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"Sortir de l'université sans diplôme, c'est la sélection par l'échec"

"Sortir de l'université sans diplôme, c'est la sélection par l'échec"

La Carte blanche de Catherine Nay
03 février 2018 Épisode · Politique
Description de l'épisode

Ce samedi, Catherine Nay revient sur les manifestations des étudiants et des lycéens contre les réformes de l'université et du baccalauréat.


Bonjour Catherine,

Bonjour Wendy, bonjour à tous.

Jeudi, les étudiants et les lycéens manifestaient contre les réformes de l'université et du bac pour le retrait du texte - car la loi n'est pas encore votée - aux cris de "Sélection = précarité". Mais la participation a déçu les organisateurs car elle était très faible.

Oui, quelques dizaines de milliers de manifestants sur tout le territoire. C'est un flop. Et pourtant, La France Insoumise n'avait pas ménagé ses efforts pour faire sortir la jeunesse, son vivier, dans la rue : 30%,des 18-24 ans, ont voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle. C'est une clientèle à ménager. L'éducation est un thème majeur pour les Insoumis, qui ont distribué un million de tracts devant les lycées et aussi dans les salons étudiants. Ils ont rencontré toutes les organisations syndicales étudiantes. "La lutte commence", annonçait Jean-Luc Mélenchon dans son blog. Ce n'est pas encore l'orage désiré, à peine une petite brise, mais sait-on jamais.

Il n'y a pas que les Insoumis qui demandent le retrait du projet de loi. Il y a les parents d'élèves, FO, la CGT, Sud, le SNESUP, qui appelle à la grève le 6 février. Tous dénoncent une sélection déguisée.

La sélection à l'université, vous savez depuis quand on en parle, sans jamais l'avoir faite ? Depuis 1963, période que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. C'était l'obsession du Général de Gaulle (lire les mémoires d'Alain Peyrefitte). Il trouvait qu'il y avait trop d'étudiants en sociologie, en lettres et pas assez en sciences. On allait manquer d'ingénieurs. Il fallait donc faire une orientation dès le lycée et la sélection à l'entrée des facultés pour que les jeunes soient guidés vers des filières qui débouchent sur l'emploi et non vers des impasses, vers le chômage. Pourquoi permettre que les facultés soient envahies par des étudiants qui n'ont rien à y faire, disait-il. Ils se dérobent devant les responsabilités de la vie active, ils ne veulent pas quitter l'adolescence. Ce n'est pas conforme à l'intérêt national. 

D'aucuns diraient que ce discours n'a pas pris une ride. 

Oui. Figurez-vous que sur ce dossier, il y avait eu un vrai divorce avec Georges Pompidou, le Premier Ministre. Lui, le petit Auvergnat boursier venu à Paris faire Normale Sup, l'agrégation de lettres, Sciences Po, jugeait que c'était aux parents de choisir l'avenir de leurs enfants et que tout jeune devait pouvoir accéder à la culture. Et il était soutenu par Alain Peyrefitte, ministre de l'éducation, qui lui aussi craignait de déclencher un vent de panique chez les jeunes, chez les parents, chez les enseignants si on mettait un barrage à l'entrée des facultés. De Gaulle avait renoncé mais il a toujours pensé que mai 68 ne serait pas arrivé si l'on avait fait la sélection. Et c'est une raison pour laquelle il s'était séparé de Georges Pompidou en juin, après des élections pourtant triomphales.

Mais dans les manifestations de jeudi, des étudiants et des lycéens clamaient "Blanquer a ressorti la loi Devaquet du placard", elle date de 1986.

Les manifs de 86, c'est le rêve de Mélenchon. Pour la première fois, des lycéens étaient dans la rue. Parenthèse : Alain Devaquet est mort il y a quelques jours. Il faut rendre hommage à ce spécialiste de la mécanique quantique, professeur à polytechnique, fils de boulanger, qui ne méritait pas que son nom soit accolé à une loi qui suscite autant l'opprobre. En réalité, on a fait croire à ces jeunes que le gouvernement Chirac voulait instaurer la sélection à l'université par l'argent. Alors que le texte se bornait à préciser que les universités perçoivent des droits d'inscription. Mais l'UNEF, le SNESUP, SOS Racisme avaient distribué des tracts aux lycéens pour leur dire que leurs frais d'entrée pourraient monter jusqu'à 15.000 Francs, alors que les droits d'entrée s'élevaient à 450 Francs en 86 et que tous les présidents d'université souhaitaient qu'ils soient augmentés, un peu. Un rapport du Sénat avait démonté la manœuvre, fomentée depuis l'été à l'Elysée. Julien Dray s'en souvient. C'est que François Mitterrand voulait panser les plaies de l'éducation nationale pour avoir renoncé au projet promis pendant sa campagne du grand service public laïc unifié de l'éducation nationale. Et puis ça a dégénéré, il y a eu la mort de Malik Oussékine, une sale affaire. Et l'on n'a plus osé parler de sélection.

Si le feu ne prend pas, est-ce parce que les jeunes, aujourd'hui, comprennent mieux les enjeux ?

Difficile à dire. En tout cas, pour eux, tout vaut mieux que le tirage au sort, méthode injuste et révoltante. Il y aura désormais de nouvelles règles d'accès à l'université : un tri des candidats en fonction de leur moyenne sur l'année, de l'appréciation des enseignants, du chef d'établissement, de leurs préférences. Mais le projet ne refuse pas l'entrée en fac à ceux dont les résultats sont jugés trop faibles, mais ils seront servis en dernier, s'il y a des places : 22.000 vont être créées, alors qu'on attend entre 20 et 40.000 nouveaux étudiants. Mais sortir de l'université sans diplôme, c'est la sélection par l'échec !

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