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Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce vendredi, il s'intéresse à la communication politique de l'exécutif qui a été mise à rude épreuve cette semaine.

Tous les jours Bruno, vous décortiquez ici la mécanique médiatique et ce matin, vous avez choisi de revenir sur la très difficile semaine du gouvernement, en termes de communication.

Semaine horribilis pour la communication politique de l’exécutif qui, sur toutes les antennes, aura craquée de la coque au pont.

Reprenons le calendrier. Lundi, tous les ministres étaient de sortie dans les matinales pour répéter le même message : « Nous ne voulons pas de 49.3 »

Olivier Véran l’a dit sur France 2. L’autre Olivier, Dussopt, l’a assuré, sur C. News : « Nous ne voulons pas du 49.3 »

Tandis que Gabriel Attal était sur France Inter pour dire quoi ? « On ne veut pas utiliser le 49.3 »

Voilà, lundi, c’était promis, il n’y aurait donc pas de 49.3. Pourquoi ? Et bien parce qu’Olivier Dussopt en était absolument certain : « Nous sommes convaincus qu’il y a une majorité sur ce texte. »

Du coup, mardi, l’axe de communication était donc celui de la majorité "existante" et Elisabeth Borne l’a d’ailleurs martelé, à l’assemblée nationale : « Dans cette assemblée, une majorité existe, qui croit au travail, y compris au travail des séniors. »

Et si je vous dis "martelé", c’est parce que la première ministre a choisi d’avoir recours à une interminable anaphore, dans laquelle elle a répété pas moins de 12 fois, le même message : « Une majorité existe. Une majorité existe. Une majorité existe. »

Bref, en début de semaine, le gouvernement en était convaincu, une majorité existait bel et bien, voilà pourquoi il soutenait mordicus qu’il n’y aurait pas de 49.3. Et puis, finalement, hier après-midi, à 15heures et 15 minutes, Elisabeth Borne est venue dire ceci à la tribune de l’assemblée nationale : « Sur le fondement de l’article 49, alinéa 3 de la constitution, j’engage la responsabilité de mon gouvernement. »

Et oui, car la journée d’hier aura été, en termes de communication politique, une journée épouvantable pour le gouvernement.

D’abord, les images, auront été totalement délétères.

Car à l’impossibilité de voter, à l’assemblée, s’est ajoutée le non-respect de la grève.

France 2 a montré une séquence édifiante, dans laquelle la police est venue déloger des éboueurs qui bloquaient leur dépôt : « Ce matin, ils ont été évacués de force (…) ils nous ont gazés et ça, c’était pas la peine, on n’est pas violents. »

La grève cassée, à Ivry-sur-Seine, qui a précédé une autre image, très violente elle aussi, aperçue cette fois-ci sur TF1 : celle de la manifestation réprimée, place de la Concorde.

La Concorde qui n’aura jamais aussi mal porté son nom : « Vous allez le voir sur ces images, il y a quelques minutes, les forces de l’ordre ont procédé à l’arrestation avec des cannons à eau de la place de la Concorde, où s’étaient rassemblés environ 6 000 manifestants. »

Voilà, pas le droit de manifester. Interdiction de faire grève. Et impossibilité de voter. Que reste-t-il alors comme moyen d’exprimer son opposition ? Mystère et boules de poubelles en feu !

Alors tout ça, c’était donc les images. Mais la bande son, ne fût guère plus appétissante. Huée à l’assemblée nationale, la voie couverte par une marseillaise tonitruante entonnée dans l’hémicycle, Elisabeth Borne est ensuite allée s’expliquer, hier soir, au 20 heures de TF1 : « Vous savez, j’ai été très choquée ! »

Mais là, surprise, la première ministre a lâché une petite phrase, au sujet de la bronca qui a accompagné son intervention, que j’ai trouvé extrêmement symptomatique : « Je pense que ça ne s’entendait pas forcément dans les micros. » 

Elle a imaginé qu’on n’avait pu ne pas entendre l’énorme brouhaha, qui est monté des bancs de l’opposition.

Voilà pourquoi, dans une séquence hautement allégorique, hier, la première ministre a cru pouvoir, en parlant fort, couvrir les manifestations et les huées de l’opposition : « On ne peut pas faire de pari sur l’avenir de nos retraites, cette réforme est nécessaire ! »

Et oui, paradoxe absolu, la première ministre d’un gouvernement qui est resté totalement sourd à l’hostilité que sa réforme des retraites suscite dans notre pays, croit que les téléspectateurs peuvent ne pas entendre les hurlements et les chants de l’opposition. C’est pas banal. Et qu’il suffit alors de parler fort et de répéter, toujours les mêmes éléments, pour être, enfin, comprise : « L’enjeu c’est d’assurer l’avenir de notre système de retraites. »

Gilles Bouleau a eu beau lui souffler que ce n’était, peut-être, pas exactement la meilleure façon de s’adresser aux français : « Vous leur avez déjà dit, ils ne vous ont pas écoutée, ou entendue, ou comprise. »

Hier, Elisabeth Borne a choisi de communiquer façon Alain Juppé. Droite dans ses bottes. Elle a donc expliqué qu’elle continuerait, coûte que coûte, de faire son travail : « Et moi, ce qui m’anime tous les jours c’est d’apporter des réponses, des solutions pour les français (…) C’est la seule chose qui me préoccupe. »

Et elle a employé la même formule à deux reprises : « On doit construire en continuant à chercher des compromis (…) c’est la seule chose qui me préoccupe. »

Je ne me souviens pas que la méthode avait particulièrement réussi à Alain Juppé, forcé de battre en retraite, mais l’avenir nous dira prochainement, cher Philippe, qui de la botte, ou de la rue, tiendra, finalement, le haut du pavé.