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Tous les samedis et dimanches, Vanessa Zhâ et Marion Sauveur nous font découvrir quelques pépites du patrimoine français. Aujourd'hui, elles vous proposent d'aller respirer le bon air de la montagne à Méribel, en mettant votre organisme à contribution. Mais une récompense vous attend ensuite dans l'assiette. 

Les vacances scolaires d’hiver se terminent, c’est le bon moment pour profiter des activités seul et dans des grands espaces. Et pour ça, Méribel s’y prête bien.

Parce que c’est une vallée très ouverte, qui s’est développée uniquement sur un pan de la montagne. Résultat : on a toujours vue sur la montagnes vierge et c’est surtout le cœur des 3 Vallées. Le cœur, le symbole de la station, mais surtout une tradition. En fait, les femmes portaient un cœur en or dès le jour de leur mariage. Plus qu’un bijou, c'était une ressource financière. En cas de besoin, elles pouvaient le vendre.

Alors moi, je vous propose qu’on se reconnecte à notre cœur, à notre souffle ! On va faire du bien à notre corps. Et ça tombe bien, Méribel a développé cet hiver toutes les activités adéquates. On va y aller crescendo. On commence par une activité qui s’appelle "Marche ton souffle".

On part courir sur la neige ? C’est ce que vous appelez crescendo ?

On part faire du yoga. Une marche de deux petites heures avec des pauses pour se reconnecter aux cinq éléments. Notre prof, Magali, a choisi comme lieu le Lac de Tueda. "On se place sur le ponton en face du lac. Là, on est devant ce plateau de Tueda, avec une vue magnifique sur le mont Vallon, notre plus grand sommet. Et puis, de part et d'autre, la forêt, qui vient nous amener ce cocon, comme l'espace du cœur."  

C’est extraordinaire ! Ça vous permet de tout lâcher dès votre arrivée, et vous reconcentrer. Et ça, ça va être utile pour la prochaine activité. On va réveiller votre petit coté Martin Fourcade, Pierre ! Florette Camoin de l’ESF de Méribel vous briefe. "C'est le combiné entre le ski de fond et le tir. On tire à 50 mètres, soit couché, soit debout. Il faut essayer de calmer son souffle et essayer de viser juste." Et ce n'est pas évident :couché c’est faisable mais debout, impossible. Pourtant, je n’ai fait que le tir, pas les 2 km de ski de fond avant ! 

Et le cran au-dessus, c’est quoi ?

Le ski de randonnée : on monte en fixant des peaux de phoques, il suffit de prendre le rythme du pas glissé. Et après, ce n'est que du plaisir. La descente, vous l’avez tellement méritée que vous la savourez. Et si vous n’en avez jamais fait, l’ESF organise des sorties.

Et puis, plus sportif, avec une activité qui nous vient des Etats-Unis. Alexandre Bastien, de Fast Riding People, nous dit à quoi cela ressemble. "Je dirais qu'il y a deux gros ballons qui font office de roues, plus un cadre de vélo. C'est tout simplement un Fat bike." Il faut trouver son équilibre au début, mais comme on a des gros pneus, il y a plus d’adhérence et après on a l’impression de faire du vélo sur l’eau. Sinon on peut aussi se reconnecter plus doucement avec des chiens traineaux par exemple. Ça marche toujours, surtout en ce moment où vous avez accès aux grandes pistes de l’Altiport. Cela donne un petit côté Laponie. Nordic Aventure vous propose même des sorties pour apprendre à conduire l’attelage, si ça vous tente.

Et puis sinon, le gros carton de cette année, c'est le poney-luge : une luge en bois tractée par un poney, mais c’est vous qui tenez les reines. Attention aux virages au trot : on chute. Ça se fait au cœur équestre.

On regarde du côté de notre assiette avec vous Marion Sauveur, quelle spécialité méribelloise nous avez-vous dégoté ?  

Des pâtes ! Des petites pâtes carrées : les crozets. Elles sont nées dans cette vallée de la Tarentaise au 17e siècle. En tout cas, on ne trouve pas de traces écrites de ces pâtes avant. C’est un héritage de nos amis Italiens.

Pourquoi cette forme carrée ?  

Par simplicité et pour qu’elles cuisent plus vite. On raconte que c’était pour les montagnards : des petites pâtes prenaient moins de place dans leur sac à dos. Le mot “crozet” viendrait du mot “croé” qui en savoyard désignerait tout ce qui est petit.  

Les crozets sont fabriqués avec les ingrédients de la maison : eau, sel, oeufs et de la farine de blé tendre ou de sarrasin, selon les récoltes et les saisons. Le sarrasin était très présent en Savoie, jusque dans les années 1950. Et la recette authentique, je l’ai demandée à Mado Gacon, l’une des mémoires vivantes de Méribel.

“Avec la farine de sarrasin, ils faisaient une pâte, comme une pâte à pain. Ils la roulaient comme une tarte, bien plat. Et ils découpent les petits carrés, faisaient sécher ça dans les chambres sur des draps, aux courants d’air. C’était les femmes qui faisaient les pâtes. Donc elles faisaient cuire leurs crozets comme des pâtes. Et après, elles assaisonnent avec des épices rouges, du beurre noir et du beurre fondu et très chauffé, du fromage râpé (du beaufort quand on en a ou de la tomme). C’était quand même un produit de luxe parce que c’était pour les jours de fêtes." 

C’est quoi ces épices rouges ?  

Un mélange de piments, girofle, sarriette, romarin qu’on utilisait pour parfumer les salaisons et pour donner du goût aux plats. Il n’y avait pas de poivre. Aujourd’hui, on ne fabrique plus les crozets à la main, c’était long et fastidieux. C’est grâce à un homme de la vallée : François Fraissard. C’est lui qui s’est mis à commercialiser le premier ces petites pâtes dans les années 1950, en les confectionnant d’abord à la main, puis avec une machine artisanale. Il a transmis son processus de fabrication à la famille Chiron que l’on connaît aujourd’hui sous le nom d’Alpina Savoie.  

Crozets 

Ingrédients :

  • 300 g de farine de blé 
  • 200 g de farine de sarrasin 
  • 1 oeuf
  • 15 cl d’eau 

Réalisation :

1. Commencer par mélanger les deux farines.

2. Dans un saladier, battre l’oeuf avec l’eau. Ajouter la farine petit à petit. Au départ, mélanger avec une spatule en bois et ensuite avec les mains. Il faut bien pétrir cette pâte une vingtaine de minutes. Elle doit être dense.

3. Une fois prête, étaler des morceaux de pâte à l’aide d’un rouleau. Il faut qu’elle soit assez fine (2 mm d’épaisseur environ). Tailler cette pâte les en bandes fines dans un sens et dans l’autre pour réaliser des petits dés. Fariner si besoin les dés de pâte pour qu’ils n’accrochent pas ensemble. 

4. Ôter l’excédent de farine et plonger les crozets dans l’eau bouillante salée. Laissez cuire 10 minutes environ.

On mange plutôt ces crozets en gratin aujourd’hui.  

Oui, la recette a évolué. D’un simple plat de “pâtes” avec des épices et du fromage qu’on mangeait avec des saucisses, on en a fait une gourmandise qui gratine au four. Et même une tartiflette, sans pommes de terre mais avec des crozets, c’est la croziflette. Ce sont des crozets cuits dans un plats à gratins avec des oignons revenus, des lardons, de la crème fraîche et du reblochon.  

La Croziflette  

Ingrédients :

  • 300 g de Crozets 
  • 250 g de lardons (ou 5 tranches de jambon cru)
  • 1 oignon 
  • 1 reblochon
  • 50 cl de crème fraîche

Réalisation :  

1. Faire revenir l’oignon émincé dans du beurre. Faire cuire les crozets. Quand l’oignon est bien doré, réserver. Faire revenir les lardons. 

2. Couper le reblochon en deux, dans le sens de la longueur. Découper une moitié en dés. Mélanger l’oignon, les lardons, les dés de reblochon, les crozets cuits et la crème fraîche dans un saladier.

3. Répartir dans un plat à gratin. Poser par-dessus le reblochon coupé en deux, la croûte sur les crozets. Faire gratiner 10 minutes à 180 degrés. 

Et à Méribel, les restaurateurs ont créé leur propre recette à base de crozets. C’est un risotto de crozets avec des poireaux et des cèpes. Il suffit de cuire les crozets crus, comme si vous réalisiez un risotto, avec du riz, en les arrosant de vin blanc de Savoie (cépage Jacquère = Apremont) et de bouillon. Et en fin de cuisson, de rajouter les blancs de poireaux cuits à la vapeur, et les les cèpes revenus à la poêle et émincés. C’est onctueux et gourmand ! Une autre manière de déguster ces petites pâtes carrées. 

Les Crozets méribellois  

Ingrédients :

  • 300 g de Crozets au sarrasin 
  • 100 g de cèpes
  • 100 g de blancs de poireaux
  • Copeaux de Beaufort
  • 10 cl de vin blanc de Savoie (Apremont)
  • 2 c. à soupe de crème épaisse
  • 2 L de bouillon de légumes
  • Huile d’olive
  • Ail haché
  • Sel et poivre

Réalisation :  

1. Faire cuire les blancs de poireaux à la vapeur. Réserver. 

2. Émincer les cèpes et les faire revenir dans une poêle avec un peu d’huile et l’ail préalablement haché. Réserver.

3. Dans une sauteuse, faire chauffer de l’huile d’olive. Quand elle est chaude, ajouter les Crozets crus. Il faut bien les enrober de l’huile d’olive, avant de les arroser de vin blanc. Lorsque le vin est absorbé, ajouter le bouillon de légumes louche par louche. Il faut bien que le bouillon soit absorbé, avant de mettre une nouvelle louche. 

4. En fin de cuisson, ajouter les poireaux et les cèpes. Mélanger, avant d’assaisonner et d’ajouter la crème hors du feu. Parsemer de copeaux de Beaufort et servir.

Qu’est-ce qu’on boit avec ? 

Un vin blanc de votre recette ou un vin rouge (une Mondeuse par exemple).