, un programme totalement inattendu : des cours ! Des leçons comme à l’école, destinées aux jeunes filles qui en sont désormais privés. Car oui, Radio Begum fait la classe à la radio :

Et c’est ainsi que dans un pays de 37 millions d’habitants, 600.000 auditrices, c’est considérable, écoutent, tous les jours, cette radio qui est la seule à proposer, encore, un enseignement aux filles, en Afghanistan !

Radio Begum dispense des cours de mathématiques, de géographie, de théologie et même, dans cet émirat islamique fâché à mort avec les États-Unis, des cours d’anglais !

Dans ce pays où tout est interdit, Radio Begum qui avait jusqu’ici six émetteurs, répartis sur l’ensemble du territoire, vient de s’en voir accorder 4 de plus, la semaine dernière.

C’est incroyable ! Begum respecte simplement, et scrupuleusement, l’interdiction qui lui est faite de parler politique mais elle donne la parole, tous les jours, à des femmes opprimées et en colère.

La radio fait encore des miracles, en Afghanistan. Jusqu’à quand ?