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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Vous avez aimé un clash qui s’est produit cette semaine entre Donald Trump et Emmanuel Macron.

Oui, un clash qui s’est produit au sein de la prestigieuse Assemblée générale des Nations Unies qui, comme tous les ans à pareille époque, se tenait à New York. Ça n’était pas un face à face, mais une sorte de duel verbal, raide, carré, sans jamais désigner nommément l’adversaire. Bref un moment de tension comme la diplomatie sait en produire.

Et la raison de ce clash ?

Rien moins que la confrontation entre deux visions du monde. Celle de Donald Trump, America’s first, je protège mon pays, et je punis (y compris de façon préventive) tous ceux qui me menacent. Menace physique (et il accuse l’Iran), menace commerciale (et il désigne la Chine), menace économique (et il avertit les pays de Moyen-Orient qui font monter artificiellement le prix du pétrole et fragilisent ainsi la croissance des Etats-Unis).

Et du côté d’Emmanuel Macron ?

C’est l’inverse, je vous le disais. Non pas qu’il ne veuille pas protéger son pays, mais parce qu’il refuse cette vision totalement unilatérale du monde, et des relations internationales. Dans son discours, un très bon discours, il a dénoncé la loi du plus fort, et mis en avant l’impératif collectif.

C’est en travaillant avec tous les pays du monde qu’on a une chance, dit-il en substance, de réparer les dérèglements de la mondialisation, et de reconquérir les opinions publiques qui, progressivement, s’en sont détournées. Les Etats, et les chefs d’Etat, a-t-il ajouté, sont responsables de cette situation. C’est eux qui "ont échoué à réguler les dérives financières, sociales, climatiques". C’est à eux, dans un cadre multilatéral, de les réparer.

Bon, c’est clair : ils ne sont pas sur la même planète. Et c’est irréconciliable ?

En théorie, non. On pourrait très bien imaginer un monde international dans lequel tous les pays, sauf les Etats-Unis, coopèrent par exemple dans le cadre de l’ONU. Mais, en dehors du fait que les Etats-Unis sont la première puissance au monde et qu’il paraît invraisemblable de la mettre entre parenthèse, il y a un hic… C’est que la vision unilatérale, America’s first, de Donald Trump, a de lourdes conséquences sur la stabilité du monde.

Ce sont les sanctions sur l’Iran et sur la Chine dont vous parliez à l’instant ?

Exactement. En fait, Trump a beau dénoncer le "globalisme", il le pratique à grande échelle. Non seulement il sanctionne l’Iran, mais il décide de sanctionner dans la foulée tous les pays et toutes les entreprises qui garderont des relations avec ce pays.

Même principe avec la Chine : lorsqu’il impose des droits de douane punitifs aux produits chinois qui rentrent aux Etats-Unis, il incite les Chinois à se détourner du marché américain pour écouler leurs produits ailleurs. Et où ? En Europe, bien sûr. Voilà deux cas concrets dans lesquels la loi du plus fort, stigmatisée par Emmanuel Macron, a des conséquences concrètes sur nous.

Vous le voyez, derrière le clash Trump-Macron autour des concepts (multilatéralisme, unilatéralisme), c’est bien de la vie concrète qu’il s’agit. Et c’est pour ça que j’ai aimé cette passe d’armes diplomatique.