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Henri IV et Louis XIV sont connus pour avoir légitimé leurs enfants naturels. Mais Louis XV lui a toujours refusé de le faire, sauf pour l'un d'entre eux né le 13 janvier 1762. Lequel et pourquoi ?

Louis XV aimait beaucoup les femmes et a eu beaucoup de maîtresses. On a tendance à lui prêter des bâtards (terme utilisé sous l’Ancien Régime et quelques temps après la Révolution) par dizaines. En réalité, Louis XV a eu sept enfants naturels, cinq filles et deux garçons.

Il les présentait au baptême sous des noms fantaisistes ou leur trouvaient des pères de complaisance. Il ne leur donnait pas son nom mais leur a toujours assuré une bonne éducation et une existence confortable. Il ne va donner son nom qu’à un seul de ses enfants naturels : le fils que lui donne une certaine Anne Couppier de Romans. Pourquoi cette exception ? Qui est cet enfant ?

La merveilleuse (et très grande) Anne Couppier

Parmi les maîtresses de Louis XV, on connaît par cœur la comtesse du Barry, la marquise de Pompadour ou encore les sœurs Mailly-Nesle. Mais Anne Couppier de Romans est inconnue au bataillon. Leur liaison dura pourtant près de cinq ans.

Le père d’Anne Couppier était un bon bourgeois grenoblois. Le jour où elle attend un enfant des œuvres du roi, il n’est évidemment pas question de légitimer le fils d’une bonne bourgeoise grenobloise. On trafique donc l’acte de baptême de la jeune femme et son père, qui était le Sieur Romans-Couppier à Grenoble, devient Messire Couppier de Romans, appellation autrement plus chic.

Si l’on en croit Casanova, Anne Couppier est merveilleusement belle. Son témoignage n’est peut-être pas de bonne foi car parmi toutes les maîtresses de Louis XV, nombre d’entre elles ont été présentées par Casanova, notamment Marie-Louise O’Murphy, dite Morphyse. Mais quand on le lit, tout est absolument merveilleux chez Anne Couppier : teint pâle, traits du visage parfaits, yeux éclatants, dents régulières, jolie bouche, lèvres rose tendre…

La particularité essentielle d’Anne Couppier est sa taille : elle est très grande, si grande que ce sera son surnom officiel à la Cour : « La Grande ». La comédienne Sophie Arnould, connue pour ses bons mots, précise d’ailleurs :

" Chez cette personne extraordinaire, la nature avait pris plaisir à faire une grande exagération. Cette perfection était colossale, c’était au point qu’auprès d’elle ou à ses côtés, le roi lui-même, quoique fort bel homme, n’avait l’air que d’un écolier ou d’un demi-roi. "

On peut penser que Louis XV, qui aimait les particularités chez les femmes (il a notamment couché avec quatre des cinq sœurs Mailly-Nesle) et s’ennuyait très vite, a dû être agréablement séduit par la taille de la jeune femme. Elle devient sa maîtresse en 1760 et son fils naît deux ans plus tard.

Naissance de Louis-Aimé de Bourbon

Contrairement aux autres maîtresses enceintes de Louis XV, Anne Couppier de Romans n’a pas accouché au Parc aux Cerfs mais dans une maison de la grande rue de Passy, où elle reçoit les visites de Louis XV. Le roi en est d’ailleurs très épris.

" Plus que sa beauté, les nonchalantes habitudes de sa maîtresse, toujours étendue sur un canapé avec la langueur d’une Orientale, le captivaient et le charmaient. "

Quand elle tombe enceinte, il la comble de cadeaux et lui promet de légitimer son enfant. Mais cette promesse ne va évidemment pas sans quelques conditions. Non seulement la vérité de sa naissance ne doit être dite qu’en confession à un curé, mais son parrain et sa marraine doivent être pauvres ou domestiques.

L’enfant naît le 13 janvier 1762, il est baptisé sous le nom de Louis-Aimé, fils de Louis de Bourbon. Peu de temps après, Anne Couppier de Romans est faite baronne de Meilly-Coulonge. Mais elle n’est pas très discrète et la rumeur finit par courir que le roi n’a pas seulement eu un enfant naturel, mais qu’il l’a reconnu.

Madame de Pompadour, très intriguée, prend son carrosse et apprend où sont cachés Anne Couppier et le fruit de ses amours royales. Elle observe de loin et voit en effet la jolie Anne, « La Grande », avec son nourrisson dans les bras. On pense d’ailleurs que c’est Madame de Pompadour qui, plus tard, enverra des sbires pour récupérer les papiers. Elle connaît Louis XV : elle sait que lorsqu’il est ferré par une femme, il ferait tout pour elle et que dès lors qu’ils s’enlacent, c’est terminé.

Un fils enlevé à sa mère

C’est exactement ce qu’il va se passer. Anne Couppier a dans l’idée que le Royaume de France ne s’intéresse qu’à elle et va commencer à devenir exigeante. Elle finira par fatiguer Louis XV par ses obsessions en faveur de l’enfant qu’elle se flatte d’avoir fait légitimer.

Comme pour toutes ses maîtresses, Louis XV finit par se lasser d’elle. Avec la brutalité ordinaire dont il faisait preuve pour les femmes qui ne lui plaisaient plus, il s’en désintéresse complètement. En septembre 1765, il envoie des archers pour enlever l’enfant et l’élever loin de sa mère, dans l’ignorance complète de sa naissance jusqu’au jour où il entrera au Collège.

Jamais plus Louis XV ne revit Anne Couppier de Romans et tant que Louis XV vécut, jamais la mère ne revit son fils. Elle récupère finalement son enfant après la mort de Louis XV, en 1774, grâce à Louis XVI. Louis-Aimé de Bourbon dut rentrer dans les ordres et devint abbé de Saint-Vincent de Metz et chanoine de Notre-Dame de Paris.

Il n’eut jamais de descendance et mourut à 25 ans à peine, à Naples, de la tuberculose ou de la petite vérole. Il est enterré dans la même ville. Certains de ses contemporains affirment qu’il était le portrait de son père, non seulement par la figure mais aussi par les mœurs

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