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Chaque matin, Roland Pérez évoque une question de droit en rapport avec l'actualité dans Europe 1 Bonjour.

Ai-je le droit de me tromper sur la valeur et l’authenticité d’un objet que je vends sur eBay ?

On va répondre à cette question à l’occasion de cette invraisemblable histoire du cliché en noir et blanc acheté huit euros sur eBay et qui en vaut en réalité, après expertise, deux millions d’euros.

Une photo achetée sur le réseau internet de vente entre particuliers eBay, son prix a été négocié pour huit euros. Le petit Malin qui l’a acquise se doutait-il déjà de l’excellente affaire conclue ? Puisqu’après expertise, le cliché vaudrait deux millions d’euros.

Ça s'est passé au Royaume Uni. Le petit malin s’appelle Justin Whiting et il est passionné de western. Il y a quelque mois, il repère sur eBay un cliché, présenté comme datant du 19e siècle. La photo est évidemment en noir et blanc, ternie par le temps. Elle représente un tout jeune homme, en tout cas c’est ce que croit le vendeur qui propose le cliché à la vente pour seulement quelques euros.
L’acheteur lui croit immédiatement reconnaitre sur la photo le célèbre hors la loi américain, Jesse Woodson James, plus connu sous le nom de Jesse James. Il faut vous dire qu’il collectionne les livres qui retrace l'époque des guerre de sécessions que se livrent les nordistes et les sudistes. À ce prix-là, il n’hésite donc pas et acquiert le cliché qu’il s’empresse de faire expertiser. Le verdict tombe : c’est un cliché authentique du gangster datant de 1861, une photo originale rare estimée à deux millions d’euros.

Ce jackpot exceptionnel pour l’acheteur, peut-il être remis en cause par le vendeur juridiquement ?

On va évidemment répondre en se fondant sur le droit français dans des situations analogues.
Les tribunaux ont eu maintes fois l’occasion de se pencher sur des dossiers ou soit le vendeur soit l’acheteur se méprend sur la réalité en considérant ce qui est vrai comme faux ou ce qui est faux comme vrai.
Or, le code civil ne considère pas forcement l’erreur comme une cause viciant le consentement et entrainant la nullité du contrat.

Dans ce cas précis ou le vendeur n’a visiblement pas su que le cliché qu’il vendait était la photo originale d’un escroc légendaire du 19e siècle, pourrait-il (si cela s’était passé en France) demander en justice la nullité du contrat ?

À priori non car son erreur procède d’une ignorance sur l’identité de la personne photographiée alors qu’il précisait bien qu’il s’agissait d’un cliché original datant du 19e siècle.

Y a-t-il déjà eu des précédents en France ?

Oui avec l’affaire dit de la "jurisprudence poussin", un vendeur croit vendre un tableau attribué à l’école des Carrache alors que la réunion des musées nationaux va l’acheter et l’authentifier comme étant un tableau peint par Nicolas Poussin.
Les vendeurs demandent alors la nullité du contrat de vente qui va leur être au départ refusée par la justice au motif que le doute persiste sur l’authenticité. La Cour de cassation va donner raison au vendeur car au moment de la vente, la justice aurait du vérifier si le vendeur avait ou non un doute sur la paternité du tableau et dans le cas contraire l’erreur peut être retenue.

Dans l’affaire de la photo, pour le vendeur il n’y avait pas de doute, la photo était bien un original d’un cliché du 19e siècle représentant un tout jeune homme dont il ignorait le nom et la possible cotation en raison de la rareté du cliché. Pourtant la nullité n’est pas possible alors qu’il s’est visiblement trompé sur la valeur du cliché ?

C’est tout le problème, il a péché par ignorance. Ce ne sont pas les qualités substantielles du cliché qui sont remises en cause mais l’appréciation économique inexacte qu’en a fait le vendeur, d’où l’intérêt des ventes effectuées de la sorte entre particuliers.