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Chaque jour, Marion Lagardère scrute la presse papier et décrypte l'actualité.

Dans la presse ce matin, grèves, mobilisations et mouvements sociaux.

"La grève, le mauvais son de cloche de Pâques", c’est le titre en Une de Midi Libre. Parce que "ça débraye de partout, nous dit le journal : Carrefour, Air France, SNCF". Et pas seulement ! Puisqu’il y a "un hic dans les facs", ajoute le gratuit 20 Minutes qui parle d’un mouvement étudiant qui pourrait prendre de l’ampleur. En Une de la Marseillaise, c’est l’hôpital public et les urgences. Dans le quotidien l’Opinion, "le malaise des magistrats et des avocats". Et dans l’Humanité, la CGT Mines Energie appelle "les salariés du secteur à rejoindre les cheminots". Pourquoi un tel empilement de mouvement ? Dans les Échos, pour Eric Le Boucher, le nœud du problème est évident : "le macronisme manque d’explicabilité (…) il manque de relais pédagogique et peine à inscrire sa révolution dans les têtes (…) Le pragmatisme et la complexité sont difficiles à vendre à l’opinion, conclue Eric Le Boucher. Il manque à Emmanuel Macron la manière de rendre son idéal compréhensible". Voilà, tous ces mouvements, ce serait le fruit d’un défaut "d’explicabilité". Cheminots, étudiants, personnels hospitaliers, magistrats, avocats, auraient besoin de pédagogie. Ou peut-être qu’au contraire, ce sont les mécontents qui ont un problème d’explicabilité vis-à-vis de l’exécutif et de l’opinion. C’est en tout cas l’analyse de l’hebdo Politis qui titre "mouvement social : gagner la bataille de l’opinion : le succès du printemps social se jouera sur le terrain des idées, écrit le magazine, et dans la capacité du mouvement syndical à convaincre de la dimension collective de son combat". Voilà, un souci partagé de forme pour un vrai sujet de fond et deux visions divergentes de la société. 

Justement, Libération ce matin interroge notre société et nos comportements.

"Je note, tu notes… et nous trinquons", dossier sur les systèmes de notations par les consommateurs des services qu’ils utilisent. "De plus en plus d’entreprises utilisent des questionnaires de satisfaction, remplis par les clients, pour manager leurs salariés. Des notes qui peuvent influer sur les salaires ou aboutir à une perte d’emploi". Témoignage de Fabien, chauffeur Uber suspendu parce qu’il n’a pas reçu assez d’étoiles de la part de ses clients. Quatre sur cinq en moyenne, alors qu’Uber exige une note minimale de 4,5. Même épée de Damoclès pour les livreurs de Deliveroo, pour les vendeurs des concessions Citroën ou des magasins Picard. Des petites étoiles à grand impact : c’est d’elles que dépend une prime, ou à l’inverse un blâme pour le salarié. Et à lire Libération, on comprend que ce phénomène n’est pas prêt de s’arrêter. Non seulement les entreprises y voient un outil managérial, mais force est de constater que les utilisateurs aiment mettre des notes. "Alors que nous dit cette frénésie d’évaluation ? "Eh bien elle parle de notre temps, résume le philosophe Roger-Pol Droit, elle parle des relations entre nous, de nos rapports sociaux. Condamner les notes serait inutile, en revanche il est possible de ne pas être dupe du monde simplifié et infantilisé qu’elles proposent, dit-il en conclusion : On ne met pas de note à la vie". Dossier à méditer donc dans Libération.

Et puis, pendant qu’ici on note, en Syrie "on trie". C’est le titre d’un article publié ce matin dans le Parisien.

Ça se passe dans la zone rebelle de la Ghouta orientale, contrôlée désormais à 90% par l’armée de Bachar el-Assad. Le journaliste Philippe Martinat raconte "le tri odieux et méthodique, dit-il, effectué par les militaires du régime. Parmi les civils qui fuient la zone, raconte un humanitaire anonyme, les forces de sécurité emmènent les femmes et les enfants dans des camps de réfugiés, les jeunes hommes, eux, sont mis à part : les services traquent ceux qu’ils soupçonnent d’hostilité au régime : anciens militaires d’opposition, sympathisants du mouvement citoyen de 2011, mais aussi blogueurs, journalistes ou médecins. "Ceux-là sont interrogés, torturés puis disparaissent", résume un membre d’un ONG ». Le Parisien qui publie une photo prise mardi, celle de quatre hommes aux visages et aux mains tuméfiées, "visiblement soumis, écrit Philippe Martinat à des séances de torture". Le sort de la Ghouta que l’on retrouve aussi en Une de La Croix avec ce titre "Syrie : la guerre sans fin".. Témoignages de civils fuyant les combats, comme Nivin Hotary, 39 ans : "la communauté internationale ne nous a pas aidé, dit-elle, elle nous a laissé face au choix suivant : quitter notre terre ou laisser Bachar el-Assad nous attraper, elle nous a obligé à être des déplacés forcés". Reportage d’Anaïs Brosseau et Virginie Le Borgne à lire donc dans La Croix.

Enfin, un mot sur les nouveaux magazines qu’on trouve en kiosque cette semaine.

Oui, l’état de santé de la presse est à géométrie variable : pendant que les uns déposent le bilan, d’autres se lancent. C’est le cas cette semaine du Journal des Femmes, un bimestriel qui fait un pari osé, celui de passer du web au papier, puisqu’il est issu du site journaldesfemmes.fr. En couverture : "changer… changer de vie, de tête, de style". Et puis autre nouveau venu, le magazine Miaou !, bimestriel dédié, vous l’aurez deviné, aux amoureux du chat. Pour être honnête, j’étais très sceptique en le recevant, mais vu que trois personnes dans cette rédaction ont déjà essayé de me le piquer, je confirme : oui, il y a un lectorat. Enfin, l’hebdomadaire Vraiment… Où là aussi on parle "phénomènes de société" et "proximité". En couverture : "pourquoi la voiture nous rend fou ?". Mais surtout, surtout ! en page 30, enquête sur les poules de jardin : "l’idée fait sourire, écrit Bartholomé Simon, mais les français sont de plus en plus nombreux à adopter un couple de poule pour réduire leurs déchets organiques. Épluchures de fruits et légumes, restes de viande ou pain rassit : chaque volatile est capable d’en ingurgiter 75 kilos par an". C’est bucolique, ça ravit les enfants, mais, note le magazine, "ça reste une paille dans le système de traitement des déchets : les épluchures ne représentent que 7% de ce que l’on jette". Autrement dit, pas grand-chose par rapport au vrai défi : la multiplication des emballages, notamment plastique. D’autant que "les poules ne font pas d’œufs tout de suite", prévient le journal. Avec ça, si vous avez un jardin, autant faire du compost. Quoi qu’il en soit, l’enquête est très instructive, elle est à lire dans le dernier numéro du magazine Vraiment.