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Chaque jour, Marion Lagardère scrute la presse papier et décrypte l'actualité.

Dans la presse ce matin, comment "penser l’emprise et comment s’en défaire".

C’est la question posée en couverture du numéro de juin de la revue Sciences Humaines.
L’emprise des écrans et des réseaux, l’emprise de l’hyperconsommation et même du travail. "Sachant que ces formes d’emprises, écrit le magazine, ne sont pas celles d’un pouvoir totalitaire et occulte qui nous manipulerait à notre insu, nous en sommes plutôt des victimes affolées mais consentantes. D’où cette question comment décrocher ?".

Et à regarder les Unes de la presse, on se dit qu’elle est parfaitement d’actualité. A commencer par internet et les nouvelles technologies. Alors on a l’angle "optimiste", à travers l’ouverture à Paris du salon Viva Tech, prometteur en matière d’investissements et d’emplois. C’est la Une des Échos : "Macron place Paris au cœur du débat sur l’innovation". Retour sur l’opération séduction menée hier à l’Élysée pour vendre la start-up nation aux géants du secteur, Facebook, Microsoft, et IBM. "Macron cajole les stars du numérique", titre le Figaro Eco. Là où l’Opinion le sacre littéralement "Président des geeks".

Et puis, il y a aussi l’autre angle, celui, plus "pessimiste", de la protection des données, ces mines d’informations que nous laissons sur Internet. Sujet en Une de La Croix, Ouest-France, la Dépêche du Midi, ou encore Sud-Ouest qui titre : "la peur grandissante des Français d’être fliqués sur Internet". Constat tiré d’un sondage BVA : 77% des personnes interrogées se disent effectivement "inquiètes concernant l’utilisation de leur données par les géants du web".

Sauf que la peur ne mène pas forcément à un changement de comportement.

C’est ce qu’on comprend en lisant Les Échos qui nous apprennent que, malgré le scandale Cambridge Analytica, "les utilisateurs de Facebook n’ont pas fui". Bien au contraire, écrit la journaliste Anaïs Moutot. "Fin avril, le nombre de personnes connectées au réseau social a augmenté de 13% pour atteindre désormais 2,2 milliards d’utilisateurs". Pourquoi ? Parce que "Facebook a su se rendre indispensable", jugent les Échos, "les bénéfices qu’on peut en tirer sont immédiats, et l’idée de risque est reléguée dans un futur lointain". Bel exemple d’emprise : je n’ai pas confiance mais je reste. Dans La Croix le philosophe Michaël Foessel y voit un mécanisme assez classique : "comme nous ne sommes pas sûr de ce que nous vivons, nous le soumettons au regard des autres. Il y a un désir d’attester ce que l’on est. Nous recherchons des témoins et les réseaux sociaux, dit-il, répondent à cette recherche". Voilà, de quoi penser l’emprise des réseaux sociaux sur nous, c’est à lire dans la Croix. Sinon, pour comprendre qu’il y a pire que notre addiction consentie, vous pouvez lire le dernier Courrier International sur la Chine "l’État Big Brother" : "comment Pékin amasse les données personnelles de ses citoyens à des fins commerciales et politiques". Et puis dossier sur le même thème dans l’édition papier de Usbek & Rica : "Chine, l’empire no limit", où l’on énumère ce qui est mis en place là-bas et qui pourrait éventuellement arriver ici : de la multiplication des caméras à reconnaissance faciale dans la rue à la mise en place d’une "note sociale" pour chaque citoyen. Ca ressemble aux séries télés de science-fiction de type Black Mirror, "sauf que ce n’est pas un scénario, écrit Usbek & Rica, mais bien une réalité".

Et puis, autre emprise, autre addiction : notre hyperconsommation de plastique. C’est le dossier de l’Obs cette semaine.

Avec cet appel en couverture : "déplastifions-nous !", et ce reportage d’Arnaud Gonzague intitulé "demain j’arrête". Conseils d’Aline Gubri, blogueuse de 22 ans qui a décidé il y a trois ans de traquer les plastiques dans sa vie et de les remplacer autant que faire se peut : fini les plats préparés et bonjour la cuisine, que du vrac, sans emballage, des cookies fait maison pour remplacer les paquets de gâteaux suremballés, de l’huile de coco pour faire office de crème hydratante, du savon de Marseille pour le liquide vaisselle, pareil pour la lessive, un peu de bicarbonate de soude en plus.
Résultat : de très nombreux récipients en verre et surtout 30% d’économie dans son budget.
Comme dit l’Obs, "sans revenir à l’ère préhistorique, ça fait quand même pas mal de pistes pour réduire drastiquement la présence des plastique dans notre vie". Et preuve, s’il en fallait, que non seulement on en produit énormément mais qu’en plus ils ne disparaissent pas : cet article trouvé dans le Parisien, "sous la plage. Les décharges". Parce qu’à "la faveur de l’érosion des côtes et des tempêtes hivernales, écrit le journal, d’anciens dépôts d’ordures réapparaissent". Photo d’une falaise éventrée près du Havre, recrachant sur la plage des tonnes de déchets plastiques. Reliquat de l’ancienne décharge de Dollemard, ouverte en 62 et fermée en 2001. "Fermée", ou plutôt recouverte de terre et oubliée. Comme bien d’autres, puisque d’après l’association Robin des bois, la France compterait 20.000 décharges sauvages.

Enfin, puisqu’on parle d’emprise, interview de William Sheller dans Paris Match qui, lui, évoque son addiction à la cocaïne.

Oui, c’est après avoir fait 200 concerts, un burn-out puis un double œdème pulmonaire qu’il a compris qu’il "payait ses excès". "C’est vrai que j’ai pris beaucoup de coke, dit-il, je me suis bien poudré le nez dans les années 60 et 70 mais, au moment où je le vivais, c’était amusant. C’est un stimulant physique et intellectuel. Et c’est là qu’est le danger, parce qu’avec la cocaïne, sur le plan artistique, j’étais réellement meilleur, confie-t-il à Sacha Reins, comme avec les amphétamines, on trouve rapidement des solutions aux choses". Pratique dans l’instant, ravageur ensuite. "Il y a trois ans, écrit Match, William Sheller a frôlé la mort. Aujourd’hui, il revient doucement à la musique, et projette de faire un album instrumental avec son petit-fils". "Tu penses à la mort ?" lui demande Sacha Reins. "Oui, mais sans aucune peur, répond William Sheller, à 72 ans, je veux prendre mon temps, ne plus aller sur les plateaux, ne plus y trainer ma vieille carcasse, je ne veux pas louper ce qu’il me reste de vie. Je peux travailler encore 10 ans comme compositeur, après tout, on n’est jamais à l’abri de composer quelque chose de bien. Je peux même pousser jusqu’à 15 ans, conclue-t-il, c’est la vie d’un chien". Voilà, à lire dans Paris Match, un William Sheller revenu d’un burn-out, sorti de l’emprise et toujours en quête d’être un homme heureux.