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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Hier en Allemagne, des manifestations monstres d’agriculteurs, ils ont convergé vers les villes de tout le pays.

Des dizaines de milliers de tracteurs ont bloqué tous les principaux centres- villes. A Berlin, une impressionnante cohorte de tracteurs  a rempli les trois kilomètres entre la porte de Brandebourg et la colonne de la victoire; la SiegesSaule. Cela fait un mois qu’il y a des manifestations sporadiques en Allemagne. Les actions d’envergure vont durer toute la semaine.

Qu’est-ce qu’ils veulent, ces agriculteurs allemands ?

Vu d’ici, on les voit protester contre les “feux tricolores”. Les feux tricolores, cela désigne en Allemagne la coalition au pouvoir, Parti social-démocrate (SPD, rouge), du Parti libéral-démocrate (FDP, jaune) et de l’Alliance 90/Les Verts... Elle est en quête d’économies et a décidé de supprimer des subventions au secteur agricole : l'exonération fiscale pour les machines agricoles ou les subventions pour le diesel agricole. Ils demandent la démission du Gouvernement d’Olaf Scholz.

Le chancelier Scholz a fait marche arrière, pourtant.

Avant même le début des manifestations, il a amoindri la douloureuse. Mais la colère des agriculteurs allemands, qui figurent parmi les mieux lotis d’Europe, va au-delà. Ils expriment un immense désarroi, une crise existentielle. Cette crise traverse toute l’agriculture de l'UE.

Qu’est-ce qui se passe, pour notre agriculture européenne ?

Elle est à l’aube de transitions environnementales majeures, qui se font à marche forcée. Les exigences de la société - et de la Commission européenne -  sont contradictoires. Il faudrait produire suffisamment, sans intrants, sans Co2 et pour des consommateurs qui ne veulent pas payer l’alimentation cher. Et en affrontant la concurrence d’importations moins disante. Une équation impossible à résoudre. La traduction, c’est l’abandon du métier : le spleen agricole, c’est aussi des difficultés immenses à renouveler les générations.

Il y a là une alerte politique à prendre au sérieux. Et pourtant, ça se déroule sous les radars de l’actualité.

Les manifestations d’agriculteurs sont spectaculaires en Allemagne. Il y en a aussi fin 2023 au  Portugal, en Pologne, en Hongrie. Elles se déroulent à bas bruit en France, avec le retournement des panneaux d’entrées de milliers de villes. Pour des raisons toujours locales, qui se doublent du grand vide existentiel de l’agriculture européenne. Aux Pays Bas, ça a donné lieu à un mouvement politique populiste d’ampleur, qui a réussi une percée électorale.

Les dirigeants et les médias européens ont tort de ne pas s’en préoccuper. L’agriculture, c’est 4.5% de la population en Europe. C’est peu, ça n’intéresse pas grand monde. Ca se passe loin des yeux urbains. Mais ce que l’exemple néerlandais a montré, c’est que la capacité d’entraînement du monde rural par les agriculteurs est forte. Ce monde rural, est lui aussi, en plein désarroi, il se sent isolé, méprisé, négligé et puni par les transitions écologiques.