Finances publiques : "Emmanuel Macron n’a désormais plus aucune chance d’être au rendez-vous de ses promesses à la fin de son mandat"

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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Vous n’avez pas aimé un rapport publié cette semaine par la Cour des Comptes.

Effectivement, ou plutôt, je n’ai pas aimé ce qu’il a révélé des comptes publics, des comptes de l’Etat. Tous les ans, à la même période, les magistrats de la Cour des Comptes publient un travail intitulé "situation et perspectives des finances publiques". C’est un document de référence qui permet de jauger la fiabilité des engagements de l’Etat en matière de finances publiques. Bon, pour l’année 2019, les promesses du gouvernement, ce qu’on peut appeler sa trajectoire budgétaire paraît plutôt fiable : elle est "plausible", dit la Cour des Comptes, ce qui en réalité n’est pas véritablement un exploit puisque c’est juste reconnaître que d’une année sur l’autre, la situation de nos finances publiques s’est nettement dégradée.
A cause des suites de la crise des "gilets jaunes", je suppose.

Absolument.

Donc, si je vous suis, les prévisions sont peut-être décevantes mais elles sont crédibles. Qu’est-ce que vous n’aimez pas là-dedans ?

La suite, ce qui va se passer après cette année en demi-teinte. Là, c’est alerte rouge. Car il ne devrait y avoir aucune amélioration réelle de nos finances publiques l’an prochain. Ce qui fait qu’Emmanuel Macron n’a désormais plus aucune chance d’être au rendez-vous de ses promesses à la fin de son mandat. Il avait promis que la France, à cet horizon, serait à l’équilibre (ce qui est déjà le cas, je le rappelle, de la majorité des pays de la zone euro). La Cour des Comptes juge cela impossible. Une fois de plus, la promesse électorale concernant les finances publiques ne sera pas tenue.

Effectivement, les prédécesseurs d’Emmanuel Macron avaient tous promis, et tous manqué à leur promesse.

Tous, absolument. Ce qui devrait faire réfléchir sur deux ou trois sujets. Le premier, c’est cette particularité bien française, cette tolérance à la dépense publique, au déficit. Les Français n’ont pourtant pas la réputation de se moquer de leur propre argent. Mais voilà, lorsqu’il s’agit de l’Etat, ou des collectivités locales, ou de certains services publics, on a l’impression que le lien se distend, et qu’on ne compte plus. En tout cas, on constate que les déficits ne leur font pas peur.
Le deuxième point étonnant, c’est le côté totalement fictif des engagements politiques pris sur plusieurs années. On sait bien que les promesses électorales ne valent que pour ceux qui les écoutent… mais tout de même. En tout cas, ça veut dire que sur des dossiers très lourds et qui ne peuvent se régler que sur plusieurs années, tout ce qui n’est pas fait, tout ce qui n’est pas sérieusement entamé au tout début d’un mandat électoral n’a aucune chance d’être réalisé.
Et le troisième point ?

C’est une forme de coup de chapeau à l’abnégation absolue des magistrats de la Cour des Comptes. Ils parlent, ils comptent, ils dénoncent, ils mettent en garde, ils admonestent, recommandent, avertissent, et tout cela avec une imparable régularité. Exactement la même régularité avec laquelle les gouvernements successifs s’en moquent. C’est admirable…