L'élection présidentielle contestée au Gabon, l'Europe et l'optimisation fiscale des grands groupes : les experts d'Europe 1 vous informent

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SAISON 2016 - 2017

Axel de Tarlé, Géraldine Woessner et Sophie Larmoyer font le point sur l'actualité du jour.

 

Axel de Tarlé, expert économie

Trois semaines après la crise du lait, voilà qu'on apprend que le marché mondial du lait rebondit très nettement.
Ça veut dire quoi ? La crise du lait est terminée ?

Les cours mondiaux repartent de l'avant mais ce sont les produits dérivés du lait qui sont cotés comme le beurre, qui remonte à 3.500 euros la tonne à la mi-septembre, nous dit les Échos, soit une augmentation de 50% en six mois.
La poudre de lait, elle, a augmenté de 42% depuis avril dernier.

Pourquoi ? C’est toujours un peu la même raison.
Les Chinois ont repris leurs importations. Les mamans chinoises, qui n'ont toujours pas confiance dans le lait "made In china" pour nourrir leurs enfants, préfère à 62% acheter du lait, de la poudre de lait d'importation. Voilà, pour la demande.

Pour l'offre. elle a nettement reculé partout dans le monde.
La crise était mondiale et en Nouvelle Zélande, premier exportateur mondial de poudre de lait et de beurre, le litre de lait était tombé à 17 centimes contre 25 centimes en France, forçant nombre de producteurs à mettre la clé sous la porte ou au moins à réduire leur cheptel.

Plus de demande et moins d'offre. Le résultat est immédiat, les cours remontent.

Et pour nos producteurs ça veut dire quoi ? Qu'ils vont vendre leur lait plus cher ?

Non, vous savez, les prix du lait en France sont négociés avec les industriels sur plusieurs années. Il y a une contractualisation notamment avec Lactalis qui s'est engagé sur 30 centimes le litre de lait.
La pression est à la hausse sur les prix mais, on comprend la difficultés des éleveurs, confrontés à ce yoyo insensés des cours mondiaux des produits laitiers.

Quelles sont les solutions ?

L'Europe peut essayer de réguler les prix en stockant les surplus et une meilleure organisation de la filière et des produits finis mieux valorisés comme le fromage et le yaourt.

 

 

Sophie Larmoyer, experte international

Voilà un peu plus de trois semaines qu’a eu lieu l’élection présidentielle au Gabon et la situation est toujours tendue. La victoire proclamée du sortant Ali Bongo, est toujours contestée par son rival Jean Ping. Cette semaine devrait être décisive.

Effectivement parce que la Cour Constitutionnelle doit se prononcer au plus tard vendredi sur le recours déposé par l’opposition. En attendant, le pays retient son souffle.
Le litige porte sur la région natale d’Ali Bongo, le Haut-Ogoué. Dans cette 9e province du Gabon, le président sortant a obtenu un score exceptionnel de plus de 95 % des voix, avec un taux de participation de 99, 83%. Ce qui lui a permis de refaire tout juste son retard à 6.000 voix près. Ce taux de participation signifie tout de même que seule une cinquantaine d’électeurs ne serait pas allés voter, ce qui a créé évidemment la suspicion.

Tous les regards sont donc tournés vers la Cour Constitutionnelle, que l’on peut penser impartiale ou pas ?

Vous savez, tout est familial, au Gabon. La présidente de la Cour Constitutionnelle, Marie-Madeleine Mborantsuo, que l’on appelle là-bas "3M", a été en son temps l’une des maitresses d’Omar Bongo, le père donc, dont elle a eu deux enfants, qui ont donc pour demi-frère le président Ali Bongo.
Omar Bongo l’avait nommée à la tête de la Cour Constitutionnelle en 98 et elle y est restée depuis, ça fait 18 ans.

Donc, il y a un doute sur son impartialité.

Le surnom de cette instance, dans les milieux de l’opposition, c’est "la Tour de Pise" parce que, dit-on, elle penche du côté du pouvoir.
Mais quand même. Certains notent l’expérience de cette magistrate de 61 ans et la manifestation, récemment, d’une certaine indépendance dans des affaires constitutionnelles face au pouvoir d’Ali Bongo. Son intention, c’est que la Cour contrôle la régularité des 2.580 procès-verbaux de l’élection. Et d’ici vendredi, elle peut soit confirmer l’élection du président Bongo, soit demander un nouveau comptage des voix ou même un nouveau scrutin.

Et pendant ce temps, le calme est-il revenu dans le pays ?

Oui un calme relatif qui a permis par exemple que la rentrée scolaire se fasse vendredi au Lycée français de Libreville. Mais les témoignages sur place révèlent un sentiment de crainte de représailles. Internet fonctionne un tout petit peu en journée mais plus après 18h et les réseaux sociaux sont bloqués, une sorte de "couvre-feu numérique", que le gouvernement ne s’explique pas, bizarrement.
Les Gabonais attendent le verdict de la Cour Constitutionnelle, avec une certaine appréhension.

Dans une itw à Jeune Afrique en fin de semaine dernière, la présidente de la Cour Constitutionnelle reconnaissait et regrettait qu’il y ait eu beaucoup d’insuffisances dans l’organisation du scrutin.

 

 

Géraldine Woessner pour le Vrai faux de l'info

Le vrai faux de l’Info passe au crible une affirmation de Jack Lang. Le président de l’Institut du monde arabe s’est agacé hier matin, des questions que nos confrères lui posaient sur la diplomatie de la France, un petit peu schizophrène dans son soutien constant à l’Arabie Saoudite, accusée de nourrir et de financer le terrorisme. Il faut arrêter, dit-il, avec les clichés.

Jack Lang : "Je ne défends pas l'Arabie Saoudite, je ne suis pas son ambassadeur mais il faut que là aussi la vérité soit dite : une majorité d'étudiants sont des femmes"

Une majorité d’étudiants sont des femmes en Arabie Saoudite, c’est vrai ou c’est faux ?

C’est vrai mais, contrairement à ce que laisse entendre Jack Lang, cela ne veut pas dire que la société saoudienne soit plus ouverte qu’on le pense. Vous allez voir qu’avec une donnée exacte, on peut désinformer car ce chiffre mérite qu’on s’y arrête en détail.
Les femmes, c’est vrai, décrochent 60% des diplômes du supérieur en Arabie Saoudite. Alors déjà, faut savoir de qui on parle, les femmes ne sont pas libres. Seules celles que leur tuteur légal a autorisées à étudier, peuvent s’inscrire à l’université. C’est moins de 30% d’une classe d’âge, ça limite donc un peu. Ensuite, il faut voir quel type de diplôme elles obtiennent. Et là, l’OCDE nous donne un éclairage, si elles sont très nombreuses dans l’Éducation, les soins ou la santé, elles ne représentent que 3% des diplômes d’ingénieurs soir le plus faible taux au monde. Elles sont absentes des meilleures universités du pays, réservées aux hommes, comme celle des minerais et du pétrole. Elles sont également très peu représentées dans les filières prestigieuses du commerce ou de l’industrie. Il faut enfin voir la qualité de la formation qu’elle reçoivent, elles sont totalement séparées des profs masculins qui leur dispensent leurs cours à distance par visioconférences.

Parce qu’elles n’ont pas le droit d’être dans la même pièce qu’un homme ?

Évidemment non. résultat leur insertion sur le marché du travail est très faible puisqu’elles ne représentent que 13% seulement de la population active. D’autant plus que la charia s’applique aussi dans le monde de l’entreprise où un homme devra les emmener, puisqu’elles n’ont toujours pas le droit de conduire.

Pourquoi dans ce cas leur ouvrir si grandes les portes des universités, si rien ne change ?

Pour des raisons économiques d’abord, l’Arabie saoudite prépare l’après-pétrole, elle a besoin de travailleurs qualifiés et ne peut pas se couper de la moitié de sa force de travail. Et puis également pour des raisons évidentes d’image. On se dit à l’étranger que la société bouge, quand on entend Jack Lang. On oublie, les femmes adultères lapidées, la vie sous tutelle de ces Saoudiennes, qui ne peuvent quasiment rien faire sans le consentement d’un homme. Jack Lang a cédé aux sirènes de la propagande saoudienne et ce n’est pas un cliché.

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