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Tous les samedis et dimanches, Vanessa Zhâ et Marion Sauveur nous font découvrir quelques pépites du patrimoine français. Aujourd'hui, direction le sud de la Corse, pour une visite historique de Bonifacio, avant de déguster du brocciu.

Direction le soleil, le maquis, les paysages de caractère. Direction la Corse ce matin. 

La Corse dont il faut profiter maintenant et jusqu’à juin, avant la déferlante de l’été. C’est vraiment là que vous allez "rencontrer les Corses". Je vous emmène cette fois-ci dans le sud, dans la région de Bonifacio. Bonifacio qui est sacrée Ville d’art et d’histoire, très représentative des 1.000 ans d’histoire de la ville. Ecoutez Pierre Gazano, un guide conférencier intarissable. "Rien que dans la vieille ville qui représente deux hectares et demi (ce qui est très petit pour une ville), vous avez onze édifices religieux. Cela témoigne d'un passé à la fois riche, puissant, et qui dépasse les petites limites géographiques de cette falaise, de ce promontoire qui fait huit hectares au total."

Et puis, il y a un endroit selon Pierre à ne pas rater pour "Vivre Bonifacio" : l’ancienne place du marché, qui était ouverte à tous dans l’ancien temps. C’est le terrain de pétanque, un lieu stratégique, ouvert sur ce bras de mer entre la Corse et la Sardaigne, qu’il fallait surveiller. Et là, à l’heure de l’apéro, il y a des parties de pétanque qui déchainent les passions. 

Et puis, il y a surtout cette vue sur la mer Méditerranée, à perte de vue. 

Donc évidemment les plages et les criques aux alentours, mais c'est aussi l’occasion de faire du pescatourisme. Vous savez ce que c’est ? Ecoutez Philippe Botti, qui est pêcheur depuis 30 ans. "C'est la découverte du métier de pécheur. Vous venez avec nous le matin. Vous profitez du beau temps, de la belle vue, et en même temps, vous voyez comment se passe une journée de pêcheur. On fait les filets, les nasses en jonc traditionnel et on pêche aux palangres aussi. On remonte des langoustes, du danti, du chapon, des rougets... un peu de tout."

Je ne sais pas vous, mais moi ça me donne envie d’aller apprendre le métier de pêcheur (qui n'est pourtant pas mon dada à la base) avec une figure emblématique de Bonifacio. 

Vous nous avez déniché des bonnes adresses d’hébergement j’imagine ?

  • Un hôtel avec une situation exceptionnelle dans la cité Médiévale. Vous êtes au bout de la presqu’ile avec une vue imprenable sur les falaises, la Sardaigne et le détroit des bouches de Bonifacio. Et en plus la propriétaire des lieux, Marie est aux petits soins. C’est l’Hotel Santateresa.
  • Une chambre d’hotes, en pierre : la Villa A Manichetta dans un jardin d’oliviers centenaires. Evelyne prépare de spetits déjeunes avec des produits maison. 
  • Et là, le top. Un quatre étoiles : l’hôtel lodge de charme A Cheda. Une parenthèse avec un potager bio, une piscine et un restaurant qui vous sert le poisson pêché le jour même, peut être dans les filets de Philippe.

Marion, quelle est la spécialité corse vous allez nous faire goûter ? 

C’est aujourd’hui la journée nationale du fromage. J’avais envie de vous parler du seul fromage Corse bénéficiant d’une Appellation d'Origine Protégée : le brocciu. Et ça tombe bien, on est en plein dans la saison, puisque le brocciu ne se déguste pas toute l’année mais lorsque les animaux donnent du lait ! En gros d’octobre à juin. 

Ce n’est pas vraiment un fromage, il est un peu indéfinissable. C’est un produit crémeux que les fermiers corses réalisent depuis la nuit des temps. La recette viendrait d’un ogre. C’est en tout cas la légende qui entoure cette douceur corse. Johanna Barazzoli, productrice de brocciu, nous la raconte. 

“D'après la légende, le domaine de la casa di l'urcu était habité par un ogre, très méchant. Les habitants décidèrent de supprimer ce terrible géant qui leur volait les brebis et les chèvres. Cet ogre-là il avait un secret : celui de la fabrication du brocciu. Par la ruse, les bergers l'ont capturé. Ils ont négocié la recette du brocciu. L'ogre leur délivra la recette du fameux brocciu et ils tuèrent l'ogre. Après c'est une légende.” 

Cette recette s’est transmise de génération en génération à l’oral. Ce n’est qu’au 19e siècle que le brocciu apparaît pour la première fois par écrit, mais ça faisait bien longtemps déjà que les fermiers corses le fabriquaient. 

C’est un fromage de chèvre ? 

De chèvre ou de brebis, ou un mixte des deux. En fait, le brocciu est fabriqué à partir du lactosérum, le petit lait des fromages de brebis ou de chèvres. Pour fabriquer du brocciu, il faut d’abord réaliser un fromage de chèvre ou de brebis. Récupérer le lactosérum, que l’on va faire chauffer à 40 degrés avec un peu de sel avant de rajouter du lait entier de brebis ou de chèvre et de le faire monter en température à 80 degrés. Le producteur de brocciu peut réaliser un brocciu pur chèvre, pur brebis ou un mélange des deux. Il va récolter à l’écumoire la pâte qui remonte à la surface et qui, une fois égouttée, donnera du brocciu frais.

C’est un véritable tour de main du fromager. Certains à Piana utilisent toujours les méthodes traditionnelles : ils réalisent leur brocciu dans des marmites en cuivre, qui chauffent sur le feu de bois. Johanna Barazzoli a une ferme moins rustique du côté de Corte à Omessa

Mais si vous vous baladez sur le GR20, dans les montagnes corses, n’hésitez pas à vous arrêtez chez elle, à la fromagerie U tribiu. Elle vous fera découvrir comment on fabrique ce brocciu et vous verrez ses 40 brebis et 200 chèvres de races corses évoluer en liberté et c’est ce qui donne tout le caractère à ce fromage. 

On le mange comment ? 

  • Soit frais : il est bien crémeux. Ça dure 5 jours. On peut le manger à la cuillère, c’est tendre, ça fond dans la bouche. Traditionnellement, on le badigeonne d’un peu d’eau de vie avec un peu de sucre.  
  • Soit affiné : on l’appelle “passu”, quand on l’égoutte. Soit “sec”, mais il est très salé. 
  • Soit cuisiné : j’adore les cannellonis, traditionnellement les cannellonis sont réalisés avec des blettes et de la menthe.  

Mais le plus classique, c’est le flan corse : le fiadone. C’est le gâteau corse par excellence. Je vous en ai fait un ! Il est à la vanille, alors que traditionnellement on y ajoute des zestes d'un citron. C’est une histoire de patience, puisqu’il faut égoutter le brocciu frais, pendant une semaine au réfrigérateur. Une fois bien égoutté, écraser le brocciu avec une fourchette dans un saladier, le fouetter avant d’incorporer les oeufs un à un, puis le sucre et quelques zestes de citron. Reste à cuire à four chaud. Le flan doit être doré.  

Fiadone

Ingrédients 

  • 500 g de brocciu frais 
  • 5 oeufs
  • 100 g de sucre 
  • Le zeste d’un citron ou 1 gousse de vanille 
  • Du beurre pour le moule

Réalisation :

1. Commencer par égoutter le brocciu une semaine avant. Laisser au réfrigérateur. 

2. Le jour J, écraser le brocciu à la fourchette et fouetter. Incorporer les oeufs, un par un, en mélangeant bien à chaque fois. 

3. Ajouter le sucre et le parfum : le zeste de citron ou les grains d’une gousse de vanille.

4. Beurrer le moule. Enfourner à four chaud, à 180 degrés, 25 minutes. Le gâteau doit être légèrement doré.

5. Démouler une fois froid. Et servir frais.

On boit quoi avec ? 

  • Avec le fiadone : un Muscat du Cap Corse. 
  • Avec le brocciu nature, si vous préférez un vin rouge : un Porto Vecchio ; et avec un vin blanc, je vous conseille un Ajaccio, avec ses notes d’agrumes et de fleurs blanches.