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SAISON 2019 - 2020, modifié à

En 1960, un jeune démocrate remporte la présidentielle face au candidat républicain et ancien vice-président Richard Nixon. Dans le quatrième épisode du podcast Mister President par Europe 1 Studio sur l'histoire des présidentielles américaines, Olivier Duhamel revient sur l'élection de John Fitzgerald Kennedy.

C'est sûrement l'un des présidents les plus populaires du 20ème siècle. Pourtant, en 1960, John Fitzgerald Kennedy crée la surprise en étant désigné candidat du camp démocrate. Et c'est grâce à un débat télévisé, une nouveauté, qu'il prendra définitivement l'avantage sur son adversaire républicain Richard Nixon. Dans le quatrième épisode du podcast Mister President par Europe 1 Studio, Olivier Duhamel vous raconte comment JFK se hissa au sommet du pouvoir avant d'être tragiquement assassiné. 

Ce podcast est réalisé en partenariat avec l'Institut Montaigne

 

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L’élection de 1969 est la première élection de l’ère des écrans, une télé-élection en quelque sorte. Eisenhower préside le pays depuis huit ans. Très populaire, il ne peut cependant se représenter. Le 22ème amendement à la Constitution américaine de 1789 est entré en vigueur quelques années plus tôt. Il interdit désormais qu’un Président puisse faire plus de deux mandats. Ce n’était qu’une coutume, instaurée par le premier président George Washington à la fin du 18ème siècle. Franklin Roosevelt ne l’a pas respectée en se faisant réélire une troisième fois en 1940 et une quatrième en 1944. D’où la décision de modifier la Constitution. Pour les républicains, Richard Nixon, le vice-président d’Ike, paraît le candidat légitime. Issu d’un milieu très modeste, son père était un protestant méthodiste qui éleva ses enfants selon les règles de cette religion : ni boire, ni danser, ni jurer. Nixon aimait à citer Eisenhower : "Nous étions pauvres mais la splendeur de cette situation est que nous ne le savions pas". 

Tout le contraire de Nelson Rockefeller, petit-fils d’un magnat du pétrole et d’un sénateur. Le milliardaire fraîchement élu gouverneur de l’État de New York veut un temps lui disputer l’investiture. Il fait le tour du pays et constate que Nixon bénéficie d’un très grand nombre de soutiens chez les républicains. Il renonce. La Convention républicaine, réunie fin juillet 1960 n’est plus qu’une formalité pour Nixon. Rockefeller ne voulant pas de la vice-présidence, c’est un ancien sénateur devenu l’ambassadeur des États-Unis à l’ONU, Henry Cabot Lodge qui est désigné.

La surprise JFK

Rien d’aussi simple chez les démocrates. Sept candidats se disputent l’investiture, parmi lesquels le leader de la majorité au Sénat, le Texan Lyndon Johnson, le sénateur du Minnesota Hubert Humphrey ou l’éternel candidat Adlai Stevenson. Johnson et Stevenson décident de ne pas se présenter aux primaires. Reste Humphrey, fils de pharmacien, passionné par la politique, devenu maire de Minneapolis en 1942, et sénateur du Minnesota en 1948. Et le jeune quadragénaire John Fitzgerald Kennedy, sénateur du Massachusetts. John, surnommé Jack, 2ème d’une famille de 9 enfants, fils de Joseph qui fit fortune dans les années 30, notamment en boursicotant, voire dans la vente illégale d’alcool durant la Prohibition, et avait décidé de faire d’un de ses enfants le président des États-Unis, et fils de Rose, elle-même fille du maire de Boston. JFK aux études brillantes, à la LSE à Londres, puis la prestigieuse université de Harvard. JFK qui, sur ordre de son père, mit fin à sa liaison avec une journaliste danoise mariée, ancienne Miss Danemark. Jack qui épousa Jackie, la belle et élégante Jacqueline Bouvier en 1953. 

Surprise, JFK bat Humphrey dans la primaire du Wisconsin. Sa femme, ses frères ont fait campagne à travers l’État. Humphrey commente après sa défaite : "J’ai eu l’impression d’être un petit commerçant face à une chaîne de magasins". Il espère prendre sa revanche dans la primaire de Virginie occidentale, où les protestants dominent. Un débat télévisé est organisé entre les deux prétendants. Kennedy l’emporte. Et il gagne la primaire avec 60% des suffrages. Humphrey renonce.

L’affaire n’est pas réglée pour autant. Tout va se jouer à la Convention démocrate à la mi-juillet dans la ville de Los Angeles. Johnson et Stevenson ont annoncé la semaine précédente qu’ils étaient à nouveau candidats. Nombre de délégués sont sans affiliation. Kennedy est attaqué sur sa santé : ses adversaires disent qu’il souffre de la maladie d’Addison, une insuffisance surrénalienne qui l’oblige à prendre en permanence de l’hydrocortisone. Son conseiller de presse, Pierre Salinger, dément et publie un certificat médical. Johnson est le rival le plus dangereux pour Kennedy. Le sénateur du Texas propose un débat télévisé devant les délégués. JFK accepte. Et l’emporte. Robert Kennedy, le jeune frère, travaille les délégués au corps. JFK l’emporte dès le premier tour avec 53% des votes (806 délégués) contre 27% à Johnson, le reste réparti entre les six autres.

Le choix du vice-président n’a rien eu d’évident, et l’histoire n’en a pas encore levé tous les mystères. Ce qui est certain : Kennedy a proposé à Johnson de venir sur le ticket. Pourquoi ? En espérant qu’il refuse, selon les uns. Pour avoir un soutien qui compte dans les États du sud, selon les autres. Troisième thèse : Kennedy aurait été contraint par un chantage, monté par Edgar Hoover, le puissant patron du FBI. Il aurait été menacé de révélations sur ses aventures extra-conjugales, selon la secrétaire de Kennedy qui déclara, trente-trois ans après, avoir entendu une conversation en ce sens entre les deux frères, John et Bob. Quoi qu’il en soit, Kennedy proposa Johnson comme candidat à la vice-présidence, ce qui fut accepté à l’unanimité par la Convention.

Expérience vs nouveauté

Chaque camp doté de son candidat, la vraie campagne commence. Nixon insiste sur son expérience, ce qui fait défaut à son concurrent. Kennedy insiste sur le besoin de nouveauté. Chacun des deux mobilise des foules importantes et enthousiastes, meeting après meeting. Nixon décide de faire campagne dans chacun des 50 États, Kennedy de se concentrer sur les plus peuplés.

Nixon, le candidat républicain, ne manque pas d’atouts. Huit ans qu’il est vice-président, voilà qui atteste son expérience. Au début de la campagne, il se trouve en tête, de peu mais en tête, dans les sondages. Handicap : la gaffe d’Eisenhower interrogé en août sur les contributions de Nixon sous ses deux mandats, il répond : "If you give me a week, I might think of one. I don’t remember". "Si vous me donnez une semaine, j’en trouverai peut-être une. Je ne m’en souviens pas". Signe de la grande fatigue d’Ike... Mais les démocrates foncent sur l’occasion et diffusent une publicité : "President Eisenhower could not remember, but the voters will remember." "Le Président Eisenhower ne se souvient pas, mais les électeurs se souviendront." Kennedy possède aussi des atouts, l’aspiration au changement, son look charismatique. Et ce qui est encore tenu pour un handicap : jamais un catholique n’a été élu dans un pays qui compte alors un quart de catholiques et deux tiers de protestants.

Le premier débat télévisé

Aucun des deux candidats ne domine jusqu’au moment décisif. 1960, nous sommes en pleine Guerre froide. Fidel Castro vient d’arriver au pouvoir à Cuba, aux portes des États-Unis. Sur le plan intérieur, la déségrégation raciale divise le pays. Le peuple américain attend un vrai leader. Arrive donc le momentum, le moment décisif. Le 26 septembre au soir, à Chicago, le débat télévisé national, le premier entre deux candidats dans une présidentielle, a lieu sur CBS devant 30 millions de téléspectateurs. Il est en effet diffusé simultanément pas les trois grandes chaînes CBS, ABC et NBC qui touchent 90% des Américains ! Une heure durant, entre 19h30 et 20h30 , eastern time, heure des 22 États de l’est. Sur le fond, les deux prétendants se révèlent assez proches affirmant qu’il faut renforcer la sécurité nationale face au communisme, et offrir un avenir radieux pour les États-Unis...

Mais la poisse recouvre Nixon. Cela a commencé deux semaines plus tôt lorsqu’en campagne en Caroline du Nord, un de ses genoux s’est infecté après avoir heurté une porte de voiture. Rebelote : il se cogne ledit genou en arrivant pour le débat. Nixon apparaît amaigri et avec un teint cireux. Kennedy, lui, se montre tout frais – il s’est installé dans un hôtel proche deux jours avant pour se préparer et se reposer. Frais et bronzé. Les deux ont refusé les maquillages proposés, mais Kennedy s’en est fait mettre un brin avant par son équipe. Celle de Nixon lui a mis une poudre pour masquer sa barbe repoussant trop vite. Problème, une partie fond sous les spots et laisse perler sa transpiration. Pour ne rien arranger, il porte un costume gris qui accentue son teint cireux, Kennedy a choisi un costume sombre qui met son sourire en valeur. Le Chicago Daily News  titre le lendemain : "Nixon a-t-il été victime d’un sabotage des maquilleurs ?" Ajoutons que Kennedy, à chacune de ses interventions, regarde la caméra – Nixon fixe parfois le journaliste qui a posé la question et plus encore la pendule sur le mur, ce qui lui donne un regard fuyant. Révélateur, on apprendra que ceux qui ont entendu le débat à la radio ont trouvé Nixon le meilleur. Tout le contraire pour ceux qui l’ont suivi à la télévision, soit l’immense majorité. Jackie Kennedy, enceinte de six mois, suit le débat avec quelques amis depuis la résidence familiale d’été à Hyannis Port. Interrogée par des reporters à la fin du débat, elle déclare : "Je pense que mon mari a été brillant". On apprend qu’en revanche la mère de Nixon appelle au même moment son fils pour lui demander s’il est malade. 

Les trois débats suivants ne permettent pas à Nixon de remonter la barre. Il gagne pourtant dans l’Ohio, il arrive en tête dans 26 États contre 23 pour Kennedy – deux succès qui ont toujours permis à ceux les ayant obtenus d’arriver à la Maison-blanche.  Mais pour la première fois, pas cette fois. Kennedy l’emporte électoralement. De justesse dans le vote populaire : 49,7% contre 49,5%. Nettement chez les grands électeurs : 303 contre 219.

La moitié des électeurs, sondés après l’élection, diront avoir été influencés par les débats et 6% que c’est par les débats qu’ils ont décidé de leur vote. 6% : trente fois plus que les 0,2% d’écart entre les deux candidats.

Leçon n° 5 : Un débat télévisé peut faire l’élection. Celui entre Kennedy et Nixon est passé dans l’Histoire. Comme celui de 1974 où Giscard lança à Mitterrand : "Vous n’avez pas le monopole du cœur". Mais Kennedy ne gouvernera pas longtemps. Un drame va tout bouleverser. À suivre dans le prochain épisode.

Mister President par Europe 1 Studio" est un podcast imaginé par Olivier Duhamel

Préparation : Capucine Patouillet
Réalisation : Christophe Daviaud (avec Matthieu Blaise)

Cheffe de projet édito : Fannie Rascle
Diffusion et édition : Clémence Olivier
Graphisme : Mikaël Reichardt
Archives : Patrimoine sonore d'Europe 1 avec Gérard Alcan (13 juillet 1960) et Maurice Lemay (9 novembre 1960)

Voix off en anglais : Julie Delazin, Robert Thomson